En 2011 sâouvre un nouveau cycle de contestation. Les rĂ©voltes dans les pays arabes dĂ©bouchent vers le mouvement dâoccupation des places. Le sentiment commun prime sur lâappartenance idĂ©ologique. En 2018, le mouvement des Gilets jaunes attaque Ă©galement la dĂ©mocratie reprĂ©sentative. De nouvelles formes de conflictualitĂ© Ă©mergent en dehors du monde du travail. Le mouvement #MeToo dĂ©nonce les violences faites aux femmes. Le ComitĂ© Adama et les luttes de quartiers dĂ©noncent les violences policiĂšres. Ces mouvements Ă©mergent en dehors des syndicats attachĂ©s Ă des pratiques de dĂ©lĂ©gation et de hiĂ©rarchies. RĂ©jane SĂ©nac prĂ©sente son enquĂȘte auprĂšs de 130 militants et militantes dans son livre Radicales et fluides.
Le sentiment dâinjustice prime sur le principe de lâĂ©galitĂ©. Les activistes sâengagent par rapport Ă des injustices vĂ©cues ou observĂ©es et non plus seulement avec une idĂ©ologie abstraite. Les principes rĂ©publicains occultent la rĂ©alitĂ© des inĂ©galitĂ©s sociales. Corinne Morel-Darleux estime que le terme dâĂ©galitĂ© « a beaucoup gommĂ© dans le discours dominant les rapports de domination qui peuvent exister au sein de la sociĂ©tĂ© en termes de classe sociale notamment mais pas seulement ». Les droits de lâhomme, qui ont mĂȘme lĂ©gitimĂ© la domination coloniale, apparaissent Ă©galement comme une imposture. Des militantes utilisent les termes de justice sociale ou dâĂ©mancipation qui expriment davantage un potentiel transformateur plutĂŽt que le principe creux et consensuel dâĂ©galitĂ©.
En revanche, des associations traditionnelles, comme la Ligue des droits de lâhomme (LDH) ou SOS Racisme, restent attachĂ©es au principe de lâĂ©galitĂ©. SaĂŻd Bouamama, cofondateur du Front uni de lâimmigration et des quartiers populaires (FUIQP), souligne que le principe dâĂ©galitĂ© exprime un refus de la domination. « Conscient des critiques faites envers lâusage du terme dâĂ©galitĂ©, il note que cette derniĂšre a Ă©tĂ© instrumentalisĂ©e par des approches rĂ©formistes participant de la reproduction des dominations », indique RĂ©jane SĂ©nac. Lâhistoire des luttes Ă©mancipatrices reste portĂ©e par un idĂ©al dâĂ©galitĂ©. Ensuite, la dignitĂ© ou la justice apparaissent comme des objectifs immĂ©diats. Mais il semble important de maintenir un idĂ©al de sociĂ©tĂ© Ă©galitaire sans domination.
Intersectionnalité contre les oppressions
Le terme dâintersectionnalitĂ© est devenu incontournable dans les mouvements sociaux. Cette expression dĂ©signe lâintersection des diffĂ©rentes identitĂ©s et formes dâoppression. « Câest en particulier la place respective des premiĂšr.e.s concernĂ©.e.s et des alliĂ©.e.s dans les mobilisations qui est soulevĂ©e », dĂ©crit RĂ©jane SĂ©nac. Les associations caritatives comme ATD Quart monde ou EmmaĂŒs tentent de limiter la posture paternaliste. LâĂ©ducation populaire sâouvre Ă©galement Ă la tentative de sortir du mĂ©pris de classe. Adrien Roux sâinspire des mĂ©thodes du community organizing dĂ©veloppĂ©es par Saul Alinsky. Les premiĂšr.e.s concernĂ©.e.s doivent prendre la parole et mĂȘme proposer des actions Ă mener. Alinsky insiste sur « une citoyennetĂ© active et tout-terrain ».
La rhĂ©torique de lâintersectionnalitĂ© et des premiĂšr.e.s concernĂ©.e.s reste critiquĂ©e. Cette dĂ©marche peut dĂ©boucher vers une individualisation des phĂ©nomĂšnes politiques. La « rĂ©ification Ă©gocentrĂ©e de la condition de victime nâoffre aucune perspective cohĂ©rente pour crĂ©er un futur dĂ©sirable, au-delĂ de la reconnaissance universelle de la souffrance », souligne Chi-Chi Shi. La posture morale remplace les perspectives de lutte. Ensuite, des militantes fĂ©ministes estiment que lâintersectionnalitĂ© se prĂ©sente comme une nouveautĂ© alors que les oppressions racistes et patriarcales sont prises en compte dans les mouvements sociaux avant leur conceptualisation dans les campus amĂ©ricains. La sociologue DaniĂšle Kergoat analyse depuis longtemps les rapports sociaux de classe, de genre et de race qui peuvent se croiser. Par ailleurs, beaucoup dâidĂ©ologues de lâintersectionnalitĂ© insistent sur les dominations de genre et de race mais occultent la lutte des classes.
