« Si les noirs et les ministĂ©riels gangrĂ©nĂ©s et archigangrĂ©nĂ©s sont assez tĂ©mĂ©raires pour [âŠ] faire passer [ce projet], citoyens dressez huit cents potences dans le jardin des Thuilleries et accrochez-y tous ces traĂźtres Ă la patrie, lâinfĂąme Riquetti [1] Ă leur tĂȘte : en mĂȘme temps que vous ferez au milieu dâun bassin un vaste bucher, pour y rotir les ministres et leurs suppots [2]. » LâAmi du Peuple nây allait pas de main morte⊠Mais il faut reconnaĂźtre quâil y avait de quoi enrager â et ce mĂȘme si ce passage 1) est prĂ©cĂ©dĂ© de la phrase suivante, que les historiens rĂ©actionnaires se gardent bien de citer : « Ici je vois la nation entiĂšre se soulever contre cet infernal projet, jâentends vingt-cinq millions de voix sâĂ©crier Ă lâunisson : Si les noirs [3], etc. » et 2) est dĂ©libĂ©rĂ©ment exagĂ©rĂ© par lâauteur lui-mĂȘme afin de provoquer une rĂ©action disproportionnĂ©e de ses ennemis â soit, en gros, en ce mois dâaoĂ»t 1790, toute la reprĂ©sentation nationale [4] (lâAssemblĂ©e constituante issue des Ătats gĂ©nĂ©raux de 1789), le gouvernement et les chefs militaires. La provocation fonctionna parfaitement, puisque MalouĂ«t, lâun des chefs du parti dit « constitutionnel », soit les « modĂ©rĂ©s » qui considĂ©raient que la RĂ©volution en avait bien assez fait en prenant la Bastille et en poussant les aristocrates Ă mettre fin Ă leurs privilĂšges durant la « nuit du 4 aoĂ»t [5] », MalouĂ«t dont il faut prĂ©ciser encore quâil Ă©tait un planteur de Saint-Domingue â donc esclavagiste â expressĂ©ment mis au dĂ©fi par Marat de le traiter dâassassin, tomba tout droit dans le panneau et demanda que le rĂ©dacteur de LâAmi du Peuple et quiconque collaborait avec lui soient immĂ©diatement arrĂȘtĂ©s. Ce par quoi, une fois de plus, Marat mit les rieurs de son cĂŽtĂ© et ridiculisa lâhomme de pouvoir. Mais de quoi sâagissait-il au fait ?
Une mutinerie avait eu lieu au sein de trois rĂ©giments stationnĂ©s Ă Nancy. Voici ce quâen dit un dictionnaire de la RĂ©volution française [6], manifestement mal inspirĂ© : « Nancy (mutinerie de). Ce fut le plus grave des dĂ©sordres militaires qui aboutirent Ă la dĂ©sagrĂ©gation de lâarmĂ©e dâAncien RĂ©gime. Les trois rĂ©giments de Nancy â du Roi, Mestre-de-camp-gĂ©nĂ©ral, suisses de ChĂąteauvieux â travaillĂ©s par des Ă©missaires du duc dâOrlĂ©ans dĂšs le dĂ©but de la RĂ©volution, créÚrent des comitĂ©s de soldats, insultĂšrent les officiers, adhĂ©rĂšrent au club des Jacobins et fraternisĂšrent avec la garde nationale locale. » On ne voit pas trĂšs bien en quoi cela Ă©tait « grave ». On voit par contre toujours le mĂȘme type dâexplications mĂ©prisantes pour les rĂ©voltĂ©s : ils Ă©taient « travaillĂ©s » par le duc dâOrlĂ©ans â comme sâils nâavaient pas Ă©tĂ© capables de sâĂ©mouvoir, comme on disait alors, tout seuls⊠Si le dictionnaire en question nâavait pas une si mauvaise opinion de Marat (jây reviendrai [7]), il aurait su que celui-ci avait alertĂ© depuis des semaines dĂ©jĂ sur la situation qui rĂ©gnait â câest le cas de le dire â Ă Nancy. En effet, comme le dit Clifford Conner, lâami du peuple, qui nâĂ©tait pas seulement un polĂ©miste hors-pair mais aussi un journaliste avisĂ©, et qui disposait, probablement grĂące Ă ses prises de position politiques sans Ă©quivoque pour les pauvres et contre les riches, dâun rĂ©seau dâamis et dâinformateurs trĂšs Ă©tendu, y compris dans lâarmĂ©e, y compris Ă Nancy, Marat donc avait publiĂ© dĂšs le 13 juin un article dĂ©nonçant les brimades que faisaient subir aux soldats leurs officiers royalistes et en en donnant une explication qui nâavait que peu Ă voir avec le duc dâOrlĂ©ans : « [âŠ] on sait que les officiers de ce rĂ©giment, comme de la plupart des autres, sont presque tous des ennemis jurĂ©s de la rĂ©volution ; enfin, on sait que les bas-officiers et les soldats de ce rĂ©giment (comme de tous les autres) sont dâexcellents patriotes. » Conner poursuit ainsi :
