Le 24 janvier 2022, dans le cadre de la loi relative Ă la responsabilitĂ© pĂ©nale et Ă la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, un nouvel alinĂ©a a fait discrĂštement son apparition dans lâarticle 55-1 [1] du code de procĂ©dure pĂ©nale, qui rĂ©glemente la prise dâempreintes et de photo en garde Ă vue.
Le nouvel alinéa en question :
« Sans prĂ©judice de lâapplication du troisiĂšme alinĂ©a, lorsque la prise dâempreintes digitales ou palmaires ou dâune photographie constitue lâunique moyen dâidentifier une personne qui est entendue en application des articles 61-1 ou 62-2 pour un crime ou un dĂ©lit puni dâau moins trois ans dâemprisonnement et qui refuse de justifier de son identitĂ© ou qui fournit des Ă©lĂ©ments dâidentitĂ© manifestement inexacts, cette opĂ©ration peut ĂȘtre effectuĂ©e sans le consentement de cette personne, sur autorisation Ă©crite du procureur de la RĂ©publique saisi dâune demande motivĂ©e par lâofficier de police judiciaire. Lâofficier de police judiciaire ou, sous son contrĂŽle, un agent de police judiciaire recourt Ă la contrainte dans la mesure strictement nĂ©cessaire et de maniĂšre proportionnĂ©e. Il tient compte, sâil y a lieu, de la vulnĂ©rabilitĂ© de la personne. Cette opĂ©ration fait lâobjet dâun procĂšs-verbal, qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue lâunique moyen dâidentifier la personne ainsi que le jour et lâheure auxquels il y est procĂ©dĂ©. Le procĂšs verbal est transmis au procureur de la RĂ©publique, copie en ayant Ă©tĂ© remise Ă lâintĂ©ressĂ©. »
Cet article annonce tout simplement que dĂ©sormais si les flics considĂšrent quâils nâont pas ton identitĂ©, ils pourront te prendre ta signalisation de force dans le cas ou tu la refuses (Ă savoir, un portrait photo et la prise de tes empreintes). Ce nâest pas nouveau en europe, lâĂ©tat français se rapproche des politiques de lâespagne, lââitalie, lâallemagne ou encore la belgique, mais on avait pu jusque lĂ y Ă©chapper. Ce bout de loi nâa pas fait grand bruit, et il nây a pas eu jusque lĂ dâĂ©chos de son application. Câest aujourdâhui chose faite, avec ma derniĂšre garde Ă vue, et celle dâautres compagnons.
Contexte de dĂ©part : Le vendredi 22 avril , des baqueux sâintroduisent dans un squat, prĂ©textant une tentative de cambriolage. Une des trois personnes prĂ©sentes dans la maison est embarquĂ©e, poursuivie pour violence sur PDAP. Un rassemblement sâorganise rapidement le soir mĂȘme, depuis le squat du MarbrĂ© (il apparaĂźt dans le dossier que nous Ă©tions pris en filature depuis le MarbrĂ©). On est une petite dizaine, mais impossible dâarriver devant le commissariat, de trĂšs nombreux flics nous barrent la route, et ne tardent pas Ă embarquer presque tout le monde. Je cours et me fait prendre en chasse jusquâĂ mon interpellation.
Une fois au poste Ă Vincennes, la plupart des gens sortent aprĂšs un simple contrĂŽle dâidentitĂ© (tous sous faux nom, Ă une exception prĂšs). trois dâentre nous finissent en garde Ă vue, deux pour les mĂȘme faits que le pote arrĂȘtĂ© plus tĂŽt, et moi (sous faux nom ?) pour violence avec arme. Les flics tentent plusieurs fois de me prendre en photo pendant la vĂ©rif, ils profitent dâune nouvelle fouille pour me mettre dans une salle, me filmer et me prendre en photo. Ils foutent bien la pression mais ne mâempĂȘchent pas de me tourner face au mur pour ne pas ĂȘtre pris. En tout cas leur “taj photo” [2] comme ils disent ne marche pas et ils ne retrouvent pas mon identitĂ© (Ă priori ils nâont jamais eu de photo de moi, vu que jâai toujours refusĂ© la signalĂ©tique). Une camĂ©ra Ă©tait posĂ©e sur le comptoir de lâaccueil aussi, nous filmant en permanence pendant toute la vĂ©rifâ. Je pense que jâai Ă©chappĂ© aux vidĂ©os et photos des condĂ©s, mais pas celle de cette camĂ©ra.
Je ne reste pas Ă Vincennes. Je suis transfĂ©rĂ© dâabord Ă Joinville-le-Pont pour quelques heures, puis Ă Fontenay-sous-Bois. LĂ -bas, je fais plusieurs auditions qui tournent rapidement court puisque je ne dis rien y compris sur lâidentitĂ© (nb : on me demande tout particuliĂšrement ma filiation). JâexaspĂšre lâOPJ, une petite dame avec un air toujours pincĂ©, affublĂ©e dâune Ă©charpe. genre bureaucrate peu patiente. Un grand type brun vient me chercher pour les empreintes, je lui dit que je vais pas venir, il repart, fĂąchĂ©. On mâajoute en supplĂ©tives “refus de signalisation” “refus dâempreinte biologique” et “refus de remise de la convention secrĂšte de chiffrement dâun moyen de cryptologie “(jâai refusĂ© de donner le mot de passe de mon tĂ©lĂ©phone). AprĂšs 36h de gav, on vient me chercher pour mon entretien avocat. Et juste aprĂšs cet entretien, tout sâenchaĂźne en quelques heures. (NB, je pense que câest un concours de circonstances et quâils nâont pas attendu lâentretien avocat, puisquâils ne sâattendaient pas Ă ce quâun avocat vienne (pas clair, non ?)).
AprĂšs plus de 36h de gav, une nouvelle rĂ©quisition du procureur tombe : une meuf se pointe dans ma cellule en me disant quâelle est de la scientifique et quâelle est chargĂ©e de prendre ma signalisation. Elle a son smartphone Ă la main. Moi je suis sous ma couverture et je lui dit de se casser en glissant ma tĂȘte dessous. Elle tente vaguement de tirer la couverture mais nâinsiste pas. Elle part en disant que je viendrais plus tard de force chez son collĂšgue dans ce cas.
Juste aprĂšs, câest le shift chez les geĂŽliers. Les nouveaux sont des gros cons (ah ! je me disais bien quâils manquaient Ă lâappel) qui viennent demander aux gardĂ©s Ă vue pourquoi ils sont lĂ au dĂ©but de leur service. Ils dĂ©cident de mâemmerder, de rentrer dans ma cellule pour se foutre de ma gueule. Pour eux je suis un GJ. Ils finissent par partir mais chaque fois quâils viennent ouvrir une cellule, ils passent me voir, rigolards.
Un peu plus tard ces mĂȘmes keufs mâemmĂšnent Ă lâhĂŽpital militaire de BĂ©gin, avec le lot de menaces, provocs, petits coups mesquins et humiliations qui vont avec. Dans la salle dâattente de lâhĂŽpital, Ă un moment je les entend dire que juste aprĂšs ils mâemmĂšneront pour la signalisation. Et merde ⊠A ce moment lĂ jâai vraiment le seum parce que je mâĂ©tais prĂ©parĂ© Ă rĂ©sister depuis ma cellule, alors que ce qui se profilait câĂ©tait plutĂŽt que jâallais me retrouver direct et dĂ©jĂ menottĂ© dans la salle. AprĂšs un temps dâattente digne des urgence dâhĂŽpital, câest mon tour. Les flics rentrent, fiĂ©rots comme jamais, et commencent “On vous amĂšne un type qui est lĂ pour violence avec arme. Jâimagine que vous voulez quâon reste ?”