Dans leur livre dâentretiens croisĂ©s DĂ©faire le racisme, affronter le fascisme (La Dispute, coll. « Entretiens », 2022), Ugo Palheta et Omar Slaouti proposent de rendre accessibles au plus grand nombre les expĂ©riences et outils, acadĂ©miques et militants, issus des luttes antiracistes et antifascistes passĂ©es et en cours. Nous publions ici une section du premier entretien, intitulĂ© « Islamophobie, fascisation, racisation », dans lequel les auteurs analysent certaines des spĂ©cificitĂ©s de lâislamophobie en France, dĂ©finissent des concepts tels que la fascisation et le racisme institutionnel, puis discutent du rapport entre les luttes antifascistes et antiracistes.
La Dispute â Pouvez-vous en dire plus sur cette spĂ©cificitĂ© de lâislamophobie en France ?
Omar Slaouti â Quand on parle de racisme, il faut en souligner les dĂ©clinaisons. Lâantitsiganisme, le racisme antiasiatique, en particulier dans cette pĂ©riode de Covid, la nĂ©grophobie et lâislamophobie nâont pas les mĂȘmes ressorts et, en fonction des contextes, certains sont plus activĂ©s que dâautres, sans que cela signifie quâil y ait de concurrence ou de compĂ©tition entre les uns et les autres du point de vue des racisé·e·s dâen bas. Sâagissant de lâislamophobie [âŠ], il y a quand mĂȘme des spĂ©cificitĂ©s françaises: Ă lâĂ©tranger, on ne comprend pas ce qui se passe en France, sur la question de lâislam et de lâislamophobie en particulier. Et ce nâest pas non plus sans lien avec la dimension impĂ©rialiste Ă©voquĂ©e et avec la dimension coloniale que souligne SaĂŻd Bouamama dans son dernier livre[1] ou quâOlivier Le Cour Grandmaison traite dans lâun de ses ouvrages[2] : la France a une histoire coloniale dont elle ne se dĂ©fait pas et qui continue Ă la structurer. Des Ă©vĂ©nements comme les 4 000 perquisitions organisĂ©es pendant lâĂ©tat dâurgence ou les dĂ©clarations de Darmanin expliquant quâil Ă©tait temps de donner des signaux aux musulman·e·s mĂȘme sâils et elles ne sont pas impliqué·e·s dans des actions terroristes ne sont Ă©videmment pas sans lien avec la pĂ©nĂ©tration et lâappropriation des sphĂšres privĂ©es et des corps pendant les pĂ©riodes coloniales.
Il y a eu pendant un moment chez beaucoup de musulman·e·s, ce que je nomme le « syndrome de la porte cassĂ©e». On pouvait se sentir visĂ©, pour nâimporte quoi, une sensation de terreur en habitait quelques-un·e·s juste parce quâils et elles sont musulman·e·s. De lĂ -haut, on sentait quâils nous convoquaient. « Au nom du fĂ©minisme, on tâempĂȘchera de te vĂȘtir comme tu veux » : on dĂ©bat du port du foulard partout, mais sans les premiĂšres concernĂ©es. Au nom de la libertĂ© dâexpression, on est capable de fermer une maison dâĂ©dition. Au nom de la laĂŻcitĂ©, on pĂ©nĂštre lâorganisation du culte musulman et Ă©dicte une Charte des principes de lâislam que doivent ratifier les imams et les organisations cultuelles, et oĂč il est prĂ©cisĂ© (article 9 de la Charte) :
« Les actes antimusulmans sont lâĆuvre dâune minoritĂ© extrĂ©miste qui ne saurait ĂȘtre confondue ni avec lâĂtat ni avec le peuple français. DĂšs lors, les dĂ©nonciations dâun prĂ©tendu racisme dâĂtat, comme toutes les postures victimaires, relĂšvent de la diffamation. Elles nourrissent et exacerbent Ă la fois la haine antimusulmane et la haine de la France. »
On a lĂ une dĂ©clinaison parfaite dâune injonction islamophobe dâĂtat. Enfin, au nom de la lutte contre le racisme, on dissout des associations qui luttent contre le racisme, en particulier si le racisme combattu est prĂ©cisĂ©ment lâislamophobie. La Coordination contre le racisme et lâislamophobie (CRI) a Ă©tĂ© dissoute en octobre 2021 : les motivations avancĂ©es pour justifier cette dissolution â et câest la mĂȘme excuse qui est utilisĂ©e dans le cas du CCIF, soit la plus grosse association antiraciste de France et mĂȘme dâEurope en nombre dâadhĂ©rents â pointent en particulier le fait que la CRI dĂ©nonce lâislamophobie en France.
