
George Schuyler est lâune des figures intellectuelles africaines-amĂ©ricaines les plus controversĂ©es du vingtiĂšme siĂšcle. Si la pensĂ©e politique de la diaspora noire se caractĂ©rise, au moins depuis le XIXe siĂšcle par une opposition entre tendances optimistes, tournĂ©es vers lâintĂ©gration aux sociĂ©tĂ©s majoritairement blanches, et tendances pessimistes, tournĂ©es vers lâautonomie des groupes dâascendance africaine, Schuyler incarnait un intĂ©grationnisme radical qui le plaçait en porte-Ă -faux vis-Ă -vis de la quasi-totalitĂ© de ses contemporains. Issu dâune famille de la bourgeoisie noire, il grandit Ă Syracuse, dans lâĂtat de New-York, au sein dâune communautĂ© oĂč les Noirs Ă©taient rares. Cette double inscription, gĂ©ographique et de classe, explique en partie ses options politiques et intellectuelles. Grandissant loin du sud sĂ©grĂ©guĂ©, dans un milieu Ă©conomiquement privilĂ©giĂ©, la conscience de Schuyler sâest fondĂ©e sur des expĂ©riences qui avaient bien peu en commun avec celles de la large masse des Noirs aux Ătats-Unis.
Au terme de ses Ă©tudes secondaires, faute de mieux, il sâengage dans lâarmĂ©e. Le jeune Schuyler passera ainsi lâessentiel des annĂ©es 1910 casernĂ© Ă Hawaii, mais sert briĂšvement en France lors de la premiĂšre guerre mondiale en qualitĂ© de premier lieutenant. Une fois dĂ©mobilisĂ©, il retourne sur la cote-est. Au dĂ©but des annĂ©es 1920 il adhĂšre au parti socialiste amĂ©ricain dont il deviendra mĂȘme un cadre local Ă Syracuse. Un an plus tard, il dĂ©mĂ©nage Ă New York City, oĂč il sâintĂ©resse briĂšvement Ă lâorganisation panafricaine radicale fondĂ©e par le jamaĂŻcain Marcus Garvey (1887-1940) : lâUNIA (Universal Negro Improvement Association). Les positions de lâorganisation, quâil perçoit comme un racisme et un chauvinisme noirs, le rĂ©vulsent. Il dĂ©crira au soir de sa vie Marcus Garvey comme un Hitler noir et, plus largement sây rĂ©fĂ©re tout au long de son Ćuvre comme Ă sa NĂ©mĂ©sis et son antithĂšse politique.
Au cours des annĂ©es 1920, Schuyler se fait journaliste. Ses Ă©ditoriaux pour lâhebdomadaire africain-amĂ©ricain The Pittsburgh Courrier en font rapidement lâune des figures intellectuelles noires singuliĂšres et reconnues de son temps. Au cĆur de lâenthousiasme avant-gardiste de la Harlem Renaissance et du New Negro, il se distingue par son talent de satiriste, son style sarcastique, mais aussi un scepticisme racial de plus en plus marquĂ© qui contraste avec lâair du temps. En 1926, dans un essai publiĂ© par le magazine progressiste The Nation il soutient la thĂšse iconoclaste selon laquelle il nây aurait, aux Ătats-Unis, aucun art noir. Rien, en effet, ne distingue Ă ses yeux lâart produit par les Noirs des crĂ©ations des autres Ă©tats-uniens. Sans surprise, ses positions lui sâattirant les foudres dâartistes africains-amĂ©ricains de renom tels que Langston Hughes (1902-1967).
