Mars 31, 2023
Par Le Mouton Noir (QC)
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Pour faire suite à l’article de Jonathan Durand-Folco paru dans le Mouton Noir de janvier-février, nous trouvions important de vous faire part d’une situation où le terme woke a été utilisé, une fois de plus, afin de créer un ennemi de toute pièce. Cette situation s’est produite dans les pages du Placoteux, le journal local de Kamouraska/ l’Islet, où paraissent notamment les chroniques de Roméo Bouchard.

En novembre 2022, nous avions pris l’initiative de rédiger une lettre ouverte afin de dénoncer certains propos tenus par M. Bouchard, et que nous trouvions questionnables(1). En effet, cela faisait belle lurette que nous ressentions un malaise et, disons-le, de l’indignation, lorsque M. Bouchard se prononçait sur des enjeux liés par exemple à l’immigration ou à l’histoire des Canadiens-français.

La semaine suivante, notre texte fût publié côte-à-côte avec celui de Roméo Bouchard titré « Un cas évident de culture d’annulation » (2). En substance, le chroniqueur nous y accuse de vouloir le faire taire une bonne fois pour toute et se pose donc en victime.

Or, il est important de souligner ici qu’en aucun passage nous n’exigeons que lui soit retirée sa tribune. Notre intention était plutôt de partager avec le lectorat un contre-discours et d’alimenter la diversité d’opinion essentielle à la vie démocratique.

Or, lorsque nous avons voulu nous défendre de ces accusations, nous nous sommes heurté.e.s à un enjeu de taille: entre temps la direction éditoriale du Placoteux avait décidée qu’elle ne nous publierait pas, sous prétexte qu’elle ne nous connaît pas personnellement.

Au delà des attaques personnelles,et des frustrations qu’elles peuvent engendrer, cette histoire nous apparaît comme le symptôme d’un phénomène beaucoup plus vaste, voire systémique. De fait, il semble exister actuellement, et depuis plusieurs années déjà, une sorte de consensus pas si tacite que ça que l’on pourrait qualifier, suivant le concept d’Alain Denault, d’extrême-centre. 

En effet, nous ne comptons plus les articles et les prises de parole paraissant dans la plupart des médias québécois dont le seul intérêt soit en définitive de renforcer le statu quo. Les arguments par la peur dont font usage des personnalités de droite ou d’extrême-centre (voire pire encore, issus de la gauche elle-même, comme en témoigne la dernière chronique d’Un Louperivois dans la Bergerie (3)) servent souvent à légitimer l’ordre tel qu’il est, et rarement, sinon jamais, à le remettre en question. 

Voilà ce à quoi ressemble l’hégémonie : des opinions qui passent pour rationnelles, objectives, neutres. La complaisance envers le pouvoir et ses structures. Business as usual. Et surtout, accuser de censure et d’être «woke» des personnes qui cherchent à susciter le débat.

Pourtant, lorsqu’un individu ou un groupe de personnes crie à la censure sur de multiples plate-formes, le bon sens nous pousse à croire qu’il y a de fortes chances qu’ils ne soient pas en train d’être censurés. 

Que ce soit clair : l’accès régulier à un média de masse met toute personne en état de privilège, et le renvoie à des responsabilités civiques: faire preuve de nuances et de discernement, tenter d’éviter le piège de la polarisation, etc.

Nous nous posons donc la question : les journaux locaux sont-ils vraiment neutres et objectifs dans leur couverture des débats publics ? Ont-ils les reins assez solides pour que les convictions individuelles de la direction éditoriale n’empiètent pas sur l’éthique journalistique ? Que fait-on du principe de la diversité des points de vue prescrit par le code déontologique de la profession ? (4)

En écrivant notre texte initial, et le suivant, qui s’est vu refusé la publication, nous cherchions à exprimer une position peu courante dans les pages du Placoteux. Nous avons tenté d’ouvrir une discussion, dans la plus pure tradition démocratique que les tenant·e·s de la liberté d’expression, qui ont tendance à nous accuser de «wokisme» pour nous faire taire, ont pourtant l’habitude de défendre.

Entendons-nous: nous sommes en faveur du désaccord, voire du conflit, car il est parfois inévitable en société et le nier reviendrait à se mettre la tête dans le sable. Mais soyons lucides : la domination n’est pas l’utopie des soi-disants wokes. C’est le fait de celles et ceux, qui, tandis qu’on écrit ces lignes, doivent trouver bien amusant qu’on se renvoie la balle. 

(1) https://leplacoteux.com/les-pentes-glissantes/

(2) https://leplacoteux.com/reponse-de-romeo-bouchard-aux-%e2%80%89pentes-glissantes%e2%80%89-un-cas-evident-de-culture-dannulation/

(3) https://www.calameo.com/read/00511086068298da216e4 p.3

(4)https://conseildepresse.qc.ca/wp-content/uploads/2017/12/Guide-de-deontologie-journalistique_CPQ.pdf p.23




Source: Moutonnoir.com