« Deux mois aprĂšs [cet] incident, une grande mutinerie Ă©clata dans la mĂȘme garnison. Les soldats, excĂ©dĂ©s de ne pas recevoir la paie qui leur Ă©tait due, sâĂ©taient choisi un porte-parole pour prĂ©senter leurs griefs aux officiers ; ce reprĂ©sentant fut sĂ©vĂšrement flagellĂ© [8]. » (p. 108) Mutinerie, donc, qui sâĂ©tendit aux autres rĂ©giments de Nancy et devint presque aussitĂŽt un enjeu politique national. LâAssemblĂ©e â et La Fayette, commandant de la garde nationale â envoyĂšrent un premier gĂ©nĂ©ral afin de rĂ©tablir la discipline. Il fut fait prisonnier par les soldats. Malseigne (câĂ©tait son nom) rĂ©ussit Ă sâenfuir Ă LunĂ©ville le 28 aoĂ»t, mais non Ă rallier la garnison de cette ville pour lui venir en aide⊠Aux grands maux les grands moyens, lâAssemblĂ©e envoya alors le marquis de BouillĂ© avec 4500 hommes. Il rĂ©ussit Ă investir la ville et dĂšs lors, nous dit le dictionnaire dĂ©jĂ citĂ© : « la rĂ©pression fut efficace et rapide, suppression de la garde nationale locale, fermeture du club des Jacobins de Nancy, transfert des trois rĂ©giments dans trois autres lieux de garnison, jugement des meneurs, principalement des suisses. Il y eut un soldat de rouĂ©, il y en eut 42 de pendus, 41 de condamnĂ©s aux galĂšres. » Jâadore le commentaire qui suit : « Si lâordre fut rĂ©tabli dans lâarmĂ©e, le divorce sâaccentua entre soldats et officiers nobles. » Ah bon ?
Marat nâavait pas manquĂ© de fustiger cette scĂ©lĂ©ratesse, pas manquĂ© non plus de prĂ©dire la trahison de BouillĂ©, puis de La Fayette, comme il le fit plus tard contre Dumouriez, le vainqueur de Valmy. Et jamais il ne se trompa : tous passĂšrent aux Prussiens dĂšs lors quâils constatĂšrent quâils nâĂ©taient plus en mesure de freiner la RĂ©volution, voire mĂȘme de retourner leurs armĂ©es contre elle. Ce fut lâun des traits du gĂ©nie particulier de lâami du peuple, que de se montrer prophĂ©tique Ă plusieurs reprises quant aux destinĂ©es de la RĂ©volution et de ses ennemis. Il ne manquait pas de finesse, malgrĂ© son style pamphlĂ©taire. Ni de luciditĂ© politique. Clifford Conner met ces qualitĂ©s au compte de son engagement qui jamais ne se renia, au service des pauvres et contre les riches. Une des caractĂ©ristiques importantes Ă relever chez ce tribun, câest quâil ne cherchait pas Ă flatter son auditoire â le peuple, en lâoccurrence. Bien au contraire. Ă de trĂšs nombreuses reprises, il lâapostrophe Ă la limite de lâinsulte, lui reprochant son apathie, son sommeil mĂȘme⊠En ce mĂȘme mois dâaoĂ»t 1790, en plus des livraisons quotidiennes de LâAmi du Peuple, il Ă©crivit et publia trois pamphlets : le 9 aoĂ»t, On nous endort, prenons-y garde, le 26 aoĂ»t, Câest un beau rĂȘve, gare au rĂ©veil, et le 31, LâAffreux RĂ©veil.
Je pense quâil vaut vraiment la peine de lire Marat. Savant et tribun si lâon veut apprendre Ă connaĂźtre le cĂŽtĂ© « social » de la RĂ©volution française. On y dĂ©couvre une personnalitĂ© attachante, un infatigable agitateur en mĂȘme temps quâune personnalitĂ© politique bien plus avisĂ©e ce que nous en a dit la postĂ©ritĂ© â Ă©videmment, les vainqueurs, comme toujours. En attendant, je ne rĂ©siste pas au plaisir dâune citation un peu plus longue de Marat [9] â je ne sais pas vous, mais moi, ça me donne des frissons â et puis je trouve que ce nâest pas complĂštement anachronique⊠(je conserve lâorthographe originale).