. “DĂ©jĂ , vous nâavez rien Ă faire dans cet hĂŽpital” rĂ©torque lâinfirmiĂšre, ulcĂ©rĂ©e. Et lĂ les condĂ©s se font aligner par lâinfirmiĂšre et le mĂ©decin, qui disent quâil ne veulent plus voir les flics de Fontenay amener leurs gardĂ©s Ă vue dans leur hĂŽpital, sans les prĂ©venir autrement quâavec un coup de tĂ©lĂ©phone. Quâils ne font ça que pour se permettre des passe droits, etc… Les flics ne font plus les crĂąneurs, ont dirait des enfants pris en faute. Je demande au mĂ©decin Ă ce que les flics ne soient pas lĂ . et ils leurs demande de partir. Je lui demande de la codĂ©ine, il me la donne, je lui demande de mâen prescrire, et il me fait une ordonnance en me prĂ©venant que les flics risquent de ne pas mâen donner. On retourne dans la salle dâattente le temps quâil fasse lâordonnance,jusquâĂ ce quâil revienne avec le papier. “Lâordonnance, câest pas pour vous, câest dans sa poche, et vous nâavez pas le droit de la lire !”. Coup de grĂące pour les chtars, qui se font rĂ©primander devant les autres gens qui attendent dâĂȘtre soignĂ©. Ils vont me laisser tranquille pendant le retour, ils prĂ©fĂšrent insulter ce « mĂ©decin de merde qui nâest mĂȘme pas un mĂ©decin militaire, en plus ! »
Autres bons points, ils me ramĂšnent dans ma cellule, et oublient de rĂ©cupĂ©rer le masque covid quâils mâont posĂ© sur la gueule pour aller Ă lâhĂŽpital. Je me prĂ©pare au moment le plus chiant de la garde Ă vue. Je fait des Ă©chauffements : bras, poignets, cou, jambes, chevilles, puis je mâassoie. Bon en fait ça prend un peu de temps. Bon en fait je vais me coucher en attendant… quelques heures plus tard, jâentends des conversations dans le couloir. Je me doute que câest pour moi. Je me rassoie sur le banc. Jâattend.
Quelques minutes plus tard, lâOPJ pincĂ©e apparaĂźt Ă la porte de ma boite, entourĂ©e de quatre gorilles surĂ©quipĂ©s et aux bras trois fois plus Ă©pais que les miens, terminĂ©s par des gants coquĂ©s. Elle me demande de la suivre pour une nouvelle notification. Je lui demande de quoi il sâagit. Elle me dit que câest une nouvelle notification du magistrat. Je rĂ©pond que je veux savoir ce que câest (alors quâun des bleus commence Ă sâengouffrer dans ma cellule), et que je sortirais pas tant que je ne sais pas. Elle rĂ©pond encore Ă cĂŽtĂ©, alors jây vais franchement : “Si câest pour les empreintes, je ne sortirais pas de la cellule”. Le flic y va franchement aussi. Il me saisi, bras dans le dos, poignets en lâair, et me soulĂšve de terre. Ouille, ça tire un peu sur les Ă©paules, quand mĂȘme. Ils mâammĂšnent comme ça, Ă lâĂ©tage, dans un bureau ou je retrouve le premier connard de la scientifique qui se la joue pro mais je sens quâil jubile intĂ©rieurement, ce sale type. A partir de lĂ , ça devient un peu flou. Je vais raconter le maximum de ce dont je me souviens, mais tout est allĂ© trĂšs vite, dans tous les sens, et il y a des trucs dont je ne me souviens pas, genre Ă quel moment je me suis retrouvĂ© menottĂ©, ni les Ă©changes verbaux quâon a avant que ça parte en vrille. Mais bon, je me souviens vaguement que câĂ©tait un truc du genre elle mâexplique, je refuse, et câest parti, quoi.
Je glisse rapidement mon masque sur la tĂȘte, je me pose sur le banc juste Ă cĂŽtĂ© de la porte dâentrĂ©e. Les flics tentent de mâattraper, mais je me dĂ©bat vraiment. Ils me foutent des claques, mâattrapent, me plaquent contre le mur, mais rien nây fait. ils me donnent deux coups de poing dans le ventre. Jâai le souffle coupĂ©, je suis pliĂ© en deux. Je reste dans cette position. Ils veulent me remettre droit, je relĂšve les jambes aussi pour rester en position tortue. Ils rebaissent mes jambes, je descend mon buste aussi. Ils mâattrapent la tĂȘte pour essayer de la rendre immobile, mais mĂȘme Ă quatre habituĂ©s des salles de muscu, câest chaud de maintenir immobile quelquâun qui a une envie irrĂ©pressible de se dandiner. Je vois un point rouge sur moi, et je me rappelle me faire la remarque “tiens, ils ont des viseurs, les appareils photo de la scientifique ?”. Je comprend 10 secondes plus tard que ce nâĂ©tait pas lâappareil photo, mais un taser dont je sens la dĂ©charge dans ma cuisse gauche. Je crie, ça me paralyse. Le mec en profite pour prendre en photo un visage tout crispĂ© entourĂ© de plusieurs bras et mains. Un des flics qui avait la main sur ma mĂąchoire me rĂ©pĂšte rapidement “tu me mord je te dĂ©fonce !” Les brutes lui demandent si câest bon, pour lui câest bon. Ils enchaĂźnent. Ils me replient en deux, et tire mes bras menottĂ©s en lâair, dans mon dos. Un peu comme les positions dâĂ©tirement, lĂ . Mes mains se resserrent en deux poings solides. Il va falloir y aller pour les… je prend une deuxiĂšme dĂ©charge. Beaucoup plus longue et plus vĂ©nĂšre. Je crie de douleur (mais genre je mâentend faire un cri que jâai jamais fait). Mon corps est parcouru de spasmes et mes mains sâouvrent dâelles-mĂȘme. Le keuf encre ma main gauche et lâimprime sur son papier. Dâabord les doigts, puis le pouce, puis la paume. Je reprend le contrĂŽle de mes mains, et je rĂ©siste mollement de la main droite. Les flics me parlent, mais je les entends pas. Ils veulent me tourner ma main, mais elle peut pas plus, prise dans la menotte. Je gueule quâelle peut pas bouger plus que ça, quâils vont la casser sâils forcent. Ils mâenlĂšvent la menotte. Je rĂ©siste trĂšs mollement Ă la prise dâempreintes de ma main droite. Je flippe juste de me prendre un nouveau coup de taser. Une fois quâil lâa prise les flics me relĂąchent. Je reprend mes esprits pendant quâil discutent de lâADN. Je dit que ça ne fait pas partie de la nouvelle loi. Ils rĂ©pondent que si, quâon mâa dĂ©jĂ lu le texte, quâils connaissent mieux la loi que moi, tout ça tout ça. Je fait pas trop attention Ă ce quâil me disent. Je me tourne vers lâOPJ, qui a assistĂ© Ă toute la scĂšne avec toujours la mĂȘme petite gueule tellement pincĂ©e que moi aussi jâai envie de la pincer. TrĂšs fort. Je lui dit que je sais que ça fait pas partie du texte de loi, que si ça en fait partie elle nâa quâĂ le lire. Elle continue de me regarder mais ne me rĂ©pond pas, elle parle aux gorilles. “De toute façon, ça ne change rien, il va ĂȘtre poursuivi pour ce dĂ©lit. Vous pouvez y aller, messieurs”. Ca prend trente secondes. Ils me replaquent sur le mur, le chef me bouche le nez et le scientifique brandit un coton tige grand comme une langue de chat (le gĂąteau). Jâai beau serrer ma bouche de toute mes forces, le coton tige passe par la commissure de mes lĂšvres comme dans du beurre. Je veux le mordre de toute mes forces, mais il est dĂ©jĂ parti. Câest fini. Ils mâont tout pris. Je me sens hyper sali.
Il me remenotte et mâamĂšne Ă ma cellule. Superflic continue de me pointer avec son pistolet Ă©lectrique, tandis que ses collĂšgue me tiennent de la mĂȘme maniĂšre quâĂ lâaller. Ils me font rentrer dans la cellule comme un forcenĂ©. Un reste Ă la porte, trois rentrent avec moi. Ils me plaquent face au mur en criant “tĂȘte sur le mur !”. Ils mâenlĂšvent une menotte, plaquent la main, enlĂšvent lâautre menotte. Un flic quitte la cellule, un deuxiĂšme, et enfin celui au taser en dernier.
Quelques heures plus tard, je sors avec une convocation pour un rappel Ă la loi, et une inscription au TAJ sous un nom qui nâest pas le mien. Pour ce qui est de lâADN, jâimagine quâil est Ă prĂ©sent au FNAEG [3], quand bien mĂȘme il mâest impossible de le vĂ©rifier, puisque Ă©galement sous un nom qui nâest pas le mien (je ne peux donc pas faire de demande dâaccĂšs au fichier).
