Câest la fin dâune Ă©poque et le dĂ©but dâune nouvelle. Alors que ces temps de crise sanitaire et Ă©conomique voient un accroissement dĂ©jĂ inquiĂ©tant de la prĂ©caritĂ©, le collectif Luttopia, la mairie de Montpellier et la PrĂ©fecture de lâHĂ©rault se sont accordĂ©s sur le devenir du squat des anciennes archives dans le quartier des Beaux-Arts. MenacĂ© dâexpulsion depuis plusieurs annĂ©es, le bĂątiment avait accueilli jusquâĂ plus de 200 personnes sans solution de logement et dans une grande prĂ©caritĂ©, migrant·es, familles, sans-papiers comme sans domiciles fixes, en abandon de droits. Il devra ĂȘtre libĂ©rĂ© pour le 31 mars 2020, mais ne subira pas dâexpulsion, une transition pourra en effet se produire en lien avec les services sociaux.
Câest Ă la suite dâune rĂ©union Ă la prĂ©fecture le 11 septembre dernier que nous avions appris la nouvelle dâune possibilitĂ© de transition douce pour les rĂ©sident·es du bĂątiment. Depuis, un diagnostic social a pu ĂȘtre effectuĂ© en coordination entre le collectif Luttopia et les services de la ville, du dĂ©partement et de lâĂtat. Deux assistantes sociales ont Ă©tĂ© mises Ă disposition par le CCAS afin dâaffiner les dossiers de retour au droit commun prĂ©parĂ©s en amont. Deux rĂ©quisitions dans le cadre de la loi Ălan ont Ă©galement eu lieu, et le collectif Luttopia, qui sâest montĂ© en association, va pouvoir disposer dâun nouveau bĂątiment dans le cadre dâune convention avec la municipalitĂ©.
Pas dâexpulsion et des solutions de relogement
âOn est en train de prĂ©parer le dĂ©mĂ©nagement et on a commencĂ© le travail de relogement des familles, au cas par cas, nous explique Jo, membre du collectif. Sept familles sont dĂ©jĂ prises en charge, on a une dizaine de personnes dans des appartements. Les mĂšres de famille isolĂ©es ont Ă©tĂ© relogĂ©es. On continue ce travail lĂ jusquâau moment oĂč tout le monde sera pris en charge et sortira du bĂątiment, qui structurellement, nâest pas adaptĂ©.â Un incendie sâest en effet produit rĂ©cemment Ă cause dâune surcharge Ă©lectrique, prĂ©cipitant le mouvement des prises en charge des rĂ©sident·es.
AprĂšs des alertes rĂ©currentes, le collectif est satisfait dâavoir pu Ă©viter une expulsion qui ne manquerait pas de se produire, la commune de Montpellier souhaitant Ă©tablir une Ă©cole primaire sur les lieux. Câest consĂ©cutivement au premier confinement et Ă la mise en lien du collectif avec dâautres associations au sein dâune plateforme de distribution alimentaire, que le dialogue avait Ă©tĂ© entamĂ© avec les pouvoirs publics pour Ă©viter une sortie sĂšche des habitant·es en pleine pĂ©riode de crise sanitaire, alors que de nombreuses familles avec enfants Ă©taient confinĂ©es.
âIl nây aura pas de retour Ă la rue pour tous ces gens, se fĂ©licite Gwen, cofondatrice du collectif Luttopia. Câest ce quâil faut retenir et câest important de le signaler, ça nâa pas toujours Ă©tĂ© comme ça. La plupart des expulsions de squats se font sans Ă©valuation sociale, sans prise en charge ou de seulement quelques nuits en hĂŽtel et aprĂšs câest de nouveau la sortie sĂšche. LĂ on est sur autre chose, avec la garantie de trouver des solutions entendables pour tout le monde. Câest plutĂŽt pas mal, donc on a pu avancer Ă©normĂ©ment, une fois quâon a eu ces garanties.â
Le dĂ©but de prise de conscience des pouvoirs publics de lâampleur de la vague de pauvretĂ© aura permis une mise en lien plus efficace entre le collectif Luttopia, la Fondation AbbĂ© Pierre, lâOFII, la DDCS et le CCAS, permettant un traitement plus rapide et efficient des dossiers, avec des rĂ©sultats concrets Ă la clĂ©. AprĂšs une premiĂšre vague de sorties faisant suite Ă lâannonce dâune expulsion avant le 31 octobre dernier, le bĂątiment nâabrite aujourdâhui plus quâune centaine de personnes, mais continue dâassurer un accueil de jour et la distribution alimentaire.
