Ce mercredi 4 novembre se poursuit en commission des Lois de lâAssemblĂ©e nationale lâexamen de la proposition de loi relative Ă la « sĂ©curitĂ© globale ». Son article 24 vise Ă interdire la diffusion publique dâimages ou de vidĂ©os de policiers ou de gendarmes en exercice [1]. Une atteinte littĂ©rale Ă la libertĂ© de la presse : la loi de 1881 qui garantit cette derniĂšre prĂ©voit dâailleurs dâĂȘtre modifiĂ©e en consĂ©quence.
InitiĂ©e par un dĂ©putĂ© du Modem et cinq dĂ©putĂ©s LREM â dont Christophe Castaner et Jean-Michel Fauvergue, ancien commissaire de police et ancien chef du Raid â cette proposition de loi a Ă©tĂ© engagĂ©e sous « procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e » le 26 octobre. Elle est lâaboutissement dâun souhait de longue date du gouvernement, engagĂ© tĂȘte baissĂ©e sur une pente autoritaire, continuant de nier les violences policiĂšres [2] : en fĂ©vrier dernier, Christophe Castaner avait « envisagĂ© » de « contrĂŽler la diffusion » de telles vidĂ©os, provoquant alors la rĂ©action de nombreux syndicats de journalistes et de collectifs, dont notre association.
Nous publions ci-dessous une dĂ©claration adoptĂ©e hier par lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la FĂ©dĂ©ration europĂ©enne des journalistes (FEJ), et rĂ©itĂ©rons notre position contre une telle entrave au travail des journalistes, Ă la libertĂ© dâinformer et au droit dâĂȘtre informĂ©.
En France, le gouvernement veut interdire la diffusion dâimages des fonctionnaires des forces de lâordre sur les rĂ©seaux sociaux, et pour cela il compte modifier la loi sur la libertĂ© de la presse, de 1881.
Plusieurs dĂ©putĂ©s de la majoritĂ©, dont lâancien ministre de lâIntĂ©rieur, Christophe Castaner, ont dĂ©posĂ© en France une proposition de loi relative Ă la « sĂ©curitĂ© globale », qui attire toute notre attention.
Dans des dĂ©clarations Ă la presse et dans une audition Ă lâAssemblĂ©e nationale, ce lundi 2 novembre, lâactuel ministre de lâIntĂ©rieur, GĂ©rald Darmanin, a confirmĂ© que cette proposition de loi Ă©tait rĂ©alisĂ©e en « parfaite collaboration avec le gouvernement » dans le but de « renforcer la police ». Le ministre a soulignĂ© quâil avait promis « de ne plus pouvoir diffuser les images de policiers et gendarmes sur les rĂ©seaux sociaux ».
Dans cette proposition de loi, il est prévu :
Est puni dâun an dâemprisonnement et de 45 000 euros dâamende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel quâen soit le support, dans le but quâil soit portĂ© atteinte Ă son intĂ©gritĂ© physique ou psychique, lâimage du visage ou tout autre Ă©lĂ©ment dâidentification dâun fonctionnaire de la police nationale ou dâun militaire de la gendarmerie nationale lorsquâil agit dans le cadre dâune opĂ©ration de police.
Cette modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la libertĂ© de la presse, va Ă lâencontre de toutes les dispositions prĂ©vues sur la libertĂ© de la presse en Europe et menace dâempĂȘcher les journalistes de faire tout simplement leur travail.
Le code sur la liberté de la presse pour la police, rédigé par le Centre européen de la liberté de la presse et des médias, et soutenu par la Fédération européenne des journalistes, affirme que :
Dans le cas dâagressions policiĂšres ou de menaces contre des journalistes, la personne agressĂ©e Ă©choue rĂ©guliĂšrement Ă identifier les agresseurs car les forces de police sâabstiennent souvent de porter des plaques dâidentitĂ©. CombinĂ© avec le faible niveau de motivation de la part du personnel de police pour tĂ©moigner contre leurs propres collĂšgues, le fait que la police dans de nombreux pays ne peut pas ĂȘtre identifiĂ©e entrave une enquĂȘte approfondie de tels incidents. Les autoritĂ©s nationales doivent accepter le fait que les journalistes ont le droit de rendre compte et informer sur la conduite de la police.
Par conséquent, la Fédération européenne des journalistes, réunie en assemblée générale, demande au gouvernement et au Parlement français :
– de retirer ce projet de modification dâune des plus anciennes lois sur la libertĂ© de la presse dâEurope ;
– de prendre en compte lâimpĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© pour une dĂ©mocratie digne de ce nom dâassurer que lâaction de ses forces de lâordre pour la sĂ©curitĂ© de tous les citoyens, respecte les lois de la RĂ©publique, ainsi quâil est tout aussi nĂ©cessaire de permettre Ă tous les journalistes dâexercer pleinement le droit dâinformer, qui passe par lâobservation et lâĂ©valuation et de lâaction de ces forces de lâordre, afin dâĂ©viter toute impunitĂ©.
Le droit des citoyens Ă ĂȘtre informĂ©s ne peut sâaffranchir de la possibilitĂ© que les journalistes filment et diffusent lâaction des forces de lâordre.
DĂ©claration adoptĂ©e par lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la FEJ le 3 novembre 2020.
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Source: Acrimed.org