Ce gout caractĂ©ristique du paradoxe et son rejet de tout idĂ©al de solidaritĂ© raciale sâalimentent rĂ©ciproquement tout au long de la carriĂšre littĂ©raire et journalistique de Schuyler, lâorientant toujours davantage vers des positions opposĂ©es aux aspirations de la vaste majoritĂ© des africains amĂ©ricains. « LâidĂ©ologie politique, Ă©conomique et raciale de Schuyler connut de considĂ©rables changements au cours des annĂ©es 1920 et 1930 ; autour de 1940, il sâĂ©tait fermement dĂ©cidĂ© pour une position rĂ©actionnaire classique [1]. » La pĂ©riode transitoire des annĂ©es 30, qui est celle de la rĂ©daction de LâInternationale Noire, est prĂ©cisĂ©ment celle qui nous importe. Il nâest dĂ©jĂ plus socialiste mais nâest pas encore lâarchi-conservateur, le polĂ©miste dâextrĂȘme-droite attaquant Martin Luther King, quâil sera dans la seconde moitiĂ© de sa carriĂšre. LâInternationale Noire sâapparente Ă une sublimation de tiraillements politiques, idĂ©ologiques et diplomatiques dont Schuyler Ă©tait non seulement un tĂ©moin averti, mais dont son esprit lui-mĂȘme, comme celui de tous les gens de lettres africains-amĂ©ricains de son temps, Ă©tait lâun des champs de bataille.
Au dĂ©but des annĂ©es 1930, Schuyler voyage au Liberia en sa qualitĂ© de journaliste. Son enthousiasme Ă lâidĂ©e de dĂ©couvrir un endroit du monde administrĂ© par un gouvernement noir vole en Ă©clats Ă la dĂ©couverte dâune Monrovia pauvre et sous-dĂ©veloppĂ©e [2]. Le pays sâoffre Ă ses yeux comme une vaste entreprise dâexploitation, voire dâesclavage, de Noirs par dâautres Noirs. Cette expĂ©rience renforce sa conviction de lâinanitĂ© de la catĂ©gorie de race et sa foi dans lâexemplaritĂ© de la dĂ©mocratie amĂ©ricaine, par contraste avec une Afrique brutale et arriĂ©rĂ©e. Ses sympathies socialistes rĂ©siduelles et ses derniĂšres miettes de croyance en sa solidaritĂ© noire nây rĂ©sistent pas ; dĂ©sormais, elles ne seront plus Ă ses yeux que des illusions Ă la fois risibles et dangereuses. Le premier pilier peut se rĂ©sumer en rappelant ce quâil Ă©crivait en 1930, dans les colonnes du mensuel American Mercury : « LâAframĂ©ricain [Aframerican] nâest quâun Anglo-Saxon au visage barbouillĂ© de charbon, chaque dĂ©tail de sa sociĂ©tĂ© est une rĂ©plique de la sociĂ©tĂ© blanche qui lâentoure [3]. » Dâun point de vue anthropologique, une telle vision du monde ne rĂ©siste pas Ă lâexamen. La structure familiale, la parlure, les traditions culinaires aussi bien que politiques africaines-amĂ©ricaines sont singuliĂšre et irrĂ©ductibles Ă celles des AmĂ©ricains dâorigine anglaise. Mais cette conviction, aussi fautive soit-elle, ne quittera jamais Schuyler et constitue lâarriĂšre-plan de lâensemble de son Ćuvre, romanesque aussi-bien que critique. Ă la meme pĂ©riode, lâinstrumentalisation par le Parti Communiste dâaffaires de discrimination nĂ©grophobes comme celle, tristement cĂ©lĂšbre, de Scottsboro lui donne le loisir dâexprimer une autre de ses convictions les plus profondes, le second pilier de sa pensĂ©e politique : son anticommunisme viscĂ©ral.