Un nouveau bĂątiment pour le collectif
Le collectif Luttopia, en lien avec la mairie, sâest aussi mis Ă la recherche dâun nouveau bĂątiment Ă occuper dans le cadre dâune convention. âLa nouvelle configuration ne sera pas la mĂȘme, mĂȘme si nos fondamentaux et actions ne changent pas, annonce Gwen. La jauge va changer dĂ©jĂ , on aura une cinquantaine de personnes maximum. Mais comme on aura une organisation vraiment axĂ©e sur lâaccompagnement social, on aura la possibilitĂ© dâassurer un turn-over plus important que jusquâĂ alors.â
Pour la militante, les conditions de prise en charge et lâincertitude du sort rĂ©servĂ© au bĂątiment des archives ne permettaient plus dâoptimiser lâaccompagnement des rĂ©sident·es. âLa rĂ©alitĂ©, câest quâon a des familles dont on a vu grandir les enfants, ou quâon a vu sâagrandir. Ce nâest pas viable, ce nâest pas entendable pour notre sociĂ©tĂ© de voir des enfants grandir en squat. Comme ce nâest pas plus entendable de les voir grandir dans des dispositifs dâhĂ©bergement dâurgence, câest pourquoi notre objectif, câest vraiment lâaccĂšs au logement. Les gens ne peuvent pas rester indĂ©finiment dans des situations irrĂ©guliĂšres et des structures dâhĂ©bergement, il faut un retour au logement, Ă lâactivitĂ©, une autonomie, une Ă©mancipation.â
En somme, dans le nouveau bĂątiment occupĂ©, lâobjectif sera donc de fournir un meilleur accompagnement, qui aboutira nĂ©cessairement Ă des durĂ©es de sĂ©jour plus courtes. âOn va pouvoir travailler mieux, plus en douceur, dans une perspective dâinclusion progressive, ce sera autre chose. Par contre, sur la philosophie, la maniĂšre de travailler, et le lien avec les assos et orgas, ça ne changera pas, assure Gwen. Pas dâexpulsion et pas de sorties sĂšches, une convention dâoccupation Ă venir, ce sont dĂ©jĂ de grandes victoires. On a tous Ă©normĂ©ment travaillĂ© pour en arriver Ă ce niveau lĂ du projet.â
A Montpellier, plusieurs milliers de personnes sont Ă la rue, sans domiciles fixes ou vivent dans des squats et bidonvilles. ParallĂšlement, le mal-logement devient une problĂ©matique majeure sur lâensemble du dĂ©partement, tout comme lâaccĂšs aux logements sociaux, alors que plus de dix mille logements sont vacants dans le parc privĂ©. Si le choix dâune solution transitoire est une bonne nouvelle pour le squat des archives, devenu trop vĂ©tuste et complexe Ă gĂ©rer, il nâen reste pas moins que la situation dramatique appelle une politique rĂ©ellement volontariste sur lâensemble du territoire, et sans ambiguĂŻtĂ©.
Ainsi de la situation plus complexe qui touche le squat ouvert par lâassociation SolidaritĂ© PartagĂ©e aprĂšs son expulsion des bĂątiments de lâancien institut Bouisson-Bertrand, qui serait aujourdâhui visĂ© par une plainte de la mĂ©tropole pour cette nouvelle occupation.
Si les pouvoirs publics disent vouloir rĂ©sorber la situation de lâextrĂȘme prĂ©caritĂ©, on peut cependant sâinterroger sur le montant du plan pauvretĂ© annoncĂ© par la ville et cofinancĂ© par lâĂtat, qui se chiffre Ă 1M dâeuros par an et dĂ©cline une majoritĂ© de mesures pansements alors que 26% de la population vit sous le seuil de pauvretĂ© (Insee, 2017). Des mesures complĂ©mentaires Ă lâhĂ©bergement dâurgence sont Ă©videmment Ă encourager, mais peuvent-elles suffire Ă endiguer une crise du mal-logement et de la prĂ©caritĂ© qui touche une population toujours plus large, comme le constatent les associations humanitaires ?
Collectif Luttopia
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La Mule du Pape, le 11 décembre 2020 https://www.lamuledupape.com/2020/12/11/squat-des-archives-lutopia003-vers-une-transition-douce-sans-expulsion/
Source: Fr.squat.net