La raffinerie Total de Grandpuits, en 2016.
Photo Christian Hartmann. Reuters
Le gĂ©ant pĂ©trolier annonce qu’il va convertir son site historique de Seine-et-Marne en une plateforme de production de biocarburant et de bioplastique. Il ne suffit pas de brandir la transition climatique pour justifier la destruction dâemplois.
Tribune. Le 24 septembre, Total a annoncĂ© la conversion de son site historique de Grandpuits (Seine-et-Marne) en «plateforme zĂ©ro pĂ©trole» dĂ©diĂ©e Ă la production de biocarburant pour lâhorizon 2024. Face Ă lâurgence climatique une telle annonce aurait pu sembler une dĂ©cision courageuse du plus gros Ă©metteur de COÂČ de France. Or, derriĂšre lâhabillage vert de la communication du gĂ©ant pĂ©trolier se cache une rĂ©alitĂ© bien moins vertueuse : la casse sociale, la rentabilitĂ© comme seul critĂšre de dĂ©cision et une stratĂ©gie climat qui relĂšve davantage du «greenwashing» que de la transition.
PremiĂšre consĂ©quence, dĂšs 2021 : un plan social qui va dĂ©truire 200 emplois sur les 460 emplois du site et 500 emplois chez les sous-traitant·es qui dĂ©pendent de lâactivitĂ© de raffinage. En pleine crise sanitaire et sociale, pour Total la prĂ©servation de lâemploi passe loin derriĂšre la rĂ©munĂ©ration des actionnaires et le maintien de lâexploitation des hydrocarbures. Pire, la neutralitĂ© carbone est utilisĂ©e comme une justification Ă la destruction dâemplois, un cynisme et une hypocrisie inacceptables.
Par ailleurs, la dĂ©cision de mettre fin aux activitĂ©s de raffinages dâhydrocarbures nâa rien Ă voir avec la transition ni avec la prĂ©servation du climat. Elle est due Ă la vĂ©tustĂ© du pipeline qui relie sur 260 km le port du Havre Ă Grandpuits et qui permet lâapprovisionnement en brut de la raffinerie. Faute dâinvestissements dans lâentretien du pipeline, celui-ci a connu plusieurs fuites, en 2014 et plus rĂ©cemment en 2019, entraĂźnant une pollution locale et lâarrĂȘt de la raffinerie pendant cinq mois. Total refuse dâinvestir les 600 millions dâeuros nĂ©cessaires Ă son remplacement et prĂ©fĂšre importer du carburant raffinĂ© dâautres rĂ©gions du monde.
Exploitation des ressources fossiles
La situation de la raffinerie de Grandpuits est emblĂ©matique des dĂ©fis quâil nous faudra relever dans les annĂ©es Ă venir pour opĂ©rer la transition Ă©cologique et sociale quâune majoritĂ© de nos concitoyen·nes appellent de leurs vĆux. Au nombre de ces dĂ©fis, il y a en effet lâavenir des sites industriels, des bassins dâemploi, et de la transformation de toute la chaĂźne Ă©conomique qui dĂ©pend de lâexploitation des ressources fossiles.
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Nous, associations Ă©cologistes, de justice sociale et organisations syndicales mobilisĂ©es au sein de lâalliance «Plus jamais ça», apportons notre plus grand soutien aux salarié·es de Grandpuits qui dĂ©fendent un projet rĂ©ellement durable pour le site. Parce quâil ne suffit pas de remplacer le pĂ©trole par des agrocarburants pour mettre fin Ă la surexploitation des ressources naturelles et parce quâil ne suffit pas de brandir la transition pour justifier la destruction dâemplois, nous nous mobilisons avec les salariĂ©.es de Grandpuits.
Lobbying forcené
Fermer une raffinerie en France pour dĂ©localiser la production de carburant est une manĆuvre Ă©hontĂ©e qui ne trompe personne. En faisant porter le poids de sa soi-disant transition Ă©cologique aux seul·es travailleurs et travailleuses, Total voudrait nous faire croire que lâentreprise sâintĂ©resse Ă lâavenir de la planĂšte, avenir quâelle met en pĂ©ril par son lobbying forcenĂ© en faveur des Ă©nergies fossiles, et Ă travers ses nouveaux projets pĂ©troliers et gaziers en Ouganda ou au Mozambique.
Pour ces raisons, nous nous engageons aujourdâhui : Ă soutenir la lutte des raffineurs de Grandpuits contre le plan social et le faux plan de conversion «zĂ©ro pĂ©trole» de Total, y compris si cela nĂ©cessite le maintien pendant quelques annĂ©es encore des activitĂ©s de raffinage ; Ă mobiliser toute lâexpertise de nos organisations pour construire, avec les salarié·es de Grandpuits, les habitant·es de Seine-et-Marne et lâensemble du tissu Ă©conomique touchĂ© par les annonces de Total, un vĂ©ritable plan de reconversion, juste et Ă©cologique, avec zĂ©ro suppression dâemploi.
A Grandpuits, câest une ligne de front qui sâouvre, oĂč converge lâexaspĂ©ration sociale et Ă©cologique que les politiques menĂ©es depuis plus de trois ans par Emmanuel Macron et son gouvernement nâont fait quâattiser. Câest lĂ que nous pourrons dĂ©montrer quâil est possible de construire un projet de sociĂ©tĂ© qui prend en compte les impĂ©ratifs climatiques aussi bien que sociaux, balayant lâopposition stĂ©rile dans laquelle le pouvoir cherche Ă nous enfermer.
Signataires : CGT Grandpuits, Les Amis de la Terre France, Greenpeace France, Attac France, Union syndicale Solidaires, FSU, Oxfam France, La CGT, Confédération paysanne.
Source: Solidaires.org