Les luttes sociales restent centrales, comme le montre la rĂ©volte des Gilets jaunes. Mais il semble Ă©galement important de revenir sur la pĂ©riode de la contestation des annĂ©es 1968 pour ouvrir des perspectives stratĂ©giques. Un changement dans la maniĂšre de penser et de dĂ©velopper la lutte des classes sâamorce. Les rĂ©voltes des annĂ©es 1968 se diffusent dans de nombreux pays. Elles apparaissent comme des formes dâauto-Ă©mancipation du prolĂ©tariat.
Durant le mouvement des Gilets jaunes, les syndicats et les partis de gauche ont paru inaudibles. La gauche nâa plus de programme, de stratĂ©gie et de perspective de lutte. Pourtant, les Gilets jaunes insistent sur les revendications sociales et dĂ©mocratiques. Pierre Cours-Salies propose de relier ces deux moments de rĂ©volte dans son livre A la prochaine⊠De Mai 68 aux Gilets jaunes.
Luttes des années 1968
La rĂ©volte mondiale des annĂ©es 1968 se propage au Japon, en Europe, en Egypte, au SĂ©nĂ©gal et en Afrique, en AmĂ©rique latine et au Mexique. Les Etats-Unis, Ă©picentre du capitalisme, symbolisent cette contestation. Lâopposition Ă la guerre du Vietnam et les luttes afro-amĂ©ricaines secouent la vieille puissance. En 1965 Ă©clatent les Ă©meutes de Watts. Les ghettos noirs sâorganisent Ă travers les Black Panthers. La jeunesse se tourne vers une Nouvelle Gauche qui tente de relier les diverses luttes avec des aspirations anti-autoritaires. En Europe, le Mai français et le « Mai rampant » italien menacent la sociĂ©tĂ© capitaliste. La rĂ©volution portugaise de 1974 sâinscrit dans ce cycle de lutte.
En France, la rĂ©volte de Mai 68 rĂ©vĂšle une potentialitĂ© rĂ©volutionnaire. LâEtat gaulliste a bien faillit sâeffondrer. NĂ©anmoins, les militants trotskistes, comme le thĂ©oricien Daniel BensaĂŻd, relativisent lâimportance de ce mouvement. Les militants rĂ©volutionnaires ne sont pas suffisamment implantĂ©s dans les usines pour permettre un basculement selon cette logique avant-gardiste. Au contraire, câest une rĂ©volte spontanĂ©e qui Ă©clate. La nuit des barricades dĂ©bouche vers une importante vague de grĂšves. NĂ©anmoins, le Parti communiste refuse de prendre le pouvoir dans un contexte de rĂ©volte. Respectueux des rĂšgles institutionnelles, le PCF attend les Ă©lections pour accĂ©der au pouvoir. Pierre MendĂšs-France, soutenu par le PSU et la CFDT, refuse Ă©galement de prendre la tĂȘte dâun gouvernement provisoire.
Les partis politiques et les syndicats permettent un retour Ă la vie politique institutionnelle. Les accords de Matignon proposent dâimportantes avancĂ©es sociales et favorisent la reprise du travail. Le PS et le PCF Ă©laborent un programme commun Ă partir de 1972. Les socialistes rĂ©cupĂšrent les thĂ©matiques autogestionnaires issues de Mai 68. En 1974, la CGT et la CFDT scellent un accord au nom de lâunitĂ© syndicale. Ce qui doit renforcer lâencadrement et le contrĂŽle des luttes ouvriĂšres. « Tous les mouvements sociaux qui reprĂ©sentent une dynamique non disciplinĂ©e au dĂ©part sont des dangers pour les appareils qui ont Ă©tĂ© dĂ©bordĂ©s en Mai », observe Pierre Cours-Salies.