Le scepticisme racial de Schuyler se manifeste de façon Ă©clatante en 1934, Ă lâoccasion dâune querelle qui lâoppose au principal intellectuel africain-amĂ©ricain du vingtiĂšme siĂšcle : W.E.B. Du Bois (1868-1963). AprĂšs avoir longtemps dĂ©fendu une position intĂ©grationniste, ce dernier se rĂ©vĂšle, au dĂ©but des annĂ©es 1930, de plus en plus sceptique quant Ă la possibilitĂ© pour la sociĂ©tĂ© blanche de dĂ©passer son propre racisme et de tenir un jour les citoyens noirs pour des ĂȘtres humains Ă part entiĂšre. Dans un Ă©ditorial datĂ© de 1933, Du Bois invite les Noirs Ă une prise de conscience radicale : « Tout dâabord, il y a le fait que nous sommes toujours honteux de nous-mĂȘmes et que cette honte ne rencontre aucune objection lorsque nous voyons les blancs honteux de nous qualifier dâĂȘtres humains [4]. » Il tient les efforts dâintĂ©gration des Noirs pour vains et les invite dĂ©sormais Ă lâauto-organisation : Ă une sĂ©paration consentie, dans la perspective dâune politique de puissance centrĂ©e sur lâautonomie noire. Sâil fut autrefois ennemi dĂ©clarĂ© de Marcus Garvey, quâil accablait de son dĂ©dain aristocratique, Du Bois reconnait dĂ©sormais un lui un prĂ©curseur de sa nouvelle vision du monde.
Sâil nâavait jamais apprĂ©ciĂ© lâĆuvre et le militantisme de Du Bois, ce recalibrage de sa pensĂ©e, qui exalte dĂ©sormais le nationalisme et lâinternationalisme noirs, suscite lâire de Schuyler. « Contre toute alliance des âpersonnes de couleurs de nâimporte oĂčâ devant susciter un âpatriotisme racialâ et un âsĂ©paratisme de groupeâ au sein du pays, Schuyler propose le langage dâun nationalisme pragmatique et dĂ©racialisĂ© [5]. » Il tient les Ătats-Unis dâAmĂ©rique pour la seule et unique communautĂ© dâintĂ©rĂȘts viable pour les Noirs. « Sa propre interprĂ©tation de la race nâĂ©tait pas seulement que lâidentitĂ© nationale Ă©tait en capacitĂ© de subsumer lâidentitĂ© raciale comme toutes les autres, mais plutĂŽt que toutes les formes de subjectivitĂ© devaient ĂȘtre mises au second plan au profit de lâidentitĂ© nationale [6]. » Au fond, lâintĂ©grationnisme radical de Schuyler ressemble Ă sây mĂ©prendre au fĂ©tichisme de la laĂŻcitĂ© française, oĂč lâidentitĂ© nationale, maquillĂ©e en neutralitĂ©, devient un standard existentiel unique auquel chacun devrait se conformer.
Toutefois, la marche de lâhistoire ne tarde pas Ă mettre ces convictions nationalistes Ă lâĂ©preuve. Lâinvasion de lâĂthiopie par lâItalie mussolinienne provoque un Ă©moi dans lâensemble de lâAmĂ©rique noire comme aucun autre Ă©vĂ©nement de politique internationale avant lui. La presse et lâopinion publique africaine-amĂ©ricaines sont Ă©lectrisĂ©es par le sentiment panafricain et la fougue de lâinternationalisme noir â tant et si bien que mĂȘme Schuyler nây fait pas exception. Il partage la rĂ©vulsion des siens pour cette tentative de conquĂȘte au point dâenvisager de reprendre les armes et le treillis pour combattre le fascisme en Afrique, mais le gouvernement amĂ©ricain sâopposait aux entreprises de ce genre. Cependant, lâidĂ©e dâunitĂ© raciale nâest pas le premier motif de son investissement politique qui est essentiellement guidĂ© par un rejet radical du « collectivisme » que reprĂ©sentaient Ă ses yeux indiffĂ©remment le fascisme comme le communisme. Son anticolonialisme non conventionnel Ă©tait fondĂ© sur lâidĂ©e que la dĂ©mocratie amĂ©ricaine offrait un modĂšle de libertĂ© sociale et Ă©conomique universel quâil faudrait exporter en Afrique.
