Avant dâarriver Ă Paris en 1905, Louis Lecoin ne se distingue guĂšre des autres enfants de Saint-Amand-Montrond (Cher), sa ville natale. Comme la plupart dâentre eux, Louis ne rate pas une occasion de voir dĂ©filer les rĂ©giments en transit par Saint-Amand. Il va mĂȘme Ă lâĂąge de 16 ans rĂȘver dâaccomplir une carriĂšre militaire. Heureusement il lui faut patienter jusquâĂ 18 ans pour sâengager. En attendant il prend une dĂ©cision qui va bouleverser sa vie : il part pour Paris…
Muni dâun certificat dâĂ©tudes et dâun diplĂŽme dâagriculteur lui permettant dâĂȘtre employĂ© chez un pĂ©piniĂ©riste de la banlieue sud. Il y travaille douze heures par jour pour un salaire de misĂšre. Au contact dâouvriers Ă©trangers, sa conscience politique sâĂ©veille. Il dĂ©couvre Zola et divers aspects du mouvement social. La catastrophe de CourriĂšres, qui, le 1,0 mars 1906, fit plus de mille morts, accentue sa rĂ©volte contre la sociĂ©tĂ© [1].
Eclate alors une grĂšve des jardiniers. Tout naturellement Lecoin rejoint ses camarades dans lâaction directe ; les serres et les chĂąssis en font les frais. La grĂšve terminĂ©e, il change dâemployeur et travaille chez des horticulteurs. Le premier mai 1906, Lecoin arrive place de la RĂ©publique, plusieurs heures avant le dĂ©but de la manifestation. Mal lui en prend, Ă dix heures du matin il est, avec quelques personnes, arrĂȘtĂ© arbitrairement et conduit Ă la caserne du ChĂąteau-dâEau. DĂ©tenu jusquâau soir, il ne peut participer Ă lâune des plus grandes Ă©meutes quâait connues la capitale. A ce moment il lit lâHumanitĂ© et assiste Ă des meetings socialistes contre lâexpĂ©dition marocaine. Au cours de lâun dâentre eux JaurĂšs prend la parole, Lecoin est troublĂ© par le charme et lâĂ©loquence du grand tribun. Cultivant lâĂ©clectisme, il se rend, quelques temps aprĂšs, Ă une confĂ©rence anarchiste sur « lâagonie du vieux monde chrĂ©tien ». Lâorateur nâest autre que SĂ©bastien Faure, lâinfatigable confĂ©rencier anarchiste. Lecoin fait ainsi connaissance avec lâun des hommes qui lâinfluencera le plus. Le lendemain, au cours dâune manifestation de jardiniers dans le XVIâą arrondissement, la police charge. RĂ©sultat une arrestation : Lecoin. Comble de malheur ses poches sont bourrĂ©es de tracts et de brochures prises la veille Ă la sortie de la rĂ©union. Il est condamnĂ© Ă trois mois de prison pour coups Ă agents et surtout parce que le juge le croit anarchiste. Cette injustice lui fait Ă©crire, par bravade, « Vive lâanarchie » sur les murs de sa cellule. Ce qui lui vaut quatre jours de cachot. LibĂ©rĂ©, il dĂ©sire adhĂ©rer au Parti Socialiste. Mais lâĂ©lectoralisme des amis de JaurĂšs et la frĂ©quentation de jardiniers anarchistes lâen dissuadent. DĂšs lors il frĂ©quente assidument les rĂ©unions libertaires et lit de nombreux ouvrages anarchistes. Le 13 octobre 1909, Francisco Ferrer, pĂ©dagogue libertaire catalan, est fusillĂ© dans les fossĂ©s de Mont-juich (Espagne). La monstrueuse exĂ©cution provoque une vague de protestations Ă©normes dans toute lâEurope. A Paris, une manifestation a lieu devant lâambassade dâEspagne. La foule dĂ©borde le service dâordre, des barricades sont Ă©difiĂ©es et un gardien de la paix est tuĂ©. Lecoin est aux premiĂšres loges. Au cours dâune seconde manifestation, il rencontre un journaliste de lâHumanitĂ©, Robert Lazurick, originaire lui aussi de Saint-Amand-Montrond. Lazurick lâinforme quâil aurait dĂ» rejoindre le 85â dâinfanterie le 1″ octobre !
Source: Partage-noir.fr