Le militantisme 2.0 se dĂ©veloppe. Un mouvement comme #MeToo participe Ă la dĂ©nonciation des violences sexistes et sexuelles. Ce militantisme virtuel sâexplique par le refus dâun engagement pĂ©renne, avec ses contraintes sur la vie quotidienne. Surtout, ce nouveau militantisme exprime un discrĂ©dit des partis, des syndicats et des associations. Les programmes idĂ©ologiques figĂ©s, lâapproche gestionnaire et bureaucratique sont rejetĂ©s. Les individus peuvent sâexprimer directement sans passer par les corps intermĂ©diaires comme les mĂ©dias, les syndicats ou les associations. Mais le militantisme 2.0 contribue Ă©galement Ă renforcer lâisolement et le morcellement des mobilisations, avec chacun qui porte sa petite cause dans son coin.
Le militantisme traditionnel dans les partis dâextrĂȘme-gauche valorise la puretĂ© du sacrifice de soi pour la cause et lâorganisation. Le militantisme joyeux sâappuie sur lâhumour plutĂŽt que sur lâobĂ©issance Ă des groupes hiĂ©rarchisĂ©s. Lâaction directe et la dĂ©centralisation priment sur les structures verticales. « Câest pour cette raison que les termes de confluence ou de synergie sont prĂ©fĂ©rĂ©s Ă celui de convergence, associĂ© Ă une unification rigide et homogĂ©nĂ©isante incompatible avec la reconnaissance de la spĂ©cificitĂ© des mobilisations des mobilisĂ©.e.s », observe RĂ©jane SĂ©nac.
Convergence et confluence
La convergence des luttes est entendue comme une alliance entre groupes pour la dĂ©fense ou la conquĂȘte de droits. Gwendoline Lefebvre, ancienne prĂ©sidente du Lobby europĂ©en des femmes, propose des alliances entre les fĂ©ministes et dâautres groupes mobilisĂ©s. Mais elle reste vigilante à « ne pas reproduire Ă nouveau lâinvisibilisation des inĂ©galitĂ©s femmes-hommes ». Cette convergence vise Ă prendre en compte lâimbrication des dominations et des discriminations. Cette dĂ©marche permet de ne pas gommer les diffĂ©rentes identitĂ©s et revendications. « Elle autorise la prise en compte conjointe des diffĂ©rences dâexpĂ©riences et de lâimportance de faire coalition de revendications communes », prĂ©cise RĂ©jane SĂ©nac.
La prĂ©sidente du Laboratoire de lâĂ©galitĂ© Olga Trostiansky se focalise sur lâĂ©galitĂ© professionnelle. Les sujets clivants sont occultĂ©s, comme la laĂŻcitĂ©, le voile ou la prostitution. Olga Trostiansky aspire à « pouvoir approcher et parler Ă tous les acteurs concernĂ©s, les associations, les syndicats, mais aussi les entreprises ». Elle nâhĂ©site pas Ă collaborer avec le patronat pour Ă©laborer des revendications en concertation.
La diversitĂ© des tactiques doit permettre une cohabitation des rĂ©pertoires dâaction, et non leur unification. Des pratiques diffĂ©rentes doivent exister, plutĂŽt quâune homogĂ©nĂ©itĂ© des mĂ©thodes. La dĂ©centralisation des actions permet de ne pas reproduire des hiĂ©rarchies avec des tĂȘtes de rĂ©seaux qui imposent une ligne. La bienveillance doit primer sur la concurrence. Angelina Casademont, membre de Youth for Climate, tente de relier les luttes contre les dominations. Les mouvements Ă©cologistes, fĂ©ministes, antiracistes doivent se renforcer et non se nuire.
AurĂ©lie TrouvĂ©, ancienne porte-parole dâATTAC, insiste sur la convergence des diffĂ©rents rĂ©seaux militants. La justice sociale et la justice environnementale doivent ĂȘtre reliĂ©es. Elle nâhĂ©site pas Ă collaborer avec Greenpeace ou la CGT. MĂȘme si le respect de chacun ne va pas jusquâĂ lancer des actions communes. Comme les autres militants, AurĂ©lie TrouvĂ© reste attachĂ©e Ă la non-violence. MĂȘme si, depuis la rĂ©volte des Gilets jaunes, elle doit bien admettre lâefficacitĂ© de la violence. « Les Gilets jaunes ont fini par ĂȘtre Ă©coutĂ©s alors que le gouvernement nâĂ©coute pas un million de personnes manifestant dans les rues », reconnaĂźt AurĂ©lie TrouvĂ©.
La stratĂ©gie de la conquĂȘte de lâEtat pour transformer la sociĂ©tĂ© ne fonctionne pas. Le bilan dĂ©sastreux de la gauche au pouvoir semble Ă©loquent. La fĂ©ministe Marguerite Stern constate lâinefficacitĂ© des actions qui respectent les cadres institutionnels. MĂȘme les suffragettes, qui dĂ©fendent le droit de vote des femmes au Royaume-Uni, nâont pas hĂ©sitĂ© Ă briser des vitrines. Mais des acharnĂ©s de la non-violence nâhĂ©sitent pas Ă reprendre une rhĂ©torique rĂ©actionnaire. Juliette Rousseau, porte-parole de la Coalition Climat 21, pointe la dĂ©rive dâune posture Ă©meutiĂšre plus identitaire que stratĂ©gique. Mais elle reprend les clichĂ©s essentialistes sur les femmes douces et maternelles. « LâĂ©meute nâest pas toujours inclusive », ose la militante.
Mais ce sont les professionnels de la non-violence qui sâopposent Ă la diversitĂ© des tactiques. Au contraire, les Ă©meutiers et Ă©meutiĂšres ne passent pas leur temps Ă dĂ©noncer et empĂȘcher la non-violence. Sauf pour alerter sur le comportement de balance Ă la Sophie Tissier, avec sa « Force jaune » qui favorise la rĂ©pression. Elsa Dorlin observe que la conquĂȘte de nouveaux droits passe souvent par la violence.
Alternatives et stratégies
Le nouveau militantisme privilĂ©gie lâaction locale plutĂŽt que la prise du pouvoir dâEtat. Agir sur les structures et les lois nâest mĂȘme plus envisagĂ©. Une perspective de rupture avec le capitalisme ne semble plus dĂ©sirĂ©e. Les jeunes activistes prĂ©fĂšrent les potagers autogĂ©rĂ©s plutĂŽt que le Grand Soir. « En effet, si le rĂ©cit commun est fort autour de lâantiracisme, de lâĂ©cologie et du fĂ©minisme, le commun se construit dans le faire ensemble au quotidien, Ă travers la cuisine et le jardinage notamment », observe RĂ©jane SĂ©nac. Des militants comme Augustin Legrand insistent sur les impacts concrets des actions. AprĂšs avoir frĂ©quentĂ© la politique institutionnelle, il dĂ©plore sa vacuitĂ©. Ce sont davantage les luttes locales qui permettent dâamĂ©liorer la vie quotidienne.
Des projets de sociĂ©tĂ© alternatifs se dessinent pour sortir du capitalisme. Le municipalisme libertaire prĂ©tend permettre une rĂ©appropriation de la politique Ă lâĂ©chelle locale. Mais câest surtout le mouvement des Gilets jaunes qui a exprimĂ© un « horizontalisme radical » et un rejet de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative. Selon RĂ©mi Lefebvre, les Gilets jaunes expriment « tout Ă la fois une aspiration Ă la politique et un rejet de la politique instituĂ©e et Ă©lectorale ». NĂ©anmoins, le rejet des partis et des syndicats semble ambivalent. La critique des structures bureaucratiques valorise lâauto-organisation et la prise de dĂ©cision collective. Mais le rejet de ces corps intermĂ©diaires peut Ă©galement exprimer un repli sur la sphĂšre privĂ©e pour Ă©pouser lâindividualisme nĂ©olibĂ©ral.
Nicolas Girod, porte-parole de la ConfĂ©dĂ©ration paysanne, insiste sur lâimportance dâun mouvement de dĂ©sobĂ©issance civile qui passe par des actions de blocage. Face au dĂ©sastre climatique, les alternatives locales ne semblent pas suffisantes pour rĂ©pondre Ă la hauteur des enjeux. « Il considĂšre nĂ©anmoins que ces rĂ©sistances qui essaiment et se multiplient sur les territoires ne sont pas suffisantes si elles restent des alternatives sans perspectives politiques », prĂ©cise RĂ©jane SĂ©nac. Il semble important de poser la question stratĂ©gique : comment changer le monde ? La multiplication d’Ăźlots alternatifs pour former des archipels semble peu crĂ©dible.
