« De telles listes sont dressĂ©es depuis les annĂ©es 1970. CompilĂ©es par plusieurs gĂ©nĂ©rations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et prĂ©sentent toutes le mĂȘme format, Ă la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis dâune ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement Ă en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment lâidĂ©e dâune injustice. Elles dĂ©noncent le racisme et lâimpunitĂ© du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais Ă©galement la grande majoritĂ© des procĂšs qui ont fini par des peines lĂ©gĂšres avec sursis ou des acquittements, quand ce nâest pas un non-lieu qui est venu clore lâaffaire.
Elles disent en substance que la racialisation,âautrement dit le fait de placer des personnes dans une catĂ©gorie raciale afin dâasseoir un rapport de pouvoir et dâen tirer profit, tue deux fois. La premiĂšre violence touche Ă lâintĂ©gritĂ© physique de la personne. La seconde violence a lieu Ă lâĂ©chelle institutionnelle. Elle est une consĂ©quence du traitement pĂ©nal qui ignore la nature raciste des crimes jugĂ©s. »
De la grande vague de violence de 1973 dans le sud de la France aux crimes policiers des annĂ©es 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les annĂ©es 1980, cet ouvrage, issu dâune base de donnĂ©es de plus de 700 cas, nous invite Ă prendre la mesure de cette histoire Ă lâheure oĂč le racisme institutionnel et lâaction de la police continuent chaque annĂ©e Ă ĂȘtre Ă lâorigine de nombreux morts.
Rachida Brahim est sociologue.
Source: Mars-infos.org