Les autres sont passĂ© en comparution immĂ©diate aprĂšs deux deux jours en prison, Ă Fresnes et Ă Fleury MĂ©rogis. Ielles sont poursuivi.e.s pour violence en rĂ©union sur PDAP avec moins de 8 jours dâITT, refus de signalĂ©tique et refus dâADN. Leur procĂšs a Ă©tĂ© renvoyĂ© et aura lieu dĂ©but juin. Une personne a tentĂ© de rĂ©sister Ă la signalisation de force et est parvenue Ă saboter la prise dâempreintes digitales. Elle en a fait un petit rĂ©cit :
« ArrĂȘtĂ©e au mĂȘme moment, je reviendrais seulement sur la prise forcĂ©e dâempreintes. La premiĂšre fois oĂč un keuf vient pour prendre ma signalĂ©tique, câest facile de refuser. Il ouvre ma cellule et me demande de sortir. Je rĂ©ponds que je veux savoir pourquoi avant de sortir. Il me dit que câest pour les empreintes. Puisque je ne compte pas les donner il referme la cellule. Plus tard (le samedi en fin de soirĂ©e) juste aprĂšs mon entretien avec lâavocate, des keufs nous annoncent (Ă moi et Ă lâavocate) quâils ont une rĂ©quisition pour nous prendre la signalĂ©tique de force. Ils me redemandent si je veux les donner (“ce sera plus simple sinon on va utiliser la force”), je refuse Ă nouveau.
La suite des Ă©vĂ©nements est Ă la fois trĂšs nette et flou. Flou parce que tout sâest passĂ© dans une micro piĂšce du style placard (pas beaucoup plus de 2 mĂštres par 2 mĂštres) avec 4 keufs et le flics de la police scientifique. TrĂšs vite ils comprennent que je vais rĂ©sister et me font une clef de bras et se mettent Ă trois sur mon autre bras pour me mettre lâencre et me mettre la main sur la feuille. A chaque fois ils me tordent les doigts pour les poser sur la feuille comme je rĂ©siste Ă lâapproche de la feuille le moment ou je pose la main et que je cĂšde, il y a un effet de relĂąche de leur emprise ce qui me permet dâĂ©taler mes empreintes, de glisser sur les cotĂ©s pour quâelles ne soient pas lisibles. De la mĂȘme maniĂšre pour les empreintes palmaires, jâen profite Ă chaque fois pour prendre toute la feuille dans ma main et la froisser en essayant au mieux dâĂ©taler lâencre. AprĂšs quoi je comprends quâil vont prendre ma photo. Jâutilise donc toute lâencre que jâai sur les mains pour me la mettre sur le visage. Je suis pas sĂ»re mais en voyant lâappareil photo qui semble vieux et pourri jâai lâimpression que ce sont des appareils qui nĂ©cessitent une mise au point. Je secoue la tĂȘte rapidement et en continu pendant quâils essayent de prendre la photo. A ce moment deux mains se serrent autour de mon cou pour mâĂ©trangler et mâempĂȘcher de bouger et une keuf qui met son doigt prĂšs de mon oreille pour que jâarrĂȘte de bouger. En rĂ©alitĂ© ça fonctionne pas parce que des des mouvements cours et rapide de tĂȘte câest pas Ă©vident de les empĂȘcher. Finalement il prennent aussi mon ADN avec un coton-tige, Ă ce moment je sais pas trop quoi faire pour lâempĂȘcher. Je crache quand il me le mettent prĂšs de la bouche… Bon ils me disent un truc du genre “câest malin, comme ça on a ce qui nous faut”. Jâai eu mal au cou un moment et câest seulement deux jours plus tard en ayant un miroir que jâai constatĂ© que jâavais des bleus autour du cou. CâĂ©tait Ă FrĂȘnes et trop tard pour prendre des photos. RĂ©sultat de toute cette merde, ils nâont pas ma signalĂ©tique parce quâelle Ă©tait pas exploitable et le temps quâils essaient de la rentrer dans les fichiers et quâils constatent quâelle nâĂ©tait pas exploitable jâĂ©tais dĂ©jĂ en route pour le tribunal. Ils ont donc pas pu me la reprendre. »
La lĂ©gislation Ă©volue, et avec elle les pratiques des flics. Si on peut continuer de conseiller de refuser de donner des empreintes et son ADN en garde Ă vue, la question devient plus compliquĂ©e si on choisi de ne pas non plus donner sa vĂ©ritable identitĂ©. Câest une mesure qui vise explicitement Ă identifier les personnes qui se trouvent en garde Ă vue, et Ă briser ce moyen dâĂ©chapper aux griffes de lâEtat en cachant son identitĂ©, que ce soit pour Ă©viter dâavoir un casier judiciaire long comme le bras ou, pour les personnes sans-papier, Ă©chapper au centre de rĂ©tention et Ă lâexpulsion. Si elle se limite aux dĂ©lits de plus de trois ans de prison, il est en rĂ©alitĂ© assez facile pour les flics de poursuivre des personnes sous un chef dâinculpation de cet ordre. Il est Ă noter quâelle se limite au personnes qui « refusent manifestement de donner leur identitĂ© », et quâun simple refus de donner ses empreintes et son ADN ne permettent en thĂ©orie pas dâappliquer cet alinĂ©a. De la mĂȘme maniĂšre, le texte de loi nâautorise pas les prĂ©lĂšvements ADN, contrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© pratiquĂ© par les flics dans ces deux exemples. On manque encore de retours sur la mise en place de cette loi, pour se rendre compte de lâimpact quâelle peut avoir.