« Le plan de la rĂ©volution a Ă©tĂ© manquĂ© complettement. Puisquâelle se faisoit contre le despostisme, il falloit commencer par suspendre de toutes leurs fonctions le despote et ses agens, confĂ©rer le gouvernement Ă des mandataires du peuple [âŠ] Rien nâĂ©toit si aisĂ© aux reprĂ©sentants du peuple le lendemain de la prise de la Bastille. Mais pour cela, il falloit quâils eussent des vues et des vertus. Or loin dâĂȘtre des hommes dâĂ©tat, ils nâĂ©taient presque tous que dâadroits frippons, qui cherchoient Ă se vendre, de vils intrigants qui affichoient leur faux civisme pour se faire acheter au plus haut prix. Aussi ont-ils commencĂ© par assurer les prĂ©rogatives de la couronne avant de statuer sur les droits du peuple. Ils ont fait plus, ils ont dĂ©butĂ© par remettre au prince le pouvoir exĂ©cutif suprĂȘme, par le rendre lâarbitre du lĂ©gislateur, par le charger de lâexĂ©cution des loix, et par lui abandonner les clefs du trĂ©sor public, la gestion des biens nationaux, le commandement des flottes et des armĂ©es, et la disposition de toute la force publique [10], pour lui assurer les moyens de sâopposer plus efficacement Ă lâĂ©tablissement de la libertĂ©, et de bouleverser plus facilement le nouvel ordre des choses.
Ce nâest pas tout, les reprĂ©sentans du peuple ont dĂ©pouillĂ©, au nom de la nation, le clergĂ© de ses biens, la noblesse de ses titres, la finance de ses places, les ordres privilĂ©giĂ©s de leurs prĂ©rogatives ; mais au lieu dâabattre ces suppĂŽts du despotisme en les dĂ©clarant inhabiles Ă tous les emplois, ils leur ont laissĂ© mille moyens de se relever avec lui ; puis, contents de partager leur prééminence et de sâassocier Ă leur fortune, ils se sont liguĂ©s avec eux, en se vendant au despote.
Les premiers reprĂ©sentants du peuple doivent donc ĂȘtre regardĂ©s comme les arcs-boutants des contre-rĂ©volutionnaires, comme ses plus mortels ennemis [11].
[âŠ] en dĂ©pit des discours Ă©ternels de nos sociĂ©tĂ©s patriotiques, et de ce dĂ©luge dâĂ©crits dont nous sommes inondĂ©s depuis trois ans, le peuple est plus Ă©loignĂ© de sentir ce quâil lui convient de faire pour rĂ©sister Ă ses oppresseurs, quâil ne lâĂ©toit le premier jour de la rĂ©volution. Alors il sâabandonnait Ă son instinct naturel, au simple bon sens qui lui avoit fait trouver le vrai moyen de mettre Ă la raison ses implacables ennemis.
DĂšs lors, endoctrinĂ© par une foule de sophistes, payĂ©s pour cacher sous le voile de lâordre public les atteintes portĂ©es Ă sa souverainetĂ©, pour couvrir du manteau de la justice les attentats contre ses droits, pour lui prĂ©senter, comme moyens dâassurer sa libertĂ©, les mesures prises pour la dĂ©truire : leurĂ© par une foule dâendormeurs intĂ©ressĂ©s Ă lui cacher les dangers qui le menacent, Ă le repaĂźtre de fausses espĂ©rances, Ă lui recommander le calme et la paix : Ă©garĂ© par une foule de charlatans intĂ©ressĂ©s Ă vanter le faux patriotisme des fonctionnaires publics les plus infidĂšles, Ă prĂ©ter des intentions pures aux machinateurs les plus redoutables, Ă calomnier les meilleurs citoyens, Ă traiter de factieux les amis de la rĂ©volution, de sĂ©ditieux les dĂ©fenseurs de la libertĂ©, de brigands les ennemis de la tyrannie ; Ă decrier la sagesse des mesures proposĂ©es pour assurer le triomphe de la justice, Ă faire passer pour des contes les complots tramĂ©s contre la patrie, Ă bercer le peuple dâillusion flatteuse, et Ă cacher sous lâimage trompeuse du bonheur le prĂ©cipice oĂč lâon cherche Ă lâentraĂźner : trompĂ© par les fonctionnaires public coalisĂ©s avec les traĂźtres et les conspirateurs pour retenir son indignation, Ă©touffer son