Si le PCF et François Mitterrand attendent les Ă©lections de 1972 pour accĂ©der au pourvoir, le PSU et les gauchistes entendent surfer sur la vague contestataire. Mai 68 ouvre de nouvelles possibilitĂ©s. « En Mai, ceux qui se rĂ©clamant dâoptions rĂ©volutionnaires et autogestionnaires se sentent au cĆur de lâĂ©vĂ©nement et la plupart des militant.e.s nâavaient mĂȘme jamais imaginĂ© une telle situation. Cela oriente une lecture critique », rappelle Pierre Cours-Salies.
Le mouvement du 22 mars ouvre une dynamique de lutte Ă Nanterre avant de participer Ă la nuit des barricades. La libĂ©ration des prisonniers et la rĂ©ouverture de la Sorbonne restent les revendications immĂ©diates. Le mouvement du 22 mars entend dĂ©passer les querelles entre groupuscules Ă travers des pratiques de lutte. « Seule lâaction permet de dĂ©passer les oppositions de chapelle. Elle est elle-mĂȘme un moyen de mobilisation et engendre lâaction », souligne Daniel Cohn-Bendit. Les Ă©tudiants et les travailleurs se rejoignent dans la lutte. La grĂšve se gĂ©nĂ©ralise.
Le 13 mai, la CGT appelle Ă une grande manifestation. La CFDT et le PSU insistent sur lâautogestion des luttes et les comitĂ©s de grĂšve. Ils organisent le meeting de CharlĂ©ty pour lancer la possibilitĂ© de Pierre MendĂšs-France Ă la tĂȘte dâun gouvernement transitoire. Mais le politicien ne veut pas retourner Ă la tĂȘte de lâEtat. Le PSU refuse de se joindre Ă la manifestation du 29 mai lancĂ©e par la CGT. Le PSU ne veut pas sâassocier aux staliniens. Surtout, les partis et les syndicats sont perçus comme des rĂ©cupĂ©rateurs dâun mouvement spontanĂ© dont ils ne sont pas Ă lâorigine.
Les luttes ouvriĂšres se multiplient dans le sillage de Mai 68. Des grĂšves Ă©clatent dans lâindustrie automobile. Les travailleurs immigrĂ©s deviennent une importante force sociale. LâautoritĂ© des contremaĂźtres et lâusure du travail sont remises en cause. « On produit, on vend, on se paie », devient le slogan de la lutte de Lip. Les ouvriers occupent lâusine pour protester contre sa fermeture. Surtout, ils vendent le stock de marchandises. Cette lutte devient emblĂ©matique. La CFDT impulse des comitĂ©s de grĂšve autonome et favorise lâauto-organisation dans de nombreux conflits sociaux.
De nouveaux mouvements de lutte se dĂ©veloppent dans les annĂ©es 1968. Le MLF et le MLAC incarnent le renouveau du fĂ©minisme. La lutte pour lâavortement insiste sur la libertĂ© des corps. Des pratiques illĂ©gales se multiplient pour dĂ©boucher vers une lĂ©galisation de lâavortement. Les luttes de lâimmigration se dĂ©veloppent Ă©galement durant les annĂ©es 1968. Des grĂšves de loyer Ă©clatent dans les foyers Sonacotra. Ensuite, des luttes sâorganisent dans les usines, notamment contre les cadences. La CGT dĂ©laisse cette fraction du prolĂ©tariat. En revanche, les maoĂŻstes dĂ©cident de se tourner vers cette population. Mais les luttes de lâimmigration sâattachent Ă se construire de maniĂšre autonome.
Mais câest une logique dâinstitutionnalisation qui sâimpose. Une partie de la CFDT rallie le PS au cours des « Assises du socialisme » de 1974. Câest ce qui dĂ©bouche vers la « deuxiĂšme gauche » proche de Michel Rocard. Les groupuscules gauchistes sont traversĂ©s par des scissions. Ils ne parviennent pas Ă sâorganiser pour impulser une force issue des luttes sociales. Ce sont alors uniquement les Ă©lections qui doivent permettre de « changer la vie ».