Notes
[1] Lâarticle de loi complet :
1- Lâofficier de police judiciaire peut procĂ©der, ou faire procĂ©der sous son contrĂŽle, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne Ă lâencontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner quâelle a commis ou tentĂ© de commettre lâinfraction, aux opĂ©rations de prĂ©lĂšvements externes nĂ©cessaires Ă la rĂ©alisation dâexamens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prĂ©levĂ©s pour les nĂ©cessitĂ©s de lâenquĂȘte.
2- Il procĂšde, ou fait procĂ©der sous son contrĂŽle, aux opĂ©rations de relevĂ©s signalĂ©tiques et notamment de prise dâempreintes digitales, palmaires ou de photographies nĂ©cessaires Ă lâalimentation et Ă la consultation des fichiers de police selon les rĂšgles propres Ă chacun de ces fichiers.
3- Le refus, par une personne Ă lâencontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner quâelle a commis ou tentĂ© de commettre une infraction, de se soumettre aux opĂ©rations de prĂ©lĂšvement, mentionnĂ©es aux premier et deuxiĂšme alinĂ©as ordonnĂ©es par lâofficier de police judiciaire est puni dâun an dâemprisonnement et de 15 000 euros dâamende.
4- Sans prĂ©judice de lâapplication du troisiĂšme alinĂ©a, lorsque la prise dâempreintes digitales ou palmaires ou dâune photographie constitue lâunique moyen dâidentifier une personne qui est entendue en application des articles 61-1 ou 62-2 pour un crime ou un dĂ©lit puni dâau moins trois ans dâemprisonnement et qui refuse de justifier de son identitĂ© ou qui fournit des Ă©lĂ©ments dâidentitĂ© manifestement inexacts, cette opĂ©ration peut ĂȘtre effectuĂ©e sans le consentement de cette personne, sur autorisation Ă©crite du procureur de la RĂ©publique saisi dâune demande motivĂ©e par lâofficier de police judiciaire. Lâofficier de police judiciaire ou, sous son contrĂŽle, un agent de police judiciaire recourt Ă la contrainte dans la mesure strictement nĂ©cessaire et de maniĂšre proportionnĂ©e. Il tient compte, sâil y a lieu, de la vulnĂ©rabilitĂ© de la personne. Cette opĂ©ration fait lâobjet dâun procĂšs-verbal, qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue lâunique moyen dâidentifier la personne ainsi que le jour et lâheure auxquels il y est procĂ©dĂ©. Le procĂšs-verbal est transmis au procureur de la RĂ©publique, copie en ayant Ă©tĂ© remise Ă lâintĂ©ressĂ©.
[2] Le Traitement des AntĂ©cĂ©dents Judiciaires est le fichier qui recense tes passages en Garde Ă vue, ainsi que ta photo se signalĂ©tique sâils ont pu la prendre. Câest par le biais de ces photos que depuis rĂ©cemment les flics se sont mit Ă pratiquer la reconnaissance faciale.
[3] Le Fichier National AutomatisĂ© des Empreintes GĂ©nĂ©tiques. Câest lĂ que sont stockĂ© les ADn pris en gav
Source: Lille.indymedia.org