Le 21 juin 2022, vers 18h30, apreÌs maintes peÌripeÌties, jâarrive enfin au commissariat de Draveil (Essonne) pour eÌmarger une copie de mon sauf-conduit me permettant de quitter exceptionnellement mon lieu dâassignation aÌ reÌsidence afin de me rendre aÌ une convocation de la Cour dâAppel de Paris, le lendemain.
Jâai en effet saisi la Cour pour un releÌvement en IDTF (Interdiction DeÌfinitive du Territoire Français) et ma preÌsence est exigeÌe.
Pour respecter la seÌparation des pouvoirs, le secreÌtariat du MinisteÌre de lâInteÌrieur me deÌlivre donc un sauf-conduit. En revanche, il y met tellement de contraintes que la moindre incartade meÌme si elle nâest pas de mon fait serait perçue comme une insulte aÌ sa magnanimiteÌ.
Jâarrive donc ce mardi 21 juin vers 18h30 devant le blockhaus de beÌton faisant office de commissariat de police dans la commune voisine de celle ouÌ reÌsident mes parents, jâaurais duÌ me preÌsenter une premieÌre fois aÌ 15h00 mais le train entre Brive-La-Gaillarde et Paris Austerlitz a mis plus de 2 heures de retard car les cateÌnaires de la ligne eÌtaient prises dans des branchages arracheÌes par la tempeÌte de la veille dans la reÌgion.
Pour entrer dans le commissariat, il faut sonner aÌ lâinterphone aÌ lâexteÌrieur du baÌtiment. Un agent vous demande de vous identifier et donner la raison de votre appel. Au bout de plusieurs minutes, il se reÌsout enfin aÌ mâouvrir. Vous rentrez alors dans le sas ouÌ se trouve une minuscule feneÌtre en verre blindeÌ sous laquelle se trouve une trappe en forme de fente juste assez grande pour glisser une enveloppe. Un eÌcriteau vous indique dây faire passer votre pieÌce dâidentiteÌ. ApreÌs veÌrification, on vous ouvre la seconde porte du sas donnant sur une salle dâattente enserreÌe sur la gauche par un bocal dâaccueil aux coÌteÌs duquel deux portes blindeÌes sont burineÌes dans un mur de beÌton armeÌ aux finitions sommaires. Inutile de vous dire que lâatmospheÌre y est assez oppressante. La faible luminositeÌ finit par vous donner lâenvie dâen ressortir aussitoÌt entreÌ.
Je me preÌsente aÌ lâaccueil et la fonctionnaire de police commence par me faire remarquer que jâaurais duÌ me preÌsenter beaucoup plus toÌt. Je lui explique calmement que je viens de loin et que mon train a eu beaucoup de retard. Je lui fais remarquer que mes avocats ont pris immeÌdiatement attache avec le secreÌtariat geÌneÌral de la Place Beauvau pour lui signaler treÌs en amont, les causes de mon retard.
Sa bouche souligne dâun rictus interrogatif et moqueur le « mes avocats ». Que je viens de prononcer. Je lui reÌpeÌte : « Oui, mes avocats â car jâen ai plusieurs â ont pris contact avec le ministeÌre de lâInteÌrieur et je nây peux rien si votre ministeÌre de tutelle ne vous en a pas informeÌe. Sur ce, elle me reÌponds : « La moindre des politesses, câest de preÌvenir quand on sait que lâon va arriver en retard. » Je lui reÌtorque du tac au tac que je suis quelquâun de poli, que mes avocats ont fait le boulot et que ce nâest pas de ma faute si les services du ministeÌre sont deÌfaillants et ne lui ont pas transmis le renseignement. Ce nâest pas aÌ moi de pallier aÌ ses manquements.
AgaceÌe, elle me tend une copie du sauf-conduit que je prends le temps de lire pour eÌtre suÌr quâil sâagit bien du meÌme document que celui qui est en ma possession. Visiblement mon attitude la deÌrange au plus haut point, elle qui est certainement habitueÌe aÌ ce que la seule vue de son uniforme soit suffisant aÌ inspirer la deÌfeÌrence.
