Depuis dĂ©but janvier, je suis lâactualitĂ© concernant ce nouveau virus ainsi que le scandale social et sanitaire lâaccompagnant.
Peut-ĂȘtre vais-je parler ici de quelque chose dâinessentiel, de pĂ©riphĂ©rique, on pourra qualifier ce propos de vue par le petit bout de la lorgnette et certainement grossis-je ce que je ressens. Mais comme ça mâobsĂšde un peu dans mon confinement relaxĂ©, je souhaite vous la faire partager, cette tentative dâanalyse trĂšs partielle. Elle concerne lâattestation de dĂ©placement en vigueur en France.
La premiĂšre fois oĂč jâai entendu parler de cette autorisation de sortie Ă tĂ©lĂ©charger et remplir soi-mĂȘme, je suis restĂ© stupĂ©fait : il y avait lĂ quelque chose de loufoque, dâillogique et somme toute â eu Ă©gard Ă lâurgence de la situation â parfaitement scurille.
La critique dâactions ou, plus justement dans le cas de cette Ă©pidĂ©mie, dâinactions criminelles devrait prendre a priori un avantage hiĂ©rarchique sur celle de la simple malveillance bureaucratique. Pourtant, je crois discerner dans cette attestation de sortie un signe intensĂ©ment hostile.
Ainsi avons-nous tous notĂ© et certainement avec effarement quâĂ cette occasion le domaine de la coercition Ă©tait nouvellement en libre-service sur internet, comme un ticket de train, une opĂ©ration bancaire etc. On pourrait bien sĂ»r philosopher sur le fait que sâacheter un ticket est souvent une torture et quâainsi finalement, ce nâest pas si Ă©trange comme ça en a lâair.
Et nous avons aussi tous compris quâun cocktail de dĂ©bilitĂ© et dâautoritĂ© infantilisante Ă©tait Ă lâĆuvre. Cette modernitĂ© apparente a au fond pour aĂŻeux les brimades crĂ©tines des casernes. Mais quand mĂȘme !
Quand mĂȘme, aurait-on pu penser il y a seulement quelques annĂ©es ou mois, quâune telle chose serait possible ? ⊠Une telle Ă©pidĂ©mie certainement, mais une mesure de ce genre !
Jâhabite Ă lâĂ©tranger et on nous recommande aussi et assez fermement de rester chez soi. Vendredi, au cours ma promenade quotidienne, je voyais mes voisins jardiner, prendre lâapĂ©ritif sur la terrasse, se promener Ă pied ou en vĂ©lo, pĂȘcher⊠Tout ça sous un ciel bleu, vidĂ© de ces traces blanches dont on dit quâelles sont vaporisĂ©es pour nous abrutir. Peu de circulation, peu de bruit : tout ça ressemblait Ă des vacances et â je lâavoue volontiers â en avait un peu la couleur.
En effet, mĂȘme si il nây a pas de raisons de se rĂ©jouir outre mesure de cette Ă©pidĂ©mie, on pourrait bien apprĂ©cier ce ralentissement gĂ©nĂ©ral, cet air soudainement plus pur, il y a pas dâĂ©cole, pas de travail, et en plus il fait beau.
Au mĂȘme instant, en France, cette contrainte agressive, bornĂ©e, bĂȘte et mĂ©chante. Et oui, câest peut-ĂȘtre dâabord de ça dont il sâagit : un autoritarisme inversement proportionnĂ© Ă la compĂ©tence de ces gens par qui ce malheur arrive et qui (trĂšs thĂ©oriquement et pour les plus â disons â naĂŻfs) seraient censĂ©s nous en prĂ©munir.
Une des vraies raisons de cette ubuesque autorisation de sortie en libre-service, câest que la populace ne doit en aucun cas se sentir en vacances, mais toujours sous tension. Il fait beau certes, mais il a fallu quâils ferment les plages et les fassent contrĂŽler comme une manif de Gilets jaunes ! Avec hĂ©licos svp !
Le confinement, ça doit ĂȘtre dur, inconfortable, dĂ©sagrĂ©able comme ce que subissent les sdf âs, les migrants, les prisonniers, les demandeurs dâasile, les chĂŽmeurs, ça doit faire mal comme un coup de matraque sur un gilet jaune, ça doit ĂȘtre triste comme une fin de vie sans oxygĂšne en Ephad : pas de rĂ©pit pour le prĂ©caire ! Arbitraire policier pour (presque) tous !
