La libĂ©ration de Lecoin coĂŻncide avec plusieurs changements au sein du mouvement anarchiste : la crĂ©ation le 15 novembre de lâUnion Anarchiste (UA) qui remplace la FCA, Le Libertaire passe de deux Ă quatre pages et, surtout, les anarchistes français commencent Ă critiquer la rĂ©volution russe. JusquâĂ cette Ă©poque les libertaires sont parmi les plus ardents dĂ©fenseurs de la rĂ©publique des Soviets mais les informations quâils reçoivent peu Ă peu, leur font rĂ©aliser le fossĂ© qui existe entre les rĂ©alisations de LĂ©nine et Trotsky et lâĂ©tablissement dâune sociĂ©tĂ© libertaire.
Lecoin adhĂšre immĂ©diatement Ă lâUnion Anarchiste. Comme la plupart de ses compagnons il est devenu sans illusion sur la rĂ©volution bolchĂ©vique. Et quand Pierre Monatte, syndicaliste rĂ©volutionnaire, momentanĂ©ment ralliĂ© au bolchĂ©visme, lui propose de rejoindre la IIIe Internationale, il refuse. Pendant quelques annĂ©es le Parti Communiste (PC) et lâUA font cause commune contre PoincarĂ©, mais les divergences sont trop importantes et la rupture est consommĂ©e lorsque deux militants libertaires sont assassinĂ©s au cours dâun meeting du PC le 11 janvier 1924. A partir de cette date et jusquâĂ la fin de sa vie lâanticommunisme de Lecoin ne faiblira pas. Un article Ă©crit en 1952 expose les principaux griefs de Lecoin Ă lâĂ©gard du PC : La premiĂšre guerre terminĂ©e, il eut Ă©tĂ© possible, malgrĂ© tout que sonnĂąt en France lâheure des anarchistes. CâĂ©tait Ă prĂ©voir aprĂšs la faillite des socialistes et des syndicalistes. Mais la rĂ©volution russe survint, elle, avec ses bouleversantes et funestes consĂ©quences, qui ravagea tout, pilla, saccagea les couches sociales du peuple dans lesquelles les camarades pouvaient espĂ©rer Ă bon droit puiser le meilleur de leurs forces.
Et les anarchistes, au lieu de passer Ă lâattaque du rĂ©gime capitaliste, durent se dĂ©fendre opiniĂątrement contre lâemprise du bolchevisme.
Ils le firent avec un rĂ©el brio et on doit aux libertaires de langue française lâĂ©chec relatif des bolchevistes dans leur entreprise pour dominer complĂštement et internationalement le monde du travail.
[…] la Russie ne reprĂ©sente plus lâespoir dâun bel avenir mais est devenue ce que nous craignions Ă ses dĂ©buts rĂ©volutionnaires (la dictature du
[1].prolétariat
aidant) une rĂ©gion dâaffreuse tyrannie
Lecoin est nommĂ© administrateur du Libertaire et de la librairie en dĂ©cembre 1920 [2]. Il fait appel Ă SĂ©bastien Faure avec lequel il sâest rĂ©conciliĂ©. Leur collaboration est fructueuse et contribue Ă relancer le mouvement anarchiste. Fin 1921 leur parvient lâannonce de la condamnation Ă mort de Sacco et Vanzetti ; Le Libertaire rĂ©vĂšle lâaffaire aux Français. En janvier 1922 Lecoin est chargĂ© de la rĂ©daction du journal [3]. Pendant cette pĂ©riode il signe trĂšs peu dâarticles mais de nombreuses brĂšves semblent ĂȘtre de sa main. Il quitte ses fonctions au Libertaire six mois plus tard. Un encadrĂ© prĂ©cise : Notre camarade Lecoin aprĂšs avoir pendant de longs mois sacrifiĂ© tout son temps et le meilleur de son activitĂ© Ă la rĂ©daction du Libertaire, de sa propre dĂ©cision, au regret de nos camarades laisse le secrĂ©tariat
[4].
Plusieurs hypothĂšses Ă ce retrait. La premiĂšre est dâordre personnelle, en 1922 Lecoin habite avec Marie Morand [5] sa vie privĂ©e nâest plus compatible avec la charge permanente que reprĂ©sente la rĂ©daction du Libertaire. Dâautre part, LECOIN, Ă 34 ans, se rend sans doute compte du manque dâefficacitĂ© de la plupart des campagnes menĂ©es par Le Libertaire. Sans renier ses idĂ©es, il se met en rĂ©serve pour pouvoir intervenir plus efficacement. Il ne quitte pas lâUA, il y milite diffĂ©remment et les critiques ne tardent pas. DĂ©sormais Lecoin nâest plus un « militant exemplaire ».
Source: Partage-noir.fr