LâInternationale noire, parue sous forme de feuilleton dans le Pittsburgh Courrier entre 1936 et 1937, est le produit de cette conjoncture : tĂ©moignage Ă la fois de lâurgence de la lutte anticoloniale sincĂšrement Ă©prouvĂ©e par Schuyler, de la menace dâun fascisme europĂ©en quâil redoutait, de sa rĂ©pugnance viscĂ©rale pour la tradition radicale noire et, plus gĂ©nĂ©ralement, du vrombissement continu de lâensemble des tentations doctrinales contradictoires qui caractĂ©risait les annĂ©es 1930 dâun bout Ă lâautre du monde occidental. Lâouvrage de Schuyler est une incomparable chronique de lâĂ©tat de la pensĂ©e politique noire de lâentre-deux-guerres car il est lui-mĂȘme animĂ© de sentiments antinomiques quâil traduit dans la grammaire impeccable dâun roman dâaventures rocambolesque oĂč les Ă©lans dâanticipation trahissent la fascination de lâĂ©crivain pour toutes les avancĂ©es techniques de son siĂšcle.
Câest lâhistoire dâune conspiration. Carl Slater, jeune journaliste de Harlem, sorte de double romanesque de Schuyler, fait malencontreusement la rencontre du sinistre docteur Henry Belsidus qui va le prĂ©cipiter dans une tempĂȘte dâĂ©vĂ©nements de plus en plus troublants, vouĂ©s Ă transformer la donne gĂ©opolitique globale. Cette sorte de Fantomas noir, machinateur implacable mu par sa haine du monde blanc et lâambition de le mettre Ă genoux, est le hĂ©ros de lâhistoire. PartagĂ© entre son dĂ©sir de renaissance africaine et son effroi face aux mĂ©thodes impitoyables du docteur, Slater est davantage le chroniqueur et lâexĂ©cutant de ses projets quâun acteur de lâhistoire au sens plein du mot. Recourant Ă des moyens lĂ©gaux comme illĂ©gaux pour accumuler des fonds, manipulant autoritĂ©s et puissances gouvernementales au moyen de complots ourdis dans lâombre, mobilisant des technologies de pointe inconnues des occidentaux, le gĂ©nie du mal met en branle les moyens de la science, de la stratĂ©gie militaire aussi bien que de la tactique politique afin dâasservir lâunivers Ă sa volontĂ©.
Pour fantastique quâil soit, Belsidus nâest pas conçu par Schuyler comme une figure gĂ©nĂ©rique du mal, mais plutĂŽt comme une incarnation typiquement africaine-amĂ©ricaine qui ne vit que pour venger les violences abyssales de lâesclavage nĂ©grier, de la colonisation de lâAfrique ou des lynchages racistes : « Le Sud et ceux qui y rĂšgnent ne comprennent quâune seule chose : la force. Ce pays ne jure que par la violence. Câest pourquoi il nous faut rĂ©pliquer Ă la violence par la violence, aux flammes par les flammes, Ă la mort par la mort. Et de plus, nous devons leur faire connaitre les raisons. » (p. 93) Chacune de ses directives finit par sâĂ©garer dans la lisiĂšre de brume qui sĂ©pare la justice du crime. MalgrĂ© les envolĂ©es quâimpose le genre, on devine derriĂšre le panache irrĂ©el de ce Darth Vader de Harlem, des traits plus temporels et plus humains, qui rassemblent et poussent Ă leur paroxysme les caractĂ©ristiques du leadership noir de lâĂ©poque, que Schuyler connaissait par cĆur.
Belsidus est un mĂ©decin et un aventurier, comme le pĂšre du nationalisme noir Marcus Delany (1812-1985). Il est un polymathe et un intellectuel noir gĂ©nial au raffinement europĂ©en, Ă la façon de W.E.B. Du Bois. Et enfin, peut-ĂȘtre surtout, un autocrate charismatique dans le style de Marcus Garvey : un apĂŽtre exaltĂ© de la race noire capable de galvaniser, voire de fanatiser, nâimporte quelle audience noire. Schuyler fait de cette figure une interface oĂč il expose des interactions entre la pensĂ©e africaine-amĂ©ricaine et les radicalitĂ©s politiques typiques de lâentre-deux-guerres. Belsidus sâen explique dĂšs les premiĂšres pages du roman : « Au dĂ©part, on a pensĂ© que les chrĂ©tiens, les communistes, les fascistes et les nazis Ă©taient effrayants. Leur rĂ©ussite les a fait paraitre raisonnables. [âŠ] Jâai consacrĂ© ma vie, Slater, Ă dĂ©truire la suprĂ©matie mondiale des blancs. Mon idĂ©al et mon objectif sont, trĂšs honnĂȘtement, dâabattre les Caucasiens et de permettre aux peuples de couleur de se hisser Ă leur place. Je projette de le faire avec tous les moyens dont je dispose. » (p. 20) Le docteur est dâemblĂ©e prĂ©sentĂ© comme un homme dont la primordiale conviction est que tout projet politique est rĂ©alisable pour qui ne craint pas dâĂŽter la vie Ă quiconque y ferait obstacle.
