La Loire est dans le viseur du capitalisme vert : pas moins de 65 Ă©oliennes industrielles devraient ĂȘtre implantĂ©es ces prochaines annĂ©es, 18 pour le seul territoire de Loire Forez. Aucun massif ligĂ©rien de moyenne montagne nâest Ă©pargnĂ© : du Pilat au Forez, en passant par les monts du Bourbonnais et du Lyonnais. Une enquĂȘte publiĂ©e dans le Couac n°13.
Dans les bureaux de la RĂ©gion Auvergne RhĂŽne-Alpes, depuis leurs petits Ă©crans dâordinateurs, des ingĂ©nieurs Ă©laborent des outils pour accompagner les promoteurs Ă©oliens Ă la rĂ©ussite de projets dâinvestissement et ce, au dĂ©triment de villages entiers [1]. Ils arbitrent la faune, ils jaugent la flore : la prĂ©sence du milan royal = impact Ă©cologique fort ; la prĂ©sence dâune tourbiĂšre = impact Ă©cologique moyen.
Localement, les Ă©lus municipaux et intercommunaux ouvrent la porte aux multinationales des Ă©nergies. Parfois, ils pensent quâils ne font pas le poids pour la leur fermer comme Ă Saint-Christo-en-Jarez [2]. Loire Forez AgglomĂ©ration organisait une journĂ©e dâinformation, petits fours et bons vins, Ă destination de ses Ă©lus sur lâĂ©olien [3]. Câest dans ces lieux que, pour faire accepter la pensĂ©e Ă©olienne, on parle dâ« acceptabilitĂ© renforcĂ©e », de « participatif et actionnariat citoyen », de « kits pĂ©dagogiques », etc. Les projets Ă©oliens ne se pensent plus comme il y a 10 ans : du participatif ou rien. Faut que la pilule, elle passe. Roanne agglo veut le succĂšs et vante la mĂ©thodologie vertueuse de ses « parties prenantes » grĂące Ă un combo dâinvestisseurs publics (la ville de Grenoble dâEric Piolle en est, ouais, ouais), et privĂ©s oĂč lâon retrouve les groupes bancaires nationaux, les banques Ă©thiques, Schneider Ă©lectricitĂ©, etc.
La face cachĂ©e des Ă©nergies renouvelables est moche [4] et lâĂ©olien industriel nâa jamais Ă©tĂ© et ne sera jamais une Ă©nergie durable : Ă©mission de gaz gĂ©nĂ©rĂ©s Ă la fabrication et au transport, dĂ©forestation, pollution lumineuse nocturne, impact sur les paysages, impact sur lâeau, assĂšchement des vĂ©gĂ©taux et des arbres, effet vortex en cas de feux de forĂȘts [5], nuisances stroboscopiques, dĂ©litement du lien social, etc., etc., etc. Les habitants des villages de La Prugne, Saint-ClĂ©ment et FerriĂšre-sur-Sichon, dans lâAllier tout proche, font le rĂ©cit de leur vie quotidienne Ă cĂŽtĂ© dâĂ©oliennes dans HĂ©lices au Pays des merveilles [6].
On assiste Ă la mise au pas des territoires ruraux Ă la production Ă©nergĂ©tique nationale et internationale. LâĂ©nergie produite ne sert pas localement. Les combats menĂ©s ici et lĂ par les collectifs et les habitants des villages concernĂ©s sont nombreux. La justice et ses tribunaux donnent raison, le plus souvent, aux promoteurs. Une premiĂšre en France, Total, qui se trouve derriĂšre le projet de parc Ă©olien Ă Burdignes et Saint-Sauveur-en-Rue, a assignĂ© devant le tribunal de Saint-Ătienne en 2020, trois associations et 29 particuliers requĂ©rants, pour leur rĂ©clamer 893 000⏠de dĂ©dommagement [7]. Ăa se bat du cĂŽtĂ© aussi de Saint-Bonnet-des-Quarts prĂšs de Roanne contre lâescroquerie Ă©olienne participative et concertĂ©e, oĂč deux enquĂȘtrices de la sociĂ©tĂ© Courant porteur, mandatĂ©e par la multinationale promotrice BayWa R.E, ont vu leur vĂ©hicule dĂ©gradĂ©, en sus des menaces relevĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux.
Parce que dans cette colonisation des espaces qui nâaura lieu ni devant les fenĂȘtres de Brigitte Macron au Touquet, ni dans le Perche colonisĂ© par les riches Parisiens, les campagnes vont devoir produire de lâĂ©nergie pour le monde 2.0, la 5G, la smart city, la technopolis, et demain les voitures Ă©lectriques…
LâĂ©olien nâest en rien une alternative au nuclĂ©aire mais une strate supplĂ©mentaire dans ce grand marchĂ© de lâĂ©lectricitĂ© mondiale ; il ne fera pas fermer les centrales nuclĂ©aires, bien au contraire. Les rĂ©centes dĂ©clarations de Macron en tĂ©moignent : volontĂ© de construire des mini-centrales et non-volontĂ© de fermer les anciennes [8].
Ainsi, le combat menĂ© contre les Ă©oliennes est le mĂȘme que celui menĂ© contre les centrales nuclĂ©aires qui ne date pas dâaujourdâhui. Les femmes qui ont luttĂ© contre le projet de centrale Ă Plogloff disaient alors [9] :
On ne veut pas de cette centrale, [âŠ] On nâa pas besoin de piscine ici, la Baie des TrĂ©passĂ©s nous suffit ! Ni de tellement dâĂ©lectricitĂ© !
LâĂ©lectricitĂ©, je nâen ai pas besoin, ce nâest pas la tĂ©lĂ© que je regarde, mon plaisir câest dâĂȘtre tous les soirs dans mon jardin. Et le chauffage pour moi, merci ! Je nâen ai pas besoin. MĂȘme la cuisine on peut la faire au feu de bois, elle nâen est que meilleure.
Ăa câest ton choix mais on peut trĂšs bien garder tout le confort sans avoir recours au nuclĂ©aire. Pour lâan 2000 il paraĂźt quâil faut encore beaucoup plus ? Parce que nous consommons beaucoup plus, en quoi ?
Je crois plutĂŽt quâil y a un autre mode de vie Ă avoir, avec moins de gaspillage, plus de rĂ©cupĂ©ration.
Moi je suis contre les gadgets. Il y a des cuisines oĂč ça ne marche quâavec des gadgets ; tout est Ă©lectrique. On ne sait plus rien manĆuvrer Ă la main. Il vaut mieux lutter contre le gaspillage.
[3] Rencontre qui a eu lieu le samedi 13 novembre 2021.
[4] La face cachée des énergies vertes, Jean-Louis Perez, Guillaume Pitron, Arte, 2020.
[6] Hélices au Pays des Merveilles, André Nuel, 2016. Disponible sur youtube.
[8] Comme pour les prisons, les nouvelles ne ferment pas les précédentes. Résultat, la population carcérale ne cesse de croßtre.
[9] Femmes de Plogoff, RenĂ©e Conan et Annie Laurent, Ăditions La Digitale, 2021 [réédition].
Source: Lenumerozero.info