Le plan, câest quâau bout du sombre tunnel, la reprise du travail soit vue comme un salut, une promesse de libertĂ©. Redevenir cet hamster actionnant sa roue devra nous paraĂźtre enviable, paradisiaque mĂȘme. Si lâon pĂątit du confinement, de lâisolation, câest que certains veulent nous rĂ©duire Ă en rĂ©clamer Ă tout prix de la « â normalité⠻. Depuis le dĂ©but de cette crise ils en prĂ©parent lâaprĂšs avec un arsenal bien rĂŽdĂ© et une rĂ©thorique de guerre.
Cette attestation, câest un curieux et monstrueux mĂ©lange, le pire de deux mondes. Il nây a pas que de la pĂ©dagogie mĂ©chante et autoritaire, il y a aussi de lâĂ©ducation moderne, participative. Un genre de dressage contemporain : dâabord tu prends lâhabitude dâavoir une autorisation, tu dois lâimprimer ou la recopier toi-mĂȘme, câest agaçant, mais risible â aprĂšs tout, tu peux tricher : ils sont vraiment dĂ©biles ⊠elle sera de plus en plus souvent contrĂŽlĂ©e, chicanĂ©e ⊠tu auras peut-ĂȘtre une amende ⊠des recidivistes vont en prison (câest grave et scandaleux dans ce contexte, mais ça peut plaire : câest martial comme les 12 balles dans la peau du petit voleur dâun temps de crise) ⊠cette attestation, elle tâoccupe et te prĂ©occupe : tu nâes plus vraiment sĂ»r de ce qui est autorisĂ© ou non ⊠et puis un jour, tu dois la faire tamponner Ă la kommandantur. AprĂšs tout, câest la guerre.
Effectivement, câest la guerre et elle nâa pas commencĂ©e avec le virus. En France, ils ont eu besoin de mois et dâun terrorisme Ă©tatique sanglant pour mater â provisoirement â les courageux gilets jaunes, et maintenant ça. Ces mauvais traitements continuels sont liĂ©s Ă©videmment ⊠Tout comme il y a un lien direct entre cette crise et le capitalisme. Ce fanatisme quâon appelle nĂ©o-libĂ©ralisme, câest au fond une maltraitance en soi.
Certes, une situation de crise nâest pas nĂ©cessairement rĂ©volutionnaire et ĂȘtre un damnĂ© sur la terre ne prĂ©destine pas nĂ©cessairement Ă le devenir. Mais, alors que tout semble organisĂ© pour que nous ne puissions profiter de cet arrĂȘt, transformer ce lockout en grĂšve gĂ©nĂ©rale, câest peut-ĂȘtre juste une question de perspective, de dĂ©placement du regard et de formulations dâexigences. Et comme rien dâautre ne fonctionne vraiment, il nây a que le risque de la parole, de la pensĂ©e, de lâimaginationâŠ
Il est urgent de donner un contenu offensif Ă cette inaction contrainte. En ces temps cauchemardesques, se resaisir de ses rĂȘves est certainement salutaire. Des occasions comme ça, oĂč lâessentiel devient visible pour le plus grand nombre, il nây en a pas souvent dans une vie.
Certes, chaque jour apporte son lot de sujets qui fĂąchent, rĂ©voltent et attristent, ça fait couler la sueur ces arguments, ça occupe aussi, on tombe de Charybde en Scylla. Ăa maintient la tension et câest sans fin.
On est trop gentils : on cherche Ă accumuler les preuves, Ă entendre les parties, on enquĂȘte, on recoupe, on singe la justice, câest un vrai boulot en vĂ©ritĂ©. Surtout quâon doit le faire avec des lambeaux dâinformation journalistique.
Combien de temps encore à vouloir démontrer que ce sont des salauds et des criminels ?
EspĂšre-t-on vraiment entendre un jour de ces coupables « â
mea-culpa, vous nous avez convaincuâ
», « â
je regretteâ
» ? On va entendre « â
reconstruire !â
», « â
au boulot !â
», « â
fini les vacances !â
»
Eux, ils prĂ©parent dĂ©jĂ lâaprĂšs et ce sera bien vicieux (Ă moins quâil nây ait pas dâaprĂšs, seulement un prolongement de cet Ă©tat dâexception). Jâai bien peur quâon ne se laisse distancer, nous les gens communs tant cet Ă©tat dâurgence nous renvoie
à la plus triviale immédiateté.
