photo Akbaranifsolo
Parole de sorcier
Il tira un mot de sa besace, il tira un mot de son pli de pantalon ou de je ne sais oĂč. Et aussitĂŽt ce mot prit lâallure dâun foulard qui se mit Ă danser au-dessus de nous.
Je danse avec des petits mots appris par cĆur pendant mon enfance mâa dit le sorcier, des mots petits parchemins, sparadraps qui se collent aux branches, Ă la poussiĂšre des semelles, que lâon peut mĂȘme retrouver dans ses mains mouillĂ©es aprĂšs avoir fait la vaisselle. Pour notre mĂ©moire transie, Madame, les voici devenus boules de houx, ils ont voyagĂ©, un peu, beaucoup, passionnĂ©ment, ils ont pris de lâĂ©cho, aux montagnes sans rire. Des mots passe-partout, vous comprenez, quâils pourraient mĂȘme griffer le nez du pape. Jâai vu et entendu des ĂȘtres souffler avec leurs bouches, cramponnĂ©es Ă la poussiĂšre des barreaux, des palissades et je me demandai : est-ce possible, est-ce possible que simplement, en Ă©carquillant les yeux, en balbutiant, aussitĂŽt quelque crĂȘte sâouvre, pour offrir Ă lâhomme assommĂ©, Ă©crasĂ©, vaincu⊠la parole.
Tous mes pleurs nâont pu rendre sa dignitĂ© Ă lâhomme humiliĂ©. Alors, moi, le grand magicien, jâai donnĂ© Ă lâhomme Ă©croulĂ© par terre, qui nâavait rien, un grand foulard et je lui ai dit : Ă©cris, Ă©cris dessus ta libertĂ©, pour que tes mains saignantes retrouvent le manche. Comment, elle se projettera ta pensĂ©e sur ce grand foulard invisible, toi seul a le pouvoir de le dire, de le sentir, toi seul es le maĂźtre dây imprimer ce qui te tient Ă cĆur. Aie toujours Ă lâextrĂ©mitĂ© de ton regard ce coin du foulard qui sâappelle libertĂ©. Alors ta pensĂ©e deviendra une branche sur laquelle peuvent se poser les oiseaux et nos yeux aussi. Ici et lĂ , tu sauras ce que tu ramasses. MĂȘme piĂ©tinĂ© ou moquĂ© dans lâindiffĂ©rence, cela peut ĂȘtre quelque chose qui embellit, illumine la raison dâĂȘtre dâun homme, pour devenir sa vĂ©ritĂ©, capable de sâĂ©lever au-dessus des Ă©paules de nâimporte quel tyran. Oui, ce mot libertĂ© qui est la vie elle-mĂȘme comment sonnerait-il creux, quand il rĂ©sonne en toi, homme magique !
Parole de sorciĂšre
Elle tira un mot de sa besace, elle tira un mot de son pli de robe ou de je ne sais oĂč. Et aussitĂŽt ce mot prit lâallure dâun foulard qui se mit Ă danser au-dessus de nous.
Je danse avec des petits mots appris par cĆur pendant mon enfance mâa dit la sorciĂšre, des mots petits parchemins, sparadraps qui se collent aux branches, Ă la poussiĂšre des semelles, que lâon peut mĂȘme retrouver dans ses mains mouillĂ©es aprĂšs avoir fait la vaisselle. Pour notre mĂ©moire transie, Monsieur, les voici devenus boules de houx, ils ont voyagĂ©, un peu, beaucoup, passionnĂ©ment, ils ont pris de lâĂ©cho, aux montagnes sans rire. Des mots passe -partout, vous comprenez, quâils pourraient mĂȘme griffer le nez du pape. Jâai vu et entendu des ĂȘtres souffler avec leurs bouches, cramponnĂ©es Ă la poussiĂšre des barreaux, des palissades et je me demandai : est-ce possible, est-ce possible que simplement, en Ă©carquillant les yeux, en balbutiant, aussitĂŽt quelque crĂȘte sâouvre, pour offrir Ă la femme assommĂ©e, Ă©crasĂ©e, vaincue⊠la parole.
Tous mes pleurs nâont pu rendre sa dignitĂ© Ă la femme humiliĂ©e. Alors, moi, la grande magicienne, jâai donnĂ© Ă la femme Ă©croulĂ©e par terre, qui nâavait rien, un grand foulard et je lui ai dit : Ă©cris, Ă©cris dessus ta libertĂ©, pour que tes mains saignantes retrouvent le manche. Comment, elle se projettera ta pensĂ©e sur ce grand foulard invisible, toi seule a le pouvoir de le dire, de le sentir, toi seule a le pouvoir dây imprimer ce qui te tient Ă cĆur. Aie toujours Ă lâextrĂ©mitĂ© de ton regard ce coin du foulard qui sâappelle libertĂ©. Alors ta pensĂ©e deviendra une branche sur laquelle peuvent se poser les oiseaux et nos yeux aussi. Ici et lĂ , tu sauras ce que tu ramasses. MĂȘme piĂ©tinĂ©e ou moquĂ©e dans lâindiffĂ©rence, elle sera quelque chose qui embellit, illumine la raison dâĂȘtre une femme, pour devenir sa vĂ©ritĂ©, capable de sâĂ©lever au-dessus des Ă©paules de nâimporte quel tyran. Oui, ce mot libertĂ© qui est la vie elle-mĂȘme comment sonnerait-il creux, quand il rĂ©sonne en toi, femme magique !
Eze, le 28 Novembre 2020
Evelyne TrĂąn
Source: Monde-libertaire.fr