La spĂ©cificitĂ© de cette islamophobie en France tient dĂ©jĂ Ă sa matrice coloniale. Si on prend Ă nouveau lâexemple du port du foulard, pendant que les militaires Bugeaud et Massu Ă©taient en train de torturer et dâassassiner, leurs Ă©pouses respectives convoquaient le 16 mai 1958 une douzaine de femmes algĂ©riennes « afin dâĆuvrer Ă lâunion des cĆurs» et provoquaient cette sĂ©ance du dĂ©voilement, au nom de la libĂ©ration de la femme musulmane et de la mission civilisatrice. Des images de ces « cĂ©rĂ©monies» circulent. LâidĂ©e aussi selon laquelle lâislam est une religion qui, intrinsĂšque ment, est potentiellement dangereuse et signe dâune infĂ©rioritĂ© civilisationnelle relĂšve de lâislamophobie savante dans la IIIe RĂ©publique. DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, la religion musulmane Ă©tait perçue et construite comme un frein Ă lâexpansion coloniale de la France, donc il fallait lâoccidentaliser et, aujourdâhui encore, cette religion est montrĂ©e comme barbare et sâopposant au progrĂšs et Ă lâĂ©mancipation, contrairement bien entendu aux « valeurs judĂ©o-chrĂ©tiennes» blanches â dâoĂč cet « islam de France» qui sâoppose Ă lâ«islam en France». Câest prĂ©cisĂ©ment par cette construction essentialisĂ©e et stigmatisĂ©e de lâislam que sâopĂšre sa racialisation et que son traitement politique relĂšve de la politique de la race.
Dans ce contexte, lâune des prioritĂ©s serait de dĂ©noncer cette islamophobie dâĂtat qui dissout ou menace nos structures cultuelles et nos solidaritĂ©s organiques, et qui fait de nous des ennemis de lâintĂ©rieur avec la loi sur le sĂ©paratisme. Au lieu de ça, les organisations qui luttent contre lâislamophobie ont Ă©tĂ© isolĂ©es, lĂąchĂ©es par un grand nombre dâorganisations qui habituellement se mobilisent contre toutes les discriminations. Les cadres dâorganisation des manifestations massives contre la loi « sĂ©curitĂ© globale» nâont pas souhaitĂ© mobiliser avec la mĂȘme ardeur contre cette loi dite « sĂ©paratisme » alors mĂȘme que son article 36 rĂ©introduit lâarticle 24 abandonnĂ© dans la loi « sĂ©curitĂ© globale». Finalement, cette loi inique et ces dissolutions racistes se passent en silence, celui-lĂ mĂȘme qui accompagne les processus de fascisation.
