Nous souhaitons revenir sur lâarticle de mediapart intitulĂ© “Pas en prison, mais enfermĂ©es” Ă©crit par Natacha Chetcuti en avril 2020.
Nous ne sommes pas sociologues mais nous connaissons bien le “sujet”. Et il y a des
comparaisons hĂątives que nous trouvons bien maladroites.
Cet article dit notamment :
“Pour revenir Ă nous autres, qui sommes confinĂ©es chez nous. Cette drĂŽle dâexpĂ©rience, en dehors des murs de la prison, ressemble au temps de la prĂ©ventive car nous sommes condamnĂ©es Ă rassembler toutes nos forces pour tenir, sans savoir de quelle durĂ©e sera la peine ni comment nous en
sortirons. Ă la diffĂ©rence prĂšs que nous nâavons pas de surveillantes Ă la maison, bien sĂ»r. Mais dâautres formes de surveillances existent…”
Natacha Chetcuti soulĂšve des questions intĂ©ressantes, que nous nous sommes probablement toutes posĂ©es : quelles sont les ressemblances entre la prison et le confinement ? Comment se dĂ©ploient hors de prison des « processus disciplinaires » utilisĂ©s en prison ? Comment arrivons-nous Ă
accepter toute cette surveillance et notre auto-enfermement, « au nom de la santé publique et de la protection des vies » ?
Oui ce virus permet une accĂ©lĂ©ration vers la sociĂ©tĂ© de surveillance totale, nous infantilise et entrave nos libertĂ©s. Mais surtout soulĂšve la question : câest quoi notre libertĂ© ?
Ok, on peut comparer certaines rĂ©alitĂ©s vĂ©cues par les prisonnier.es et les confinĂ©.es, on peut essayer de comprendre cette accĂ©lĂ©ration de nos « enfermements » dehors Ă la lumiĂšre de lâexpĂ©rience et de lâorganisation carcĂ©rale.
Dâailleurs en disant quâelle ne veut pas faire de comparaison, Natacha Chetcuti les accumule au long de son article, mettant au mĂȘme niveaux des choses qui ne peuvent pas lâĂȘtre, ou balayant rapidement certains aspects centraux dans lâenfermement pĂ©nitentiaire.
Par exemple le fait de sâhabituer Ă faire des attestations et en parler ne veut pas dire quâon adopte le langage de lâenfermement… et celles-ci ne sont pas comparables aux bons de circulations de lâadministration pĂ©nitentiaire.
Car justement, nos attestations nous les remplissons nous mĂȘmes, nous avons la possibilitĂ© de gruger avec. On peut se permettre de sortir un moment de plus si on pĂšte un cĂąble, et mĂȘme rentrer 5h plus tard.
Ce nâest pas un bon de circulation remis par lâadministration pĂ©nitentiaire. Nous pouvons aussi choisir de sortir sans ce bon, car nous ne sommes pas dans une cellule que seul.e un.e maton.ne peut ouvrir, et pour nous rendre dans un autre batiment nous nâavons pas Ă attendre devant une grille que seul.e un.e maton.ne peut ouvrir.
En prison on ne sort quâĂ lâheure prĂ©vue par lâadministration pĂ©nitentiaire. Et pour ca on attend que les maton.nes viennent ouvrir la porte, quand il veut bien le faire… La majoritĂ© des prisonnier.es nâouvrent JAMAIS une porte eux/elles mĂȘme pendant des annĂ©es.
En prison, si on refuse de remonter de promenade, on risque de se faire casser la gueule par des maton.nes, le mitard, un transfert… En prison si on ne rentre pas dâune permission de sortie, on prend une lourde peine supplĂ©mentaire. Et si on tente de sâĂ©vader, les maton.nes ont le droit de nous tirer dessus, de loin, dans le dos, tranquille. Ils, et elles, nâhĂ©sitent pas Ă le faire.
Tout comme ĂȘtre confinĂ©.e dans des logements indĂ©cents et dans un quartier oĂč les flics vous harcĂšlent quotidiennement nâest pas comme ĂȘtre confinĂ©.e dans une maison avec jardin⊠Etre confinĂ©.e Ă la maison nâest pas comme ĂȘtre en prison. On peut faire des liens pour rĂ©flĂ©chir Ă des situations, mais faire certaines comparaisons hĂątives, câest cracher Ă la figure des prisonnier.e.s et de leurs proches, qui sont actuellement dans une situation massivement dramatique.
Contrairement Ă ce qui est dit dans lâarticle, dehors nous pouvons toujours aller faire nos achats dans des magasins.