Irruption des Gilets jaunes
La contestation des annĂ©es 1968 attaque lâautoritĂ© et le travail. Le combat politique remet en cause lâexploitation, lâoppression et lâensemble des rapports de domination dans la sociĂ©tĂ©. Mais cet hĂ©ritage doit Ă©galement nourrir les luttes Ă venir. Le mouvement des Gilets jaunes ouvre une nouvelle brĂšche. Mais il semble important de discuter de perspectives stratĂ©giques, Ă travers des objectifs et des pratiques en commun. Une « rĂ©volution dĂ©mocratique » doit passer par une propriĂ©tĂ© sociale des biens communs et par lâautogestion.
Tout comme la grĂšve de masse de 1968, le mouvement des Gilets jaunes apparaĂźt comme un surgissement spontanĂ© et imprĂ©visible. Les partis de gauche sont Ă©galement surpris et pris de court. « Si lâĂ©vĂ©nement a Ă©branlĂ© les institutions, il a aussi mis Ă dĂ©couvert la situation des forces “de la gauche”, les syndicats et peut-ĂȘtre surtout les organisations politiques », admet Pierre Cours-Salies. Le mouvement semble porter des thĂ©matiques de droite sur les rĂ©seaux sociaux, comme la critique de la limitation de vitesse sur la route ou des taxes sur le carburant. Mais, dĂšs novembre 2018, ce sont des exploitĂ©s qui sâorganisent.
Des salariĂ©es de lâaide Ă domicile, des caissiĂšres, des intĂ©rimaires, des chĂŽmeurs, des retraitĂ©s, des « auto-entrepreneurs », des employĂ©s de petites entreprises se retrouvent sur les pĂ©ages et les ronds-points. Ce sont des personnes peu politisĂ©es qui se mobilisent trĂšs rarement et se mĂ©fient des syndicats. Mais la vieille gauche continue de mĂ©priser un mouvement jugĂ© « interclassiste », voire poujadiste et facilement rĂ©cupĂ©rable par lâextrĂȘme-droite. Des dĂ©bats vifs traversent le petit milieu intellectuel. MĂȘme si des tribunes et les interventions de figures de la gauche comme lâhistorien GĂ©rard Noiriel ou le journaliste Edwy Plenel assument un soutien aux Gilets jaunes.
La composition sociale du mouvement diffĂšre de celle de la gauche traditionnelle. Les cadres sont particuliĂšrement peu prĂ©sents. Un enquĂȘte montre que les classes dâĂąge les plus mobilisĂ©es sont les 35-49 ans et les 50-64 ans. Le BEP et le CAP sont les diplĂŽmes les plus reprĂ©sentĂ©s (35%). Les diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur (20%) sont moins prĂ©sents que dans le reste de la population. Le revenu moyen du foyer reprĂ©sente 1700 euros par mois. Les femmes (45%) semblent un peu moins nombreuses que les hommes mais restent particuliĂšrement actives. Elles gĂšrent les caisses de solidaritĂ© et mĂšnent des actions. Les classes populaires, employĂ©s et ouvriers, sont les plus prĂ©sentes sur les barrages. Les salariĂ©s qui se mobilisent nâont pas les moyens de se mettre en grĂšve. Leurs revenus sont trop faibles ou ils ont dĂ©jĂ participĂ© Ă une lutte qui a Ă©chouĂ©. Lâaction collective ne sâorganise plus sur les lieux de travail. Ensuite, ce sont des salariĂ©s de petites entreprises dans lesquelles la sĂ©curitĂ© de lâemploi est plus faible.
La gauche rĂ©vĂšle son incomprĂ©hension Ă lâĂ©gard du mouvement des Gilets jaunes. Les partis et les syndicats soutiennent tardivement le mouvement. Mais câest pour tenter de le rĂ©cupĂ©rer. Ils insistent avant tout sur les revendications qui se rapprochent de celles de leurs programmes pĂ©rimĂ©s. Mais ils refusent de se plonger dans cette nouvelle dynamique de lutte. « On peut penser quâil y a lĂ une distorsion culturelle et voir combien lâhabitude dâappeler Ă voter dans les institutions rend impermĂ©able Ă une nouvelle demande de discussion », observe Pierre Cours-Salies.