Ugo Palheta â Il y a aussi une spĂ©cificitĂ© française, Ă mon sens, dans le degrĂ© dâinstitutionnalisation de lâislamophobie. Sur le plan idĂ©ologique, en Italie par exemple, des bouquins dâune islamophobie absolument dĂ©lirante et conspiratoire, comme ceux dâOriana Fallaci, se sont vendus Ă des millions dâexemplaires[3]. En Allemagne, le mouvement Pegida â un mouvement spĂ©cifiquement islamophobe â a rĂ©ussi Ă mettre des dizaines de milliers de gens dans la rue en 2014 et 2015, alors mĂȘme que les mouvements Ă©quivalents en France nâont jamais rĂ©ussi Ă le faire. En Angleterre et aux Ătats-Unis, il y a aussi des idĂ©ologues islamophobes qui ont un rĂŽle important dans le dĂ©bat public. Mais câest vrai quâen France, et câest lĂ sa singularitĂ© Ă mon avis, lâĂtat est un acteur central de lâislamophobie. La loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux dits « ostentatoires» dans les Ă©tablissements scolaires, la circulaire Chatel sur les mĂšres accompagnatrices ou plus, rĂ©cemment, la loi dite « sĂ©paratisme » (devenue « loi confortant le respect des principes de la RĂ©publique») et lâarticle de la loi Travail qui permet aux entreprises dâimposer des chartes de la laĂŻcitĂ©, tous ces dispositifs juridiques visent de fait les musulman·e·s. Câest souvent ce degrĂ© dâinstitutionnalisation qui Ă©tonne Ă lâĂ©tranger. Les mĂ©dias Ă©tatsuniens ne dĂ©couvrent pas lâislamophobie, mais, par exemple, imaginer que des Ă©lus locaux prennent la dĂ©cision dâinterdire le «burkini» sur les plages de leurs communes, pour des AmĂ©ricains ou des Anglais, ça semble assez impensable.
Et je pense que lâhistoire ne se serait pas passĂ©e comme ça si toute une partie de la gauche en France nâĂ©tait pas aussi empreinte de colonialisme. Comme le rappelait Pierre TĂ©vanian dans Le Voile mĂ©diatique, en 2005[4], quand le dĂ©bat sur le foulard Ă lâĂ©cole commence, les sondages montrent que la population est trĂšs partagĂ©e sur la question de la nĂ©cessitĂ© dâune nouvelle loi sur les signes religieux Ă lâĂ©cole, câest Ă peu prĂšs 50/50. Au dĂ©but, les gens sont globalement sceptiques, dâailleurs ils le sont plus dans les classes populaires que dans les classes dominantes, beaucoup plus dâailleurs parmi les partisans de gauche que de droite, il y a des variations sociologiques et politiques de ce type. Mais aprĂšs un an de pseudo-dĂ©bats orchestrĂ©s par les grands mĂ©dias, aprĂšs le « travail » dâune commission parlementaire dont on pouvait savoir dĂšs le dĂ©part quelles seraient les recommandations finales, et surtout avec une gauche qui soit se montre trĂšs favorable Ă la loi (PS, LO), soit, dans le meilleur des cas, est divisĂ©e sur la question (PCF, Verts, LCR), un retournement sâest opĂ©rĂ© et une trĂšs large majoritĂ© des gens sondĂ©s sâaffirment alors favorables Ă une nouvelle loi.
Il y a eu un travail idĂ©ologique trĂšs puissant de la part du personnel politique, des grands mĂ©dias, pour imposer lâidĂ©e, lĂ encore, que lâislam et les musulmans constitueraient un « problĂšme » pour la France, nĂ©cessitant une « nouvelle laĂŻcitĂ© » (en fait une « laĂŻcitĂ© falsifiĂ©e », pour reprendre les mots de lâhistorien Jean BaubĂ©rot) permettant de protĂ©ger « la RĂ©publique ». Câest aussi ce que disait le sociologue Pierre Bourdieu, mais presque quinze ans auparavant, au moment de ladite « affaire de Creil » en 1989 : « Un problĂšme peut en cacher un autre[5]. » Autrement dit, le prĂ©tendu problĂšme du foulard dissimule ce qui fait rĂ©ellement problĂšme pour les racistes, ce qui est insupportable pour eux, Ă savoir la prĂ©sence durable de millions de personnes issues de lâimmigration postcoloniale. Bourdieu dit ça en 1989, ça paraĂźt terriblement de bon sens et câest dâailleurs amplement validĂ© par lâĂ©volution du dