La ville de Puits-sans-Fond, terre historique de lâindustrie chimique sise sur les laborieux rivages rhodaniens, mais dĂ©sormais plus marquĂ©e encore par un chĂŽmage massif et prĂšs de la moitiĂ© dâune population vivant sous le seuil de pauvretĂ©, a vu aux derniĂšres Ă©lections municipales la victoire de la gauche ensemble unie derriĂšre le candidat DĂ©sĂ©pines. Lui le candidat vert et son adjointe communiste Ă la culture, Madame Bourgeois, ont annoncĂ© trĂšs rapidement vouloir faire de la Culture une prioritĂ© de leur mandat. Tout, en effet, concourt depuis Ă le confirmer.
La mĂ©diathĂšque municipale en est le fleuron, la pointe avancĂ©e. Sous lâimpulsion dâun management innovant et moderne, le maire et son Ă©quipe, ayant Ă©tabli le constat dâun personnel de mĂ©diathĂšque trop nombreux et coĂ»teux, entreprennent selon leurs mots « dâoptimiser lâĂ©quipement » : remplacement Ă venir dâune partie du personnel par des bĂ©nĂ©voles tout Ă fait aptes Ă rĂ©aliser des tĂąches « ingrates », rĂ©duction du personnel, normalisation subsĂ©quente des vacances de permanences auprĂšs du public et exigence dâextension toujours plus ample des horaires dâouverture, imposition dâun dâaccroissement du nombre dâactions culturelles, Ă©loge de la polyvalence ou transversalitĂ© se traduisant par lâinterchangeabilitĂ© des mĂ©tiers â une personne formĂ©e Ă lâanimation numĂ©rique peut devenir du jour au lendemain spĂ©cialisĂ©e dans lâaccueil de la petite enfance et les actions pĂ©dagogiques Ă son endroit â , rigueur comptable de lâĂ©quipe municipale qui fait le choix raisonnable, aprĂšs avoir rĂ©duit le nombre dâemployĂ©s dĂ©sormais pas assez pour tout faire, dâune diminution des achats de livres, et par-lĂ du budget affĂ©rent ainsi que leur traitement, car il faut bien “prioriser” en faveur de la vitrine que sont les animations, quitte Ă rabougrir la baseâŠLes employĂ©s, qui pensaient tirer profit de lâĂ©tablissement lâĂ©tĂ© dernier dâun cadre horaire pour ne plus travailler avec zĂšle et sans compter leurs heures supplĂ©mentaires, sont encouragĂ©s sous une bĂ©nĂ©fique contrainte Ă anticiper les besoins, Ă se livrer, sans regarder au temps, Ă la beautĂ© morale de lâaction publique. Les cas de burn-out relevĂ©s les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes ne sont quâincidences privĂ©es et personnelles. DĂ©jĂ dâaucuns confrĂšres avaient rapportĂ© il y a un an le tĂ©moignage dâun bibliothĂ©caire de lâOuest français sur ce management dĂ©bridĂ©. Depuis, les mĂ©thodes dâencadrement dans la fonction publique ont progressĂ©, Ă lâinstar de la mise au pas sereine des bibliothĂ©caires indolents de Puits-sans-Fond, onĂ©reux bradypes, par un management usant des meilleurs procĂ©dĂ©s : report par les dirigeants dâune responsabilitĂ© inassumĂ©e de leurs choix et ordres politiques sur les employĂ©s, chantage, verbiage Ă©dulcorant, Ă©tourdissement par lâurgence permanente, mensonge et docte pression psychologique, dĂ©valorisation dâun mĂ©tier privĂ© de toute expertise et lĂ©gitimitĂ© propre, menace enfin de mise Ă pied ou de limogeage selon le statut. Il est navrant que lâĂ©quipe tout entiĂšre de la mĂ©diathĂšque, entraĂźnant avec elles dâautres employĂ©s municipaux naĂŻfs, ait optĂ© pour la grĂšve annoncĂ©e cette semaine. Le maire parle Ă cet Ă©gard de « prise dâotages ». Il est bien le seul Ă porter lâĂ©tendard du service public. Heureusement les directions administratives donnent le la aux chefs dâĂ©tablissements : il leur est demandĂ© de « taper fort » et « dâavoir un coup dâavance ». Il nây a pas Ă rougir de lâintransigeance salutaire dâesprits managĂ©riaux pĂ©tris dâune discipline toute militaire. Reportage.
Le maire de Puits-sans-Fond
Le maire de Puits-sans-Fond
A pour parrain Janus
A sa chemise ourlée
Lâaspic noir de Charlus
Le maire de Puits-sans-Fond
Frappe du poing sur la table
“Le livre mes mots dĂ©font
La chose doit ĂȘtre rentable
Voyez je suis un vert
Un vert-de-gris passé
Je suis Ă mon hiver
Mon esprit est racé
Jâai connu la grandeur
Mais vous neuve jeunesse
Il nâest plus pour vous lâheure
Je sais par droit dâaĂźnesse
Ma parole politique
Est un vain consensus
Une lùcheté étique
Mon verbe est un rébus
Mais aux gens opiniĂątres
Paraßt ma vérité :
Je suis un idolĂątre
Des rentabilités
Cette bibliothĂšque
OĂč vous vous prĂ©lassez
Votre tribu dâAztĂšques
Je la prends au lacet
Je sabre gentiment
Ses rangs dâimproductifs
Et tandis que je mens
LâĂ©moi en pendentif
Et la culture au front
Frémissant des bacchantes
Je vous fais un affront
Du profit je mâenchante
Au pas ces hommes du livre !
Ouvrez plus soyez moins !
Je remplacerai ivre
Par de bénévoles mains
Sans autre émolument
Que leur retraite chiche
Jâentaillerai crĂ»ment
Vos trop-perçus de riches
Ainsi diminueront
En nombre les ouvrages
Et nous étoufferons
Vos petits cris de rage
Je vous lâai dit dĂ©jĂ
Mon adjointe communiste
Voudrait quâon allĂ©geĂąt
Cette coûteuse liste
DâemployĂ©s fonctionnaires
Ou pour partie seulement
Payés tous à rien faire
A lire douillettement
Moi le sieur Désépines
Et mon bras droit Bourgeois
Faisons courber lâĂ©chine
En un grand feu de joie
Je suis un homme de gauche
Un humaniste connu
Mais en sous-main jâĂ©bauche
La mine du parvenu
Je chĂ©ris lâapanage
Que confĂšre ma fonction
Je nâaime pas le partage
Sur moi tombe lâonction
Habile Ă manager
Sur mes agents je jette
Responsabilité
Fonction publique en miettes”
PCF, écolos, et autres volatiles
Voyez comme ils sont beaux
En comptables serviles
Libéraux au jabot
Chassez-les donc du temple
Quâimporte lâĂ©tiquette
La révolte sera ample
Déchirons leurs liquettes
Ingrid Sanbra
Source: Lundi.am