Durant la guerre ce qui reste du mouvement libertaire Ă©clate. Certains, par anticommunisme, rejoignent la Collaboration, dâautres la RĂ©sistance. Les quelques insoumis et dĂ©serteurs se cachent ou se retrouvent en prison. Seules des ballades champĂȘtres rĂ©unissent quelques militants. Il faut attendre 1943 pour que de premiers contacts sâĂ©tablissent ; une rĂ©union se tient Ă Toulouse en juillet, suivie dâune seconde en janvier 1944 qui permet la mise au point des principes dâune nouvelle organisation. Un premier congrĂšs en octobre 1945 et une confĂ©rence nationale en dĂ©cembre donnent naissance Ă la FĂ©dĂ©ration Anarchiste (FA). Elle regroupe des anciens « rescapĂ©s » des annĂ©es troubles de la seconde guerre mondiale et des nouveaux venus Ă lâanarchisme.
Lecoin demeure en prison jusquâen 1941. Affaibli physiquement et moralement il nâa pas de relations avec le petit noyau de militants actifs. La plupart dâentre eux, dâune autre gĂ©nĂ©ration que lui, critiquent les moyens employĂ©s pour ses diverses campagnes de lâentre-deux guerres et sa « passivitĂ© » durant lâOccupation. Quelques-uns avaient Ă©tĂ©, je ne dirais pas Ă©cartĂ©s, mais oubliĂ©s dâĂȘtre conviĂ©s Ă la reconstruction du mouvement libertaire, et parmi eux Le Meillour, Lecoin, LorĂ©al, etc. Quelques annĂ©es plus tard, Ă ma librairie du ChĂąteau des Brouillards, beaucoup dâentre eux, quâils aient appartenu au mouvement syndical ou Ă lâUnion anarchiste, viendront me voir. En ai-je entendu de ces histoires douloureuses dâhommes qui avaient fait le mauvais choix, qui nâavaient Ă©tĂ© quâimprudents ou sâĂ©taient contentĂ©s de rester passifs dans une pĂ©riode oĂč tout le monde avait peur A Paris comme en province ce sont les militants de lâUnion anarchiste qui avaient le moins tenu le coup…
[1]
VoilĂ qui explique lâabsence de Louis Lecoin aux assemblĂ©es constitutives de la FA en 1945.
A cette Ă©poque il rĂ©dige sa premiĂšre autobiographie : De prison en prison [2], dont la premiĂšre Ă©dition sort en dĂ©cembre 1946. La publication du livre amĂšne Le Libertaire, organe de la FA, Ă reparler de Lecoin, pour la premiĂšre fois depuis la fin de la guerre. Un article fait lâĂ©loge de son action mais rappelle les critiques formulĂ©es Ă lâĂ©gard de ses mĂ©thodes [3].
Lecoin, Ă la retraite, sâennuie. Il sent le besoin de sâengager Ă nouveau, et comme trop de divergences le sĂ©parent de la FA, il dĂ©cidĂ© dâagir seul, en franc-tireur. Il rĂ©unit quelques amis et publie une revue mensuelle intitulĂ©e DĂ©fense de lâhomme. Elle se donne pour but de dĂ©fendre lâindividu partout oĂč sa libertĂ© est menacĂ©e. Le premier numĂ©ro paraĂźt en octobre 1948, Lecoin y affirme un anarchisme teintĂ© dâhumanisme. Le Libertaire critique sĂ©vĂšrement lâinitiative :
[…]Trop de vieux thĂšmes usĂ©s. Pas assez de ferveur. Cela provient peut-ĂȘtre du nombre important de copains dĂ©sabusĂ©s qui ont Ă©crit ce numĂ©ro.
La revue DĂ©fense de lâHomme semble avoir trop sacrifiĂ© au dĂ©sir de publier les Ă©crits des amis. Si Lecoin sâengage sur cette pente il nâa pas fini…
[4].
Lâarticle commentant le second numĂ©ro est plus modĂ©rĂ© et la rĂ©daction du Libertaire rĂ©pond Ă certains lecteurs ayant trouvĂ© la critique prĂ©cĂ©dente un peu trop vive [5]. MalgrĂ© son Ă©loignement, Lecoin semble avoir conservĂ© lâestime dâune partie du mouvement. Par la suite la revue est tout simplement ignorĂ©e par lâorgane de la FA.
Source: Partage-noir.fr