Oubliez David Copperfield, Harry Houdini ou David Blaine. Des cadors de la magie et de lâillusionnisme, certes, mais qui dĂ©finitivement ne boxent pas dans la mĂȘme catĂ©gorie que les vrais magiciens de ce monde : ceux qui, en France en tout cas, donnent le la du systĂšme mĂ©diatique, dĂ©cident ce qui fait « info » durable ou pas. Tu leur donnes un gigantesque scandale planĂ©taire dâĂ©vasion fiscale qui devrait faire la une pendant des mois et, quelques jours plus tard, abracadabra, quâen reste-t-il ? Rien, nada, peanuts, wallou. Circulez, y a plus rien Ă voir, le chapeau a blanchi le lapin et les vrais sujets, dĂ©sormais, ce sont la petite forme de la reine dâAngleterre et les ravages du wokisme tout-puissant. MisĂšre.
Lâaffaire des « Pandora Papers », câest pourtant du bĂ©ton. Rendues publiques le 3 octobre dernier par une armĂ©e de 600 journalistes [1] ayant planchĂ© sur 12 millions de documents fuitĂ©s, ces rĂ©vĂ©lations montrent de quelle maniĂšre des sommes absolument dĂ©mentes, se chiffrant en milliers de milliards de dollars, Ă©chappent aux lĂ©gislations fiscales de leurs pays respectifs pour prospĂ©rer dans des comptes situĂ©s aux Ăźles CaĂŻman, aux Seychelles ou au Delaware â offshore, comme on dit, mais pas offchoure. Parmi les truands en col blanc, le roi Abdallah II de Jordanie, Tony Blair ou Dominique Strauss-Kahn, mais aussi une ribambelle dâinconnus friquĂ©s : une interminable liste de cupides illustrant la banalisation de lâĂ©vasion fiscale par le biais dâintermĂ©diaires sans scrupules â et lâinsigne faiblesse des dispositifs de contrĂŽle en la matiĂšre.
Une certitude : dans le contexte social actuel, oĂč une rĂ©forme de lâassurance-chĂŽmage va encore appauvrir des centaines de milliers dâallocataires et oĂč une prime de cent boules pour acheter de lâessence est agitĂ©e comme la preuve de la gĂ©nĂ©rositĂ© du prince, il y avait lĂ de quoi donner lĂ©gĂšrement envie de titiller les puissants de ce monde et leurs pratiques pirates systĂ©matisĂ©es. Or cet Ă©niĂšme scandale financier semble avoir fait pschiitt, un peu comme le rapport du Groupe dâexperts intergouvernemental sur le climat (Giec) au cĆur de lâĂ©tĂ©, Ă©clipsĂ© par lâarrivĂ©e de Lionel Messi au PSG. En 2021, le gros du systĂšme mĂ©diatique prĂ©fĂšre largement le foot et les clashs rĂ©acs vendeurs aux forcĂ©ment moins « sexy » luttes contre le rĂ©chauffement climatique ou les paradis fiscaux…
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Faut dire, aussi, que les rĂȘnes ne sont pas tenues par nâimporte qui. Ce nâest pas un scoop, les mĂ©dias mainstream sont dĂ©sormais presque tous la propriĂ©tĂ© de quelques grands capitaines dâindustrie. Parmi eux, un certain Vincent BollorĂ©. AprĂšs Canal+, CNews et Europe 1, lâultraconservateur businessman breton vient de prendre le contrĂŽle du Journal du dimanche et de Paris Match. Dangereuse situation que rĂ©sume assez efficacement Mediapart : un gigantesque groupe de presse est dĂ©sormais « entre les mains dâun milliardaire qui affiche ses sympathies avec la droite radicale [2] ». Un patron tout-puissant pouvant « asservir » ses mĂ©dias « Ă la cause exclusive de la prĂ©-campagne prĂ©sidentielle que mĂšne lâun de ses subordonnĂ©s, Ăric Zemmour, qui lui-mĂȘme est devenu le nouveau porte-voix dâune extrĂȘme droite xĂ©nophobe et raciste ».
Les droites autoritaristes ont bien compris lâimportance du combat pour « lâhĂ©gĂ©monie culturelle » thĂ©orisĂ©e en son temps par le communiste italien Antonio Gramsci â et elles se donnent les moyens mĂ©diatiques et financiers dây parvenir. Pour le camp dâen face, il est dĂ©sormais plus quâurgent de trouver de nouvelles façons de rĂ©pliquer.
Ce texte est lâĂ©dito du numĂ©ro 203 de CQFD, en kiosque du 5 novembre au 2 dĂ©cembre 2021. Son sommaire peut se dĂ©vorer ici.
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Source: Cqfd-journal.org