Les prisonnier.es nâont bien sĂ»r pas cette possibilitĂ©, et ne peuvent pas non plus commander en ligne, ils et elles nâont pas accĂšs aux mĂȘmes denrĂ©es que nous, et les prix sont surtaxĂ©s par rapport Ă lâextĂ©rieur.
Quand la cantine de tabac nâest pas livrĂ©e, il nây a de tabac pour personne, et non ce nâest pas comme dehors.
5:38 PM
Avoir des flics qui patrouillent, voir lâessor des moyens de controles numĂ©riques, des drĂŽnes etc, ce nâest pas comme vivre sous le regard et lâarbitraire des maton.nes 24h/24. Etre sous contrĂŽle permanent, nâavoir plus aucune intimitĂ©, savoir que ta vie peut devenir un enfer si lâuniforme le dĂ©cide ainsi, ce nâest pas une « petite diffĂ©rence »…
A cela on pourrait ajouter encore une longue liste de diffĂ©rences fondamentales, comme par exemple le manque dâaccĂšs aux soins, les conditions dâhygiĂšne dĂ©plorables de nombreux Ă©tablissements pĂ©nitentiaires, la promiscuitĂ© imposĂ©e…
Non, contrairement Ă ce qui est dit dans lâarticle, le temps du confinement ne ressemble pas Ă celui de la prĂ©ventive, car le confinement nâest pas comme la prison.
De la mĂȘme maniĂšre on peut remarquer que lâĂ©cole, le travail, sont des enfermements avec des similaritĂ©s avec la prison⊠Mais dire que lâĂ©cole et le travail sont des prisons, ça serait nier Ă quel point la prison est une torture, une entreprise de destruction des personnes.
Le confinement ne ressemble mĂȘme pas Ă une assignation Ă rĂ©sidence, car nous sortons quand nous le dĂ©cidons ; nous ne devons pas aller pointer au commissariat ; et en cas dâinfraction, nous encourrons une amende, nous nâallons pas en prison…
Oui, des personnes ont Ă©tĂ© condamnĂ©es Ă de la prison suite Ă un non respect du confinement rĂ©pĂ©tĂ© plusieurs fois ; ce sont principalement des personnes dĂ©jĂ considĂ©rĂ©es comme de la “chair Ă prison” ; en galĂšre, en condi, vivant dans des zones dĂ©jĂ stigmatisĂ©es par la police… On pourrait en Ă©crire des tonnes Ă ce sujet, mais on prĂ©fĂšre renvoyer Ă quelques liens internet qui permettent de sâinformer sur le sujet, en relayant ce qui se passe en prison actuellement, qui donnent la parole Ă des prisonnier.e.s et leurs proches⊠les premier.es spĂ©cialistes !
Les auteur.es et participant.es sont majoritairement des hommes ; pour autant, nous pensons que cela permettra mieux de comprendre ce qui se joue actuellement en prison, pour les dĂ©tenu.es, quel que soit leur genre, quâĂ travers lâanalyse prĂ©citĂ©e.
Chaque jour lâObservatoire International des Prisons relaye les appels tĂ©lĂ©phoniques des dĂ©tenu.es et de leurs proches
https://oip.org/breve/crise-du-coronavirus-en-prison-journal-dappels-de-loip/
Chaque jour lâĂ©mission anti-carcĂ©rale lâEnvolĂ©e fait un topo de 15mn pour relayer ce qui se passe en ce moment dans les prisons. Cela peut sâĂ©couter Ă la radio ou sur le net.
http://lenvolee.net/
NB : contrairement au premier confinement lâOIP ne fait pas de journal de bord, et lâEnvolĂ©e ne fait pas de quotidienne car les parloirs nâont pas Ă©tĂ© suspendus. (Ils sont par contre trĂšs restrictifs, temps limitĂ© et derriĂšre des plexiglas, car depuis mars les parloirs nâont jamais retrouvĂ©s des conditions “normales”.)
Mais les liens indiqués continuent à donner des infos réguliÚres sur le sujet.
Une page et un groupe facebook existent sur St Etienne pour diffuser des infos et favoriser lâentraide des proches de dĂ©tenu.es Ă saintĂ©
La page :
https://www.facebook.com/Infos-et-entraide-pour-proches-de-d%C3%A9tenu-e-s-de-la-prison-de-Saint-
Etienne-108886224105548/
Le groupe : https://www.facebook.com/groups/212932550038184/
Source: Cric-grenoble.info