Je mâappelle Momo dâaprĂšs La vie devant soi de Romain Gary (Emile Ajar)
Mise en scÚne et création lumiÚres : Cédric Bécu
Avec :
Rémi Guirimand (Momo, guitare)
Marie-Estelle Hassaneen (Momo, flûte)
Caroline Michel (Momo, chant)
Cette phrase de Victor Hugo « le cantique le plus sublime quâon puisse entendre câest le bĂ©gaiement de lâĂąme humaine sur les lĂšvres de lâenfance » hante le cĆur des troubadours qui ont dĂ©cidĂ© dâincarner Momo ce gosse universel qui ne mĂąche pas ses mots et qui « regarde plus loin que la misĂšre » (J.Brel) en sâaccompagnant dâune guitare, une flĂ»te et du chant.
Leur spectacle tout Ă fait charmant entrelace les propos de Momo souvent lapidaires et percutants et des chansons tirĂ©es du rĂ©pertoire de Brel, Brassens, Ferrat, des mĂ©lodies de Gabriel FaurĂ©, Debussy et des poĂšmes de Verlaine et Paul Bourget. Les enchainements nâont rien dâartificiel, ils coulent de source et les trois silhouettes du jeune Momo semblent sây abreuver. La mise en scĂšne de CĂ©dric BECU calĂ©e sur la musique laisse carte blanche Ă notre imaginaire.
Dans La vie devant soi de Romain GARY/Emile AJAR, le narrateur est un enfant parmi les plus dĂ©favorisĂ©s, dâorigine arabe, fils de pute, adoptĂ© par une vieille femme juive, elle-mĂȘme ancienne prostituĂ©e et rescapĂ©e des camps dâAuschwitz. Reconnaissons que lâĂ©crivain nây est pas allĂ© main morte. Il plonge au plus profond de la misĂšre morale, matĂ©rielle, sociale, existentielle puisquâil est question de vieillesse, dâadolescence, pour en extorquer la seule chose qui compte Ă ses yeux, qui donne une raison de vivre : Aimer. Le roman comme le spectacle sâachĂšve avec ces mots simples, lâinjonction « Il faut aimer ».
Momo adolescent de 13 ans Ă la fois mature et naĂŻf a toujours dans sa besace des phrases choc, saisissantes :
Le bonheur câest une belle ordure, une peau de vache, il faudrait lui apprendre Ă vivre.
Moi la vie je ne peux pas en faire une beautĂ©, je lâemmerde.
Paroles de révolté mais également de poÚte :
Jâai fait venir le clown blanc et il mâa jouĂ© du silence.
Le soleil a lâair dâun clown jaune assis sur le toit.
Momo nâa quâune personne Ă aimer, Rosa avec tous les dĂ©fauts quâil lui connait. En y rĂ©flĂ©chissant, lâauteur donne lâimpression Ă travers ce gamin de secouer lâarbre de vie jusquâau bout câest-Ă -dire la mort de Rosa ; Momo entend ĂȘtre solidaire de cette mort comme il a Ă©tĂ© solidaire de sa misĂšre.
Momo et Rosa, câest une histoire dâamour jusquâau-boutiste.
Mais la musique nous exempte de commentaires ou dâexplications de texte. Nous nous laissons submerger par les chansons de Brel, Brassens, Ferrat qui entrent en rĂ©sonance avec la sensibilitĂ© de Momo, ses rĂ©voltes, ses aspirations.
AprĂšs la rĂ©volte, câest la douceur qui remonte Ă la surface qui ose parler dâamour et sans miĂšvrerie. Oui, cette douceur imprĂšgne le spectacle « On peut tout faire avec les mots mais sans tuer les gens » .
Voilà un spectacle musical tout en délicatesse, original et poétique auquel nous convie le talentueux ensemble Jeux de quatre mis en scÚne par Cédric BECU.
« Il est des parfums frais comme des chairs dâenfant » dixit Baudelaire dans son poĂšme Correspondance. Quand la flĂ»te, la guitare, le chant et les mots de Momo se rassemblent pour le bonheur des spectateurs !
Le 12 Juin 2022
Evelyne TrĂąn
Au GUICHET MONTPARNASSE 15, rue du Maine 75014 PARIS – Du 20 Mai au 26 Juin 2022 les vendredis et samedis Ă 19 H. et les dimanches Ă 15 H.
N.B : RĂ©mi GUIRIMAND, Marie-Estelle HASSANEEN, Caroline MICHEL, les trois interprĂštes de Momo Ă©taient les invitĂ©s de lâĂ©mission DEUX SOUS DE SCENE, le samedi 11 Juin 2022 sur Radio libertaire 89.4 en podcast, sur le site de Radio Libertaire.
Source: Monde-libertaire.fr