De nouvelles formes de lutte se dĂ©veloppent, comme les mouvements Occupy ou encore Nuit debout. Ces nouvelles luttes insistent sur la critique de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative et des Ă©lites politiques. La revendication du RIC entend rĂ©pondre Ă cette dĂ©fiance Ă lâĂ©gard de la classe politique pour introduire davantage de participation Ă la prise de dĂ©cision. Mais le dispositif du « Grand dĂ©bat » permet au contraire une confiscation de la parole par la classe dirigeante. « Cette exigence de rupture avec les discussions trop pressĂ©es contre lâĂ©litisme ne peut se contenter dâun bricolage ; une volontĂ© de changer les rapports de pouvoir passe par le souci de crĂ©er des formes de discussion oĂč la parole puisse circuler », estime Pierre Cours-Salies.
De nouvelles formes de luttes se multiplient. Le dĂ©sastre Ă©cologique mais aussi les questions liĂ©es Ă lâintersectionnalitĂ© deviennent plus importantes. Mais la lutte des classes reste une grille dâanalyse centrale, sans se rĂ©duire Ă la dimension Ă©conomique. « RĂ©affirmer la perspective dâune classe en lutte pour lâĂ©mancipation collective nâest en rien sâenfermer dans un concept dĂ©sincarnĂ©. Toutes les luttes (sociales, Ă©cologiques, antiracistes, dĂ©mocratiques, culturelles, fĂ©ministes, etc.), dâune façon ou dâune autre, mettent en mouvement les contradictions de la classe dominante », souligne Pierre Cours-Salies.
Les mouvements sociaux qui se contentent dâune posture dĂ©fensive face aux attaques du gouvernement qui menacent « les acquis sociaux » rĂ©vĂšlent leur limite. Cette dĂ©marche dĂ©bouche vers des discussions autour dâamĂ©nagements morcelĂ©s. Les Ă©checs de ces luttes dĂ©bouchent vers le dĂ©couragement pour conduire vers des solutions plus modĂ©rĂ©es. Mais il semble Ă©galement important dâĂ©viter le piĂšge du localisme, dĂ©fendu par Laurent Jeanpierre, qui sâenthousiasme pour des expĂ©riences alternatives mais laisse la gestion du capital aux mains de la bourgeoisie. Un projet global peut sâarticuler autour de lâautogestion qui permet une appropriation collective et dĂ©mocratique des moyens de production. Lâautogestion permet la discussion autour dâun autre projet de sociĂ©tĂ©. « Elle lâĂ©tait avec ses dimensions insĂ©parables : la propriĂ©tĂ©, le temps libĂ©rĂ©, le droit Ă lâinventivitĂ© », prĂ©cise Pierre Cours-Salies.
Limites de la gauche autogestionnaire
Pierre Cours-Salies propose une solide rĂ©flexion politique. PlutĂŽt que de vĂ©gĂ©ter dans lâabstraction thĂ©orique, il sâappuie sur deux grands mouvements de lutte. Il relie Mai 68 et les Gilets jaunes. Ces deux moments incarnent la rĂ©volte spontanĂ©e du prolĂ©tariat. Les partis et les syndicats sont alors dĂ©bordĂ©s. Mais ces mouvements ne parviennent pas Ă ouvrir de nouvelles perspectives politiques.
Pierre Cours-Salies sâinscrit dans la tradition respectable du socialisme autogestionnaire. Ce courant est portĂ© par la CFDT des annĂ©es 1968. Il parvient Ă relier le PSU et la LCR et semble perdurer dans le groupuscule Ensemble !, proche de la France insoumise. Mais Pierre Cours-Salies tient Ă se dĂ©marquer des travers du populisme de gauche qui reste focalisĂ© sur les Ă©lections et les institutions. Il insiste sur lâimportance des mouvements sociaux pour transformer la sociĂ©tĂ©. Il se dĂ©marque Ă©galement des travers de la gauche postmoderne. Il critique lâalternativisme et tient Ă rĂ©affirmer la dimension centrale de la luttes des classes sans pour autant faire passer au second plan les diverses formes dâoppression.