ressentiment, brider son zĂšle, enchaĂźner son audace en lui prĂȘchant sans cesse la confiance dans ses magistrats, la soumission aux autoritĂ©s constituĂ©es et le respect aux loix : enfin, abusĂ© par ses perfides reprĂ©sentans, qui le berçoient de lâespoir de venger ses droits, dâĂ©tablir le rĂšgne de la libertĂ© et de la justice ; il sâest laissĂ© prendre Ă tous leurs piĂšges. Le voilĂ enchaĂźnĂ© au nom des loix par le lĂ©gislateur, et tyrannisĂ© au nom de la justice par les dĂ©positaires de lâautoritĂ© : le voilĂ constitutionnellement esclave : et aujourdâhui quâil a renoncĂ© Ă son bon sens naturel, pour se laisser aller aux discours perfides de tant dâimposteurs, il est loin de regarder comme ses plus mortels ennemis, ses lĂąches mandataires vendus Ă la cour, ses infidĂšles dĂ©lĂ©guĂ©s qui ont trafiquĂ© de ses droits les plus sacrĂ©s, de ses intĂ©rĂȘts les plus chers ; et tous ces scĂ©lĂ©rats qui ont abusĂ© de sa confiance, pour lâimmoler Ă ses anciens tyrans ; il est loin de regarder comme la source de tous ses maux ces dĂ©crets funestes qui lui ont enlevĂ© sa souverainetĂ©, qui ont rĂ©uni entre les mains du monarque tous les pouvoirs, qui ont rendu illusoire la dĂ©claration des droits, qui ont remis la nation Ă la chaĂźne, et qui ont rivĂ© ses fers. Il est loin de fouler aux pieds cette constitution monstrueuse pour le maintien de laquelle il va bĂȘtement se faire Ă©gorger chez lâennemi. Il est loin de sentir que lâunique moyen dâĂ©tablir sa libertĂ©, et dâassurer son repos, Ă©toit de se dĂ©faire sans pitiĂ© des traĂźtres Ă la patrie, et de noyer dans leur sang les chefs des conspirateurs.
Marat, lâAmi du Peuple.
[1] Marat mettait un point dâhonneur Ă toujours nommer le marquis de Mirabeau, quâil dĂ©nonça trĂšs tĂŽt comme un traĂźtre Ă la RĂ©volution, par son nom de famille : Riquetti. Mirabeau est un charmant village du sud-est de la France, sis non loin de la sous-prĂ©fecture dâoĂč je vous Ă©cris. Le marquis de Mirabeau fut un des principaux orateurs de lâAssemblĂ©e constituante et lâauteur du cĂ©lĂšbre : « Allez dire Ă votre maĂźtre que nous sommes ici [au Jeu de Paume] par la volontĂ© du peuple et quâon ne nous en arrachera que par la force des baĂŻonnettes. » Punchline typique de cet aristocrate flamboyant qui fut si populaire en ce temps-lĂ quâaprĂšs sa mort, le 2 avril 1791, on porta sa dĂ©pouille en triomphe jusquâau PanthĂ©on. Las, on dut lâen retirer aprĂšs la dĂ©couverte de sa correspondance secrĂšte avec le roi, et du fait quâil Ă©tait stipendiĂ© par ce dernier afin de dĂ©fendre ses positions sous des allures rĂ©volutionnaires⊠Un seul homme avait dĂ©noncĂ© dĂšs longtemps « lâinfĂąme Riquetti », lâaccusant de complot avec les ennemis de la RĂ©volution : Marat.
[2] LâAmi du peuple, 22 aoĂ»t 1790, en fac-similĂ© sur <Gallica.bnf.fr>
. Jâai respectĂ© lâorthographe de Marat.
[3] Les « noirs » dĂ©signent ici les ennemis politiques de Marat â mais je nâai pas trouvĂ© plus de prĂ©cision sur ce qualificatif dans le livre de Conner : sâagit-il du clergĂ©, ou plus largement des dĂ©putĂ©s Ă la Constituante et de leurs partisans, je ne sais. Quant aux Noirs avec majuscule, on sait que Marat, aprĂšs avoir quelque peu vacillĂ© sur la question, « proclama [dans LâAmi du Peuple du 12 dĂ©cembre 1791] le droit absolu Ă la sĂ©cession, au nom de la loi naturelle, dâabord pour les colons blancs [des Antilles] eux-mĂȘmes, mais en continuant ainsi : â[Ce droit] quâont les colons Ă lâĂ©gard de la nation française, les mulĂątres et les Noirs lâont Ă lâĂ©gard des colons blancs.â » (Yves Benot, La RĂ©volution française et la fin des colonies. 1789-1794, La DĂ©couverte/Poche, p. 193.)