Alors que je suis encore en train de le lire, elle mâarrache le document des mains en mâintimant lâordre de le signer. Je la regarde droit dans les yeux et lui dit calmement quâelle peut garder le document car je ne le signerai pas parce que jâai pour habitude de ne signer que les documents que jâai entieÌrement lus. Elle prend cette attitude de ma part comme une deÌfiance aÌ son encontre et aÌ lâencontre de lâautoriteÌ quâelle est censeÌe incarner.
Elle repart avec le document apreÌs avoir inscrit en majuscule la mention ârefuse de signerâ tout en indiquant lâheure de preÌsentation que jâai aÌ peine le temps de veÌrifier, de visu.
Lorsquâelle revient, elle est encadreÌe dâun colosse mesurant aÌ peu preÌs ma taille mais faisant une fois et demi mon volume, arrivant triomphalement, ceint dâune ceinture sur laquelle se deÌtache un pistolet Taser. La volonteÌ deÌlibeÌreÌe dâintimidation et laÌ : cela se voit aÌ son regard et aÌ celui de son colleÌgue mi-flic mi-molosse, je finis pas repartir apreÌs avoir manqueÌ de reÌcupeÌrer mon autorisation provisoire de seÌjour faisant office de pieÌce dâidentiteÌ en claquant un sporadique : « Merci, bonne soireÌe. »
Ayant deÌjaÌ eu quelques deÌconvenues avec la fameuse police reÌpublicaine que le monde entier nous envie, je mâempresse de faire un tweet pour me proteÌger de tout mensonge et de toute manipulation en publiant une selfie horodateÌe teÌmoignant de mon passage au comico de Draveil. On nâest jamais trop suÌr !
Cette sceÌne que je viens de vous narrer, deviendra quelques semaines plus tard dans la prose du ministeÌre de lâInteÌrieur ceci :
Une carence de pointage, un refus dâeÌmargements, des comportements irrespectueux et provocateurs, une propension aÌ vous affranchir des obligations qui vous sont fixeÌes. En novlangue administrative cela signifie ceci :
- ReÌponse aÌ ma demande de sauf-conduit pour le festival ReÌsistances
Carence : incapaciteÌ aÌ faire face aÌ ses responsabiliteÌs. Exemple : la carence des pouvoirs publics (le Robert).
Refus dâeÌmargement : il nây a aucune obligation aÌ eÌmarger les documents de ce type. La mention « refuse de signer » suivie de la date et de lâheure est suffisante comme visa.
Irrespectueux : qui nâest pas respectueux. Synonyme : impertinent, insolent. Provocateur : personne qui provoque, incite aÌ la violence. Synonyme : agitateur.
Voici en quelques lignes reÌsumeÌ ce que beaucoup reprochent aÌ lâinstitution policieÌre. Biais de repreÌsentativiteÌ, illusion de correÌlation, effet de veÌriteÌ illusoire, erreur fondamentale dâattribution, exceÌs de confiance, effet Dunning-Kruger, effet de halo, biais de conformisme, biais de faux consensus, biais de favoritisme intra-groupe, biais de statu quo, biais dâomission, biais dâancrage. Tout y est.
Ces quelques lignes se retrouvent dans un document du ministeÌre de lâInteÌrieur en guise dâargumentaire pour justifier son refus de me deÌlivrer un sauf-conduit pour me rendre au festival ReÌsistances auquel je suis inviteÌ par la directrice du festival, en personne.
- Lettre dâinvitation de la directrice du festival ReÌsistances
Faire valoir mes droits â entre autres celui de ne pas signer un document que je nâai pas eu le temps de lire â ou refuser de donner des renseignements concernant ma famille (nâayant aucun rapport avec la mission confieÌe aÌ lâagente de police) constituent-ils un deÌlit dans un eÌtat de droit ?
Avoir des interactions, meÌme virtuelles, avec « des milieux ideÌologiques radicaux » eÌloigneÌs de surcroiÌt de mes convictions politico-religieuses supposeÌes, font-il de moi un individu reÌfractaire aÌ la loi et radicaliseÌ ?