Mais le socialisme autogestionnaire de Pierre Cours-Salies repose Ă©galement sur une certaine confusion thĂ©orique. Il se rĂ©fĂšre souvent Ă des auteurs qui incarnent une tradition plutĂŽt libertaire du marxisme comme Pierre Naville, Henri Lefebvre, AndrĂ© Gorz ou encore Rosa Luxemburg. Mais il se rĂ©fĂšre Ă©galement Ă des crapules politiciennes comme Salvador Allende ou mĂȘme Bernie Sanders. Surtout, ce socialisme autogestionnaire incarnĂ© par le PSU et la CFDT des annĂ©es 1968 sâapparente Ă un rĂ©formisme radical. Un programme de rĂ©formes sociales et dĂ©mocratiques est mis en avant, davantage quâun objectif de rupture rĂ©volutionnaire. Ce rĂ©formisme radical valorise une autogestion du capital sans insister sur lâabolition des rapports sociaux capitalistes, du travail, de la marchandise et de lâEtat. Ce socialisme autogestionnaire maintient lâillusion dâune meilleure gestion de la sociĂ©tĂ© capitaliste.
Pierre Cours-Salies Ă©voque dâailleurs les limites de cette mouvance au cĆur de lâaction en Mai 68. Le PSU et la CFDT nâont rien dâautre Ă proposer quâun gouvernement de transition pilotĂ© par Pierre-MendĂšs-France. On est loin dâune perspective de rupture rĂ©volutionnaire. Les luttes sociales doivent se contenter de peser sur les institutions. Mais la transformation de la sociĂ©tĂ© reste orchestrĂ©e depuis le sommet de lâEtat. Pierre Cours-Salies reste dans lâillusion assez aberrante quâun gouvernement dirigĂ© par Pierre MendĂšs-France aurait permis un changement social et politique. On ne refait pas le passĂ©, mais ça reste difficile dây croire. Cette perspective de “double pouvoir” semble peu ragoutante.
Pierre Cours-Salies alterne entre rĂ©formisme et rĂ©volution dans ces analyses. Il peut se contenter dâune banale critique des 1% et de lâoligarchie. Il propose une dĂ©mocratie participative avec le RIC et autres blagues citoyennistes. Dâun autre cĂŽtĂ©, il insiste sur les limites des luttes dĂ©fensives et Ă©voque lâappropriation des moyens de production. Cette confusion semble liĂ©e Ă la tradition trotskiste, aussi minoritaire quâincomprĂ©hensible. Ce courant se prĂ©tend rĂ©volutionnaire mais ne cesse dâavancer un programme de transition avec des rĂ©formes plus ou moins radicales. Cette posture oscille entre la proposition dâun amĂ©nagement de lâexploitation capitaliste et une surenchĂšre verbale censĂ©e pousser Ă la rĂ©volution. Bref, personne nây a jamais rien compris. Cette approche manque trop de cohĂ©rence et de clartĂ© pour sâĂ©largir au-delĂ de quelques cercles intellectuels.
Pierre Cours-Salies adresse de bonnes critiques Ă la gauche, comme son nationalisme ou sa focalisation sur les Ă©lections. Mais il reste attachĂ© au mythe de lâunion de la gauche autour dâun programme commun. Cette approche vieillotte semble dĂ©connectĂ©e des luttes actuelles. LâĂ©vocation des Gilets jaunes par Pierre Cours-Salies rĂ©vĂšle ce dĂ©calage. Certes, il a le mĂ©rite de valoriser lâoriginalitĂ© dâun mouvement longtemps boudĂ© par la vieille gauche. Mais il insiste davantage sur le discours des Gilets jaunes plutĂŽt que sur leurs pratiques de lutte. Les programmes et cahiers de dolĂ©ances des Gilets jaunes sont pourtant aussi creux et inintĂ©ressants que ce que peut pondre la gauche depuis 30 ans. Ils ne font dâailleurs que reprendre les vieilles recettes de la gauche du capital qui veut amĂ©nager lâexploitation capitaliste.