[4] Ă laquelle Marat ne connaissait aucune lĂ©gitimitĂ©, Ă©lue quâelle avait Ă©tĂ© au suffrage censitaire (il fallait ĂȘtre inscrit â et pas inscrite, seuls les hommes de plus de vingt-cinq ans Ă©tant convoquĂ©s â au rĂŽle dâimposition afin de pouvoir voter) et souvent avec deux ou trois degrĂ©s dâĂ©lection.
[5] Jâobserve au passage que Marat ne fut pas impressionnĂ© outre mesure par cette nuit que lâon nous prĂ©sente dĂ©sormais comme fameuse : il nâen pipe mot dans son Ami du Peuple â Ă moins que cela mâait Ă©chappĂ©, mĂȘme pas pour dĂ©noncer lâenfumage que ce fut. On sait que cet acte symbolique fut obtenu grĂące Ă la grande trouille des possĂ©dants devant les incendies de leurs chĂąteaux en province, incendies dont la fonction premiĂšre Ă©tait de dĂ©truire les « terriers », ces documents qui prĂ©cisaient les fameux privilĂšges, justement, et les taxes et corvĂ©es diverses et variĂ©es dont ils accablaient « leurs » paysans. LĂącher un peu pour ne pas tout perdre, et surtout se faire indemniser grassement, voilĂ quel Ă©tait le but de la manĆuvre.
[6] J. Tulard, J. F. Fayard et A. Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799, éd. Robert Laffont (Bouquins), 1987.
[7] Heu⊠en fait non, je nây reviendrai pas dans le texte, cet ouvrage ne mĂ©ritant pas tant dâhonneur. Je ne citerai pas ici toute la notice consacrĂ©e Ă Marat : câest une compilation de toutes les vilenies et contrevĂ©ritĂ©s sur lâAmi du peuple, autant de fadaises sorties de la propagande contrerĂ©volutionnaire et patiemment dĂ©montĂ©es lâune aprĂšs lâautre par Clifford Conner. Il est vrai que des historiens mainstream ne peuvent guĂšre goĂ»ter des Ă©crits tel celui-ci, de dĂ©cembre 1790, citĂ© dans la notice et censĂ© nous faire dresser les cheveux sur la tĂȘte : « Il y a une annĂ©e que cinq ou six cents tĂȘtes abattues vous auraient rendus libres et heureux. Aujourdâhui, il faudrait en abattre dix mille. Sous quelques mois peut-ĂȘtre vous en abattrez cent mille, et vous ferez Ă merveille : car il nây aura point de paix pour vous, si vous nâavez exterminĂ©, jusquâau dernier rejeton, les implacables ennemis de la patrie. » Pour faire bref, Marat Ă©tait selon cette notice un scientifique mĂ©diocre, voire ratĂ©, donc frustrĂ© et aigri, et qui vit dans la rĂ©volution une occasion de se venger de lâAcadĂ©mie des sciences qui lui aurait fait des misĂšres. Si la notice reconnaĂźt quâil Ă©tait « plus populaire que Robespierre dans le petit peuple parisien », câest pour ajouter aussitĂŽt que « Marat, qui en juillet 1791 a fait lâapologie de la dictature et sâest prĂ©sentĂ© comme un recours Ă©ventuel, recherche avec fureur le pouvoir et la renommĂ©e. » In coda venenum : « Ajoutons pour la petite histoire un portrait physique. Nul nâignore la laideur caractĂ©ristique de Marat, ses yeux gris-jaune de tigre, âle dessus des lĂšvres quâon dirait gonflĂ© de poisonâ (câest le socialiste Louis Blanc qui Ă©crit), son air de malpropretĂ© (Fabre dâĂglantine) et lâeczĂ©ma gĂ©nĂ©ralisĂ© dont il Ă©tait couvert. » Comme disait Benjamin, « si lâennemi triomphe, mĂȘme les morts ne seront pas en sĂ»retĂ© ». Et, comme il lâajoutait, « cet ennemi nâa pas fini de triompher » (« ThĂšses sur lâhistoire », Ćuvres III, Folio essais, thĂšse VI, p. 431).
[8] Le duc dâOrlĂ©ans, vous dis-je !
[9] Il sâagit dâextraits du numĂ©ro 667 de LâAmi du Peuple, du samedi 7 juillet 1792, titrĂ© « Le plan de la rĂ©volution absolument manquĂ© par le peuple » â trouvĂ© sur <Gallica.bnf.fr>
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[10] Bizarre, ça me rappelle quelquâunâŠ
[11] Seulement les premiers ?
Source: Lundi.am