Pourquoi ne pas plutĂŽt continuer la rĂ©flexion, les discussions et lâorganisation quâont initiĂ©es les gilets jaunes ? A-t-on vraiment envie de remettre en marche cette machine qui a causĂ© tant de dĂ©gĂąts ? Comment garantir que nous serons bien traitĂ©s Ă lâavenir ? Que voulons-nous ? Quâest ce quâune bonne et belle vie ? Comment y arriver ?
Et puisquâil a Ă©tĂ© possible de stopper la machine pour une Ă©pidĂ©mie, pourquoi ne serait-il pas possible dans la foulĂ©e de prendre le temps et les moyens nĂ©cessaires pour la guĂ©rison suivie de la convalescence ? Ce serait la moindre des choses.
Et de toutes façons, quand ce sera fini, on aura bien envie de se changer les idĂ©es, de se reposer et dâagir, de se dĂ©fouler les jambes comme on dit.
Ăa prendra le temps quâil faudra et on en demandera pas lâautorisation.
Ăvidemment.
Un peu dâhumour :
https://peertube.gegeweb.eu/videos/watch/755d0a1c-2fe8-4839-b802-912c9fd6fe83
Lâauteur, Jean de Vienne, vit en Autriche.
Câest un pays fĂ©dĂ©ral dans lequel les rĂ©gions ont une grande autonomie. AprĂšs que des restaurateurs et hĂŽteliers de la rĂ©gion du Tyrol aient contaminĂ© avec la complicitĂ© du gouvernement local de trĂšs nombreux vacanciers allemands, nĂ©erlandais, danois par avarice et apretĂ© au gain (saison de ski), lâĂtat fĂ©dĂ©ral a pris, a dĂ» prendre les choses en main et face Ă ce scandale et vu la proximitĂ© avec lâItalie, imposĂ© des mesures de confinement (Il Ă©tait temps : dâaprĂšs lâagence officielle de la santĂ©, il semblerait que 57% des cas de corona en Autriche proviennent de cette station de ski (Ischgl).
Ces restrictions de sortie sont assez bien suivies et ne font pas vraiment appel Ă la coercition, câest un genre de volontariat fermement proposĂ©. Ce manque de coercition nâempĂȘche pas que les autrichiens dans leur ensemble suivent les recommandations, les gens sont ici plutĂŽt conservateurs et obĂ©issants. NĂ©anmoins, lâAutriche Ă©tant un Ătat de Droit et ses habitants trĂšs Ă cheval sur les Droits fondamentaux, il semblerait que lâĂtat ait surtout recherchĂ© la collaboration : on peut se promener, voir des amis â soit avec 1m de distance dans les lieux publics, ou bien chez soi, ce qui nâest pas recommandĂ©, mais ne peux ĂȘtre interdit vu quâil sâagit lĂ dâun droit fondamental.
Ăvidemment, les lieux recevant du public sont fermĂ©s, sauf les grands magasins alimentaires. On fait plus appel au bon sens. Il y a Ă©videmment des amendes (chĂšres) et lĂ , on voit vraiment le clivage ville/campagne, conservatisme/guerre sociale. Vienne est considĂ©rĂ©e comme une ville rouge depuis environ 100 ans et les policiers viennois, 1- venant de la campagne, 2- complĂštement infiltrĂ©s par le parti dâextrĂȘme-droite FPĂ, sâen donnent Ă cĆur-joie surtout et essentiellement contre les jeunes et les immigrĂ©s : ainsi, la situation ressemble Ă la France, sauf quâen France toutes les couches sociales sont touchĂ©es.
Le but de ces mesures est, comme vous le savez, de lisser la courbe de lâinfection afin quâil nây ait pas dâembouteillage dans les hĂŽpitaux.
Ă la page https://www.google.com/covid19/mobility/ on peut comparer les donnĂ©es issues de lâespionnage des smartphones par google, la France est indubitablement plus restreinte que lâAutriche, trĂšs significativement dans le domaine des promenades dans lâespace public. LâAutriche semble avoir moins de difficultĂ©s pour cette gestion de lits dâhĂŽpitaux dans la crise, vu quâelle en a beaucoup plus.
Nombre de lits dâurgence pour 100 000 habitants
Autrement-dit mes amis, nous voyons une fois de plus comment le nĂ©olibĂ©ralisme prĂ©suppose la mise Ă lâarrĂȘt des Droits fondamentaux. Ce nâest pas le virus qui crĂ©e lâĂ©tat dâurgence, mais la confiscation de lâargent public.
Source: Millebabords.org