Mais Pierre Cours-Salies Ă©voque peu les pratiques de lutte des Gilets jaunes et leur dĂ©marche politique originelle. Ce mouvement ne se regroupe pas autour dâun programme ou dâune idĂ©ologie. Câest une rĂ©volte spontanĂ©e avec des prolĂ©taires qui se retrouvent avant tout dans lâaction directe. Ce sont les occupations des pĂ©ages et des ronds-points qui fondent ce mouvement, et non pas les catalogues revendicatifs et autres manipulations grossiĂšres de lâextrĂȘme-gauche. Ce nâest pas un programme qui peut construire un mouvement rĂ©volutionnaire. Câest lâaction directe et lâauto-organisation des exploitĂ©s qui peut ouvrir des perspectives de rĂ©organisation de la sociĂ©tĂ©. Les syndicats et partis de gauche sont Ă jeter et ne servent Ă rien. Ce sont des luttes autonomes qui doivent permettre aux prolĂ©taires de sâorganiser, dâagir, de rĂ©flĂ©chir et de dĂ©cider collectivement pour penser un vĂ©ritable projet de rupture rĂ©volutionnaire.
Source : Pierre Cours-Salies, A la prochaine⊠De Mai 68 aux Gilets jaunes, Syllepse, 2019
Extrait publié sur le site Entre les lignes, entre les mots
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VidĂ©o : A la prochaine ! de mai 68 aux gilets jaunes, la soirĂ©e en vidĂ©o, dĂ©bat diffusĂ© sur le site de l’Institut tribune socialiste et enregistrĂ© le 16 janvier 2020
Vidéo : Pierre Cours-Salies, Le pouvoir était il à prendre en Mai 68 ?, débat mis en ligne sur le site du Maltais rouge le 9 mai 2018
Alain Bihr, Livre-dĂ©bat: « A la prochaine: De Mai 68 aux Gilets jaunes », publiĂ© sur le site A l’encontre le 24 dĂ©cembre 2019
BĂ©nedicte Goussault, A La ProchaineâŠ, publiĂ© sur le site Cerises, la coopĂ©rative le 7 fĂ©vrier 2020
Pierre Cours-Salies, Esprit de suite et ouverture au prĂ©sentâŠ, publiĂ© sur le site Cerises, la coopĂ©rative le 13 mars 2020
Pierre Cours-Salies, Parmi les Gilets jaunes. Justice et respect, un beau livre, publié sur le site de la revue Contretemps le 13 février 2020
Pierre Cours-Salies, France-dĂ©bat. Une mobilisation, la comprendre et lâaider Ă gagner, publiĂ© sur le site A l’encontre le 6 fĂ©vrier 2020
Pierre Cours-Salies, CFDT : les années 68, publié sur le site Syndicollectif le 17 février 2014
Pierre Cours-Salies, Autant débattre avec précision !, publié sur le site Ensemble ! Montreuil le 15 mars 2016
Pierre Cours-Salies, Aguirre : l’Ă©mancipation pour se dĂ©barrasser du capitalisme, publiĂ© sur le site de l’Association autogestion le 9 octobre 2011
Pierre Cours-Salies, Au PCF, le dĂ©bat stratĂ©gique se poursuit…, publiĂ© sur le site Presse toi Ă gauche ! le 17 mai 2016
Articles de Pierre Cours-Salies publiés sur le site des Communistes unitaires
Articles de Pierre Cours-Salies publiés sur le site de la revue Multitudes
Le blog de Pierre Cours-Salies sur Mediapart
Le blog de Pierre CS Montreuil sur le site d’Ensemble !
Source: Zones-subversives.com