Câest tout cela que le MinisteÌre de lâInteÌrieur insinue dans ce document. Et comme a lâaccoutumeÌe, une description non seulement partielle mais aussi partiale et diffamatoire des faits deviendra une veÌriteÌ au ministeÌre de la VeÌriteÌ auquel ressemble de plus en plus la Place Beauvau. Les ressorts meÌme du pouvoir exerceÌ par lâadministration en geÌneÌral et le ministeÌre de lâInteÌrieur en particulier sont aÌ questionner avec la plus grande rigueur lorsquâon reÌalise comment naiÌt un story telling sur un tel non-eÌveÌnement.
Le service juridique du ministeÌre de lâinteÌrieur et celui du gouvernement sâeÌchinent pourtant aÌ preÌsenter mon assignation aÌ reÌsidence comme une mesure restrictive et non privative de liberteÌ. Selon eux, ma reÌsidence surveilleÌe est une mesure administrative visant aÌ me garder aÌ disposition des forces de police en cas dâordonnance dâexpulsion du ministeÌre de lâInteÌrieur.
Par ailleurs, signer un document administratif a aÌ peu preÌs la meÌme valeur juridique que de refuser de lâeÌmarger. Cela ne constitue pas, bien entendu, un deÌlit dans un socieÌteÌ deÌmocratique. En retour, cela confine aÌ de la deÌfiance lorsque ce droit est exerceÌ par un olibrius comme moi. Ne pas signer un document avec lequel je ne suis pas dâaccord a pour moi une valeur symbolique et câest ce symbole qui est intoleÌrable pour les hauts-fonctionnaires qui geÌrent mon dossier depuis plus de 14 ans.
Je ne parle meÌme pas du fait que la Place Beauvau a outrepasseÌ les conditions de mon assignation aÌ reÌsidence en mâimposant 3 pointages quotidiens ce jour du 21 juin 2022 et non deux comme preÌvu depuis feÌvrier 2019.
Câest pour cela que je soutiens que ce sauf-conduit poursuivait un autre but que celui dâencadrer mes deÌplacements. Comment expliquer alors quâimmeÌdiatement apreÌs lâaudience, je nâai eu aucune obligation de me preÌsenter de nouveau aupreÌs dâun commissariat pour signaler ma preÌsence ?
Paradoxalement, câest seulement le lendemain de lâaudience, le 23 juin aÌ 9h00 que reprenaient aÌ Aurillac les mesures de surveillance et de controÌle comme vous pouvez le constater sur le document ci-dessous.
- 1eÌre page du sauf-conduit accordeÌ par le MinisteÌre de lâinteÌrieur pour me rendre aÌ lâaudience obligatoire de la Cour dâAppel de Paris.
Ce sauf-conduit visait avant tout aÌ exercer une pression avant lâaudience du 22 juin 2022 devant une formation sans doute moins acquise aux theÌses fumeuses du ministeÌre de lâinteÌrieur et du ministeÌre public. Cette interpreÌtation est dâautant plus creÌdible que ma femme a failli ne pas obtenir lâautorisation de sâabsenter aÌ son travail trois jours conseÌcutifs (neÌcessaires aÌ son deÌplacement).
Jâavais en effet saisi un huissier afin quâelle vienne teÌmoigner aÌ la barre â au grand dam du ministeÌre â de ce quâelle endure depuis 14 ans avec nos enfants.
Sun Tzu reÌsumait son Art de la guerre en eÌcrivant que « Tout lâart de la guerre est baseÌ sur la duperie. ». Dans cette guerre que me livre le ministeÌre de lâinteÌrieur depuis 171 mois, la duperie elle-meÌme sâest transformeÌ en art aÌ la fois baroque et surreÌaliste. Le ministeÌre dupera peut-eÌtre celles et ceux acquis aÌ sa cause mais eÌchouera de plus en plus aÌ illusionner le grand public.
Source: Lundi.am