Juin 12, 2022
Par Le Monde Libertaire
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Je m’appelle Momo d’après La vie devant soi de Romain Gary (Emile Ajar)

Mise en scène et création lumières : Cédric Bécu
Avec :
Rémi Guirimand (Momo, guitare)
Marie-Estelle Hassaneen (Momo, flûte)
Caroline Michel (Momo, chant)

Cette phrase de Victor Hugo « le cantique le plus sublime qu’on puisse entendre c’est le bégaiement de l’âme humaine sur les lèvres de l’enfance » hante le cœur des troubadours qui ont décidé d’incarner Momo ce gosse universel qui ne mâche pas ses mots et qui « regarde plus loin que la misère » (J.Brel) en s’accompagnant d’une guitare, une flûte et du chant.

Leur spectacle tout à fait charmant entrelace les propos de Momo souvent lapidaires et percutants et des chansons tirées du répertoire de Brel, Brassens, Ferrat, des mélodies de Gabriel Fauré, Debussy et des poèmes de Verlaine et Paul Bourget. Les enchainements n’ont rien d’artificiel, ils coulent de source et les trois silhouettes du jeune Momo semblent s’y abreuver. La mise en scène de Cédric BECU calée sur la musique laisse carte blanche à notre imaginaire.

Dans La vie devant soi de Romain GARY/Emile AJAR, le narrateur est un enfant parmi les plus défavorisés, d’origine arabe, fils de pute, adopté par une vieille femme juive, elle-même ancienne prostituée et rescapée des camps d’Auschwitz. Reconnaissons que l’écrivain n’y est pas allé main morte. Il plonge au plus profond de la misère morale, matérielle, sociale, existentielle puisqu’il est question de vieillesse, d’adolescence, pour en extorquer la seule chose qui compte à ses yeux, qui donne une raison de vivre : Aimer. Le roman comme le spectacle s’achève avec ces mots simples, l’injonction « Il faut aimer ».

Momo adolescent de 13 ans à la fois mature et naïf a toujours dans sa besace des phrases choc, saisissantes :

Le bonheur c’est une belle ordure, une peau de vache, il faudrait lui apprendre à vivre.

Moi la vie je ne peux pas en faire une beauté, je l’emmerde.

Paroles de révolté mais également de poète :

J’ai fait venir le clown blanc et il m’a joué du silence.

Le soleil a l’air d’un clown jaune assis sur le toit.

Momo n’a qu’une personne à aimer, Rosa avec tous les défauts qu’il lui connait. En y réfléchissant, l’auteur donne l’impression à travers ce gamin de secouer l’arbre de vie jusqu’au bout c’est-à-dire la mort de Rosa ; Momo entend être solidaire de cette mort comme il a été solidaire de sa misère.

Momo et Rosa, c’est une histoire d’amour jusqu’au-boutiste.

Mais la musique nous exempte de commentaires ou d’explications de texte. Nous nous laissons submerger par les chansons de Brel, Brassens, Ferrat qui entrent en résonance avec la sensibilité de Momo, ses révoltes, ses aspirations.

Après la révolte, c’est la douceur qui remonte à la surface qui ose parler d’amour et sans mièvrerie. Oui, cette douceur imprègne le spectacle « On peut tout faire avec les mots mais sans tuer les gens » .

Voilà un spectacle musical tout en délicatesse, original et poétique auquel nous convie le talentueux ensemble Jeux de quatre mis en scène par Cédric BECU.

« Il est des parfums frais comme des chairs d’enfant » dixit Baudelaire dans son poème Correspondance. Quand la flûte, la guitare, le chant et les mots de Momo se rassemblent pour le bonheur des spectateurs !

Le 12 Juin 2022
Evelyne Trân

Au GUICHET MONTPARNASSE 15, rue du Maine 75014 PARIS – Du 20 Mai au 26 Juin 2022 les vendredis et samedis à 19 H. et les dimanches à 15 H.

N.B : Rémi GUIRIMAND, Marie-Estelle HASSANEEN, Caroline MICHEL, les trois interprètes de Momo étaient les invités de l’émission DEUX SOUS DE SCENE, le samedi 11 Juin 2022 sur Radio libertaire 89.4 en podcast, sur le site de Radio Libertaire.




Source: Monde-libertaire.fr