Le philosophe Francis Wolff observe que les mouvements sociaux se mobilisent contre quelque chose, mais ne porte plus aucun horizon collectif. Les utopies semblent dĂ©sormais associĂ©es aux totalitarismes du XXe siĂšcle. Cependant, les militants dâaujourdâhui se mobilisent pour la libĂ©ration de la parole et pour lâexpĂ©rimentation dâalternatives. Ce nouveau militantisme sâattache Ă dĂ©noncer toutes les formes dâoppressions. Les luttes fĂ©ministes, antiracistes et Ă©cologistes deviennent incontournables. Cette nouvelle gauche intersectionnelle se mĂ©fie des logiques verticales et centralisatrices autour dâune mobilisation unitaire. Ces nouvelles mobilisations revendiquent leur attachement Ă lâhorizontalitĂ© et Ă la pluralitĂ©.
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Limites des nouveaux mouvements sociaux
RĂ©jane SĂ©nac propose une vĂ©ritable enquĂȘte sur le renouveau des mobilisations sociales. Elle sâappuie sur de nombreux entretiens avec une diversitĂ© d’acteurs et dâactrices des mouvements sociaux. Ce qui permet de proposer un large panorama, avec une diversitĂ© dâidĂ©es et de pratiques. Cette enquĂȘte permet de comprendre la nouvelle gĂ©nĂ©ration qui invente de nouvelles formes dâengagement. Elle permet dâanalyser les forces et les faiblesses des nouvelles pratiques militantes.
Les nouvelles luttes sociales rejettent lâidĂ©ologie et le folklore gauchiste. Ce sont les actions concrĂštes qui sont valorisĂ©es. La jeunesse ne se mobilise plus par rapport Ă une identitĂ© militante avec son imaginaire dĂ©suet. Certes, la conscience historique sâaffaiblit. Mais les actions deviennent plus percutantes et visent des objectifs immĂ©diats. Ensuite, le modĂšle de la prise du pouvoir dâEtat semble largement discrĂ©ditĂ©. La solution ne vient pas des Ă©lections et des institutions. Elle passe davantage par lâauto-organisation et lâaction directe. La nouvelle gĂ©nĂ©ration nâattend rien des promesses et des programmes. Ce sont les dynamiques de lutte qui permettent une vĂ©ritable transformation sociale et une amĂ©lioration de la vie quotidienne.
Il faut reconnaĂźtre Ă RĂ©jane SĂ©nac une grande honnĂȘtetĂ© intellectuelle et une ouverture au dĂ©bat. SpĂ©cialiste des discriminations, elle aborde la polĂ©mique Ă©pineuse sur lâintersectionnalitĂ© avec un sens de la nuance assez rare. La chercheuse partage Ă©videmment la plupart des thĂšses du nouveau antiracisme. NĂ©anmoins, elle nâhĂ©site pas Ă les soumettre au dĂ©bat. La posture victimaire, lâaffirmation identitaire et lâeffacement des clivages de classe restent de sĂ©rieuses limites Ă cette mouvance intersectionnelle qui adopte la posture de la nouveautĂ©. Les limites de lâalternativisme, autre idĂ©ologie Ă la mode, sont Ă©galement questionnĂ©es.
RĂ©jane SĂ©nac se focalise sur un militantisme surtout portĂ©e par une jeunesse diplĂŽmĂ©e et politisĂ©e. Câest sans doute le principal angle mort de son enquĂȘte ambitieuse. Certes, le mouvement des Gilets jaunes est Ă©voquĂ©. Mais uniquement Ă travers des figures mĂ©diatiques qui collaborent facilement avec la gauche traditionnelle. On est loin de la ferveur populaire et de la sauvagerie assumĂ©e qui font la force de ce mouvement. La sociologie des Marches pour le climat nâest pas reprĂ©sentative de lâensemble de la jeunesse, et encore moins de la population. Les luttes sociales, les grĂšves ou les Ă©meutes semblent dĂ©laissĂ©es. Ces mouvements spontanĂ©s sont portĂ©s par une population parfois moins diplĂŽmĂ©e et plus prĂ©caire.
Ce milieu du militantisme de gauche peut mĂȘme faire songer Ă une bulle et Ă un entre-soi relativement coupĂ© des problĂšmes quotidiens qui se posent de maniĂšre concrĂšte. MĂȘme si lâapproche semble moins idĂ©ologique, ce sont les grands enjeux politiques surplombants qui prĂ©dominent. Le fĂ©minisme, lâantiracisme et lâĂ©cologie dĂ©bouche davantage vers des Tweets Ă©nervĂ©s que vers des collectifs pour rĂ©soudre des problĂšmes immĂ©diats qui se posent au quotidien.