Pour lâuniversitaire Mark Christian Thompson, Schuyler cherche Ă prendre ses lecteurs au piĂšge, Ă travers la sĂ©duction du discours de Belsidus, en suscitant en eux une attirance pour le fascisme quâil incarne [7]. Comme sâil sâagissait de dĂ©peindre le panafricanisme de Garvey aussi bien que celui de Du Bois en mussolinismes noirs, bien incapables de remĂ©dier Ă la dĂ©tresse de lâAfrique rĂ©vĂ©lĂ©e par la crise Ă©thiopienne autrement quâen empilant toujours davantage de cadavres. Le tour de force de Schuyler a Ă©tĂ© de modeler Belsidus en personnage certes excessif, indubitablement extrĂȘme, mais moins caricatural que profondĂ©ment Ă la ressemblance de son Ă©poque. Ainsi dĂ©crit-il une nouvelle religion adoptĂ©e par la conspiration pour fanatiser ses adeptes et couvrir ses activitĂ©s illĂ©gales : « Il va donner aux masses noires le genre de religion quâelles dĂ©sirent, mais nâont jamais pu avoir. Musique et danse, pas de quĂȘte, beaucoup de cĂ©rĂ©monies, en rester Ă des considĂ©rations terrestres, avec suffisamment de sexe pour rendre tout ça intĂ©ressant. Ils peuvent venir ici et obtenir tout ce quâil leur faut. » (p. 81) En rĂ©alitĂ©, Schuyler illustre avec ce culte une fusion typiquement fasciste dâesthĂ©tique affectĂ©e, dâextase collective et dâendoctrinement littĂ©ralement narcotique, satire palpable de lâusage de lâĂglise noire par Marcus Garvey. Tout au long du roman, Schuyler combine la grandiloquence de lâesthĂ©tique fasciste des annĂ©es 1930 avec lâavant-gardisme de la Harlem Renaissance au service de lâunivers impossible, aussi Ă©poustouflant que redoutable, quâil construit Ă©pisode aprĂšs Ă©pisode.
Aux yeux de lâĂ©crivain africain-amĂ©ricain Claude McKay (1890-1948), Schuyler Ă©tait « le partisan suprĂȘme de la passivitĂ© des Oncle Tom [8] ». Un Oncle Tom, au sens politique confĂ©rĂ© Ă ce terme par les McKay, Malcolm X ou AimĂ© CĂ©saire, Schuyler lâĂ©tait presque intĂ©gralement. Cependant, cette Internationale Noire est la preuve que cette sorte de servilitĂ© nâest pas toujours incompatible avec lâintelligence, le discernement, voire le gĂ©nie. Sa haine de la tradition radicale noire nâa pas empĂȘchĂ© George Schuyler dâen contempler, avec davantage de sagacitĂ© que nombre de ses contemporains, lâune des Ăąmes : cette indispensable face sombre, cette inĂ©puisable haine dâun ordre dâoppression, de lâindigne et de la dĂ©shumanisation. Son rĂ©cit nous met face Ă notre jubilation interdite Ă la lecture des cruelles tirades du docteur Belsidus. Car, tout comme lui, en dĂ©pit de toute morale, ignorant consciemment lâappel de notre sens Ă©thique, nous contemplons lâinexorable marche du monde et nous surprenons encore Ă rĂȘver de destructions immenses.
George S. Schuyler, LâInternationale Noire, trad. Julien Guazzini, Ăditions Sans Soleil, 2022.
Source: Lundi.am