Plusieurs personnes ont Ă©tĂ© mises en examen dans une nouvelle affaire dâantiterrorisme. Nous lisons que ces personnes sont dâultra-gauche. Certes, il a Ă©tĂ© maintes fois rĂ©pĂ©tĂ© que la « mouvance ultra-gauche » est une catĂ©gorie inventĂ©e par la police. Tout comme la « mouvance anarcho-autonome ». Cela nâest toutefois pas tout Ă fait exact, voici pourquoi. Un article Ă lire sur Rouen dans la rue.
Commençons par la juxtaposition « anarcho-autonome ». Elle est bien une pure invention de quelquâun. Nous ne doutons pas que ce quelquâun soit un policier dâexercice, ou bien un quelconque employĂ© de ministĂšre, qui, vaguement familier de lâautonomie ouvriĂšre et de lâhistoire de lâanarchisme, aura dĂ©cidĂ© que, comme les deux courants ont en commun de haĂŻr lâĂtat, on peut bien dire que câest la mĂȘme chose. Et pour maquiller lâincohĂ©rence de pareille notion, il suffit dây accoler le terme obscur et confusionniste de « mouvance ». Personne ne se revendiquera anarcho-autonome, personne ne sây reconnaĂźtra, mais cela permettra bien dâen interpeller comme tels â dans les deux sens du terme.
Lâultra-gauche, cette inconnue
Mais il nâen va pas de mĂȘme de lâultra-gauche. VoilĂ lâobjet de notre rĂ©vĂ©lation : lâultra-gauche existe. Oui, il y eut des gens dâultra-gauche. Oui, lâultra-gauche est un courant politique. Lâultra-gauche nâest pas une pure fabrication policiĂšre, elle est un bricolage policier. Nous verrons ce que cela signifie dans un instant. Ouvrons dâabord un livre rĂ©cemment paru en librairie. Il sâappelle LâhypothĂšse autonome, est Ă©crit par Julien Allavena, et lâon y trouve Ă la seiziĂšme page la phrase suivante :
« Il convient de rĂ©gler une bonne fois pour toutes le malentendu : lâ« ultra-gauche » historique est morte et enterrĂ©e depuis maintenant plus de trente ans. Lâexpression fut initialement utilisĂ©e pour dĂ©signer les groupes marxistes non lĂ©ninistes, dâobĂ©dience conseilliste dans lâespace germano-hollandais, bordiguiste en Italie, et leurs ramifications, par exemple en France et Italie. »
Disons-le trĂšs vite : lâultra-gauche dĂ©signe les gens qui sont obsĂ©dĂ©s par Marx mais qui dĂ©testent LĂ©nine. Disons-le un peu mieux : lâultra-gauche a pour point de dĂ©part lâĂ©chec de la rĂ©volution soviĂ©tique et le rejet dâune conception de la rĂ©volution comme prise du pouvoir dâĂtat par un parti. Pour les thĂ©oriciens dâultra-gauche, la rĂ©volution est lâaffaire des masses travailleuses, celles-ci doivent libĂ©rer les espaces de production de la tyrannie de lâextraction de la valeur. La question de la vie quotidienne, pour eux, est une question bourgeoise. Que fit lâultra-gauche ? Elle produisit des textes arides â et qui nâont, pour ceux qui ont la niaque aujourdâhui, quâun intĂ©rĂȘt Ă©sotĂ©rique. Lâultra-gauche fait partie du cabinet de curiositĂ© de lâhistoire rĂ©volutionnaire du dernier siĂšcle et demi. Et pour ceux qui voudraient en savoir plus, il existe une page wikipĂ©dia â elle nâest pas encore distinguĂ©e comme « article de qualitĂ© », mais donne une idĂ©e correcte de la question.
Pourquoi cela nous importe-t-il ? Eh bien, par respect pour lâune des fonctions Ă©lĂ©mentaires du langage. Les mots servent Ă dĂ©signer les choses. La « mouvance anarcho-autonome » nâest rien, câest pourquoi elle mĂ©rite toujours des guillemets. Lâultra-gauche est quelque chose, sachons donc ce quâest cette chose.
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Source: Basse-chaine.info