Ensuite, RĂ©jane SĂ©nac aborde les dĂ©bats stratĂ©giques dâune maniĂšre qui ne permet pas de poser les enjeux dĂ©cisifs. Confluence, alliances, diversitĂ© des tactiques et bienveillance apparaissent dĂ©sormais comme le summum de la rĂ©flexion stratĂ©gique. Mais il sâagit plus de la politesse et du cadre du dĂ©bat, plutĂŽt que du dĂ©bat lui-mĂȘme. La perspective dâune rupture avec le capitalisme nâest plus discutĂ©e, puisquâelle ne semble mĂȘme pas envisagĂ©e. Philippe Raynaud, intellectuel conservateur issu dâune gĂ©nĂ©ration marquĂ©e par le marxisme, observe que la gauche radicale se contente dâune dĂ©fense des droits. Ses revendications restent dans le cadre dâune sociĂ©tĂ© hiĂ©rarchisĂ©e et inĂ©galitaire. Il est dĂ©sormais question de sâintĂ©grer dans cette sociĂ©tĂ©, mais jamais de la dĂ©truire pour en crĂ©er une nouvelle.
Surtout, le changement ne peut pas venir des militants professionnels et des activistes en tout genre. MĂȘme leur alliance inclusive et bienveillante risque de rester impuissante. Ce sont davantage les rĂ©voltes globales et les soulĂšvements qui permettent de remettre en cause lâordre marchand. Câest dans ce cadre que les dĂ©bats stratĂ©giques prennent tout leur sens pour imaginer une sociĂ©tĂ© nouvelle sans Etat, sans classes et sans hiĂ©rarchies.
Source : Réjane Sénac, Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines, Presses de Sciences Po, 2021
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VidĂ©o : L’Ă©galitĂ© française est-elle un mythe ? avec RĂ©jane SĂ©nac, politologue, diffusĂ©e sur France Culture le 28 mars 2019
VidĂ©o : L’Ă©galitĂ© sans condition | Rencontre avec RĂ©jane SĂ©nac, diffusĂ©e sur le site de l’Association Française des Femmes DiplĂŽmĂ©es des UniversitĂ©s le 4 juin 2019
VidĂ©o : RĂ©jane SĂ©nac : « La RĂ©publique a exclu ceux qui n’Ă©taient pas mĂąles ou blancs », diffusĂ©e sur le site Mediapart le 13 aoĂ»t 2015
Radio : Les termes du dĂ©bat 10/44 : “RadicalitĂ©”, diffusĂ©e sur le site France Culture le 5 novembre 2021
Radio : Les mobilisations contemporaines contre les injustices : radicales et fluides, diffusée sur le site de Sciences Po le 14 octobre 2021
Radio : Romain Auzouy, Le Wokisme: avancée ou menace ?, diffusée sur RFI le 19 octobre 2021
Radio : RĂ©jane SĂ©nac : « Il faut choisir entre ĂȘtre Ă©gaux et se reposer », diffusĂ©e sur le site du magazine Usbek & Rica le 6 mai 2019
RĂ©jane SĂ©nac : « Elaborer un commun dans un contexte dâinĂ©galitĂ©s et de hiĂ©rarchies, publiĂ© dans le journal Le Monde le le 22 janvier 2022
Réjane Sénac, Les mobilisations contemporaines contre les injustices réhabilitent la radicalité politique, publié sur le site The Conversation le 13 octobre 2021
RĂ©jane SĂ©nac : « Ă travers le rapport au principe dâĂ©galitĂ© se lisent les dĂ©ceptions et trahisons vis-Ă -vis dâidĂ©aux dĂ©voyĂ©s », publiĂ© sur le site Chronik le 3 dĂ©cembre 2021
Nastasia Hadjadji, RĂ©jane SĂ©nac : « Le dĂ©bat sur le wokisme sert Ă Ă©viter de parler des inĂ©galitĂ©s et de leurs causes », publiĂ© sur le site du magazine L’ADN le 3 dĂ©cembre 2021
Célia Rabot, Radicales et fluides : Les mobilisations contemporaines contre les injustices, publié sur le site de 50-50 magazine le 29 octobre 2021
https://www.lesfameuses.com/entretien-conclusion-rejane-senac/
Source: Zones-subversives.com