Dans la nuit du 13 au 14 dĂ©cembre 2020, un collectif dâartiste a « refigurĂ© » la Marianne peinte sur une façade du XIIIe arrondissement de Paris en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, de maniĂšre Ă la rendre plus conforme Ă la rĂ©alitĂ© actuelle de notre systĂšme politique.
Ils ont publié le manifeste suivant.
La République Est Morte
Ouvrez-donc les yeux, on le voit comme une larme rouge au milieu de la peinture : la rĂ©publique est morte. Quâelle crĂšve, et enterrez-vous avec. Donnez donc en pĂąture aux vers de terre votre libertĂ© sous surveillance, votre Ă©galitĂ© a taux variable et votre solidaritĂ© dâentre bourgeois.
Qui veut encore du Pouvoir ? Voila ce quâil produit, Ă chaque fois. Lâordre, câest le chaos. Ah quâil est beau le pays des droits de lâhomme, ah quâelle est belle la dĂ©mocratie, vous reprendrez bien un petit coup de valeurs rĂ©publicaines dans la gueule ? Vous dĂ©robez les mots brillants cachĂ©s derriĂšre les vitrines de nos espoirs pour les remplacer par des signifiants creux, de la camelote lustrĂ©e, incrustĂ©e dâĂ©meraudes rĂ©actionnaires en plastique. LibertĂ©, ĂgalitĂ©, SolidaritĂ©, toujours. Parlons de rĂ©el, mĂȘme sâil vous terrifie.
Câest quoi votre LibertĂ© ? Le mythe mĂ©ritocrate ? Vous nous dites que si les enfants dâouvrier·e·s ou dâimmigré·e·s sont statistiquement bien moins reprĂ©senté·e·s dans vos grandes Ă©coles, les fabriques Ă dĂ©biles, puis Ă des postes bien payĂ©s, câest de leur faute ? Que la reproduction sociale, ça nâexiste pas ? Votre LibertĂ© ne supporte pas lâĂgalitĂ©. Ăvidemment que tout le monde est libre de faire tout et nâimporte quoi ! Il nâempĂȘche que pour se dorer la raie dans des 5 Ă©toiles de beaufs tous les Ă©tĂ©s, les riches sont plus libres que les pauvres. Il nâempĂȘche que pour esquiver les coups arbitraires dâune police sadique, les blanc·he·s sont plus libres que les noir·e·s. Il nâempĂȘche que pour marcher en paix dans la rue, les hommes sont plus libres que les femmes.
Câest quoi votre ĂgalitĂ© ? Vous, les Ă©ternel·le·s criminel·le·s impuni·e·s, qui Ă©crasez sous le poids de la misĂšre des milliards dâindividus, vous osez prononcer le mot « Ă©galitĂ© » sans trembler ? Vous tremblerez. Qui est lâĂ©gal de son patron ? De son prĂ©sident ? De son dieu ? Vous qui adorez la hiĂ©rarchie autant que vous mĂ©prisez les pauvres, ne prononcez plus jamais le nom de la sĆur de la LibertĂ©. Chacun de vos votes, chacun de vos ordres, chacun de vos procĂšs est un nouveau coup de poignard dans le cĆur de celles que vous prĂ©tendez aimer. Vous ĂȘtes les maris violents des valeurs que vous prĂ©tendez dĂ©fendre.
Câest quoi votre SolidaritĂ© ? Vous ne vous sentez solidaires que des bourgeois arrogants et stupides, vous, les vĂ©ritables communautaristes, qui parlez de « fraternitĂ© » . Votre empathie se branle devant du riot porn. Vous les inutiles, vous les incapables de produire la moindre richesse ni la moindre pensĂ©e, vous qui avez tout sauf de la dignitĂ©, sachez que chacune de vos nuits paisibles est une insulte a la SolidaritĂ©. Les gavé·e·s sont affamé·e·s et ils affament le monde.
Artaud vous cracherait que vos signifiants creux ne sentent mĂȘme pas la merde, puisque « lĂ oĂč ça sent la merde, ça sent lâĂȘtre ». Ils puent le propre, le blanchi, la lessive libĂ©rale qui vous sert de liquide cĂ©phalo-rachidien. Vous ne comprenez rien et vous refusez de comprendre. La science, la raison et les faits, vous nâen avez rien Ă foutre. Vous vous en lavez les mains.
Flagellez-nous Ă coup de tonfa dâavoir trop priĂ© un monde meilleur, nous ne courberons pas lâĂ©chine. Muselez nos universitaires, brĂ»lez leurs idĂ©es dans votre grand autodafĂ© de la pensĂ©e, nous les réécrirons, nous les martĂšlerons jusquâĂ vous les tatouer sur la gueule. Acculez encore ceux qui nâont rien, nos exilé·e·s, nos prostitué·e·s, nos exproprié·e·s : Ă chaque fois que vous frappez, vous ouvrez un peu plus nos yeux larmoyants et rouges de gaz lacrymogĂšnes. Agitez vos drones, zappez entre vos camĂ©ras, la seule chose que vous verrez câest nos majeurs depuis les toits de la ville, de la peinture plein les fringues.
LREM–NRV, le 13/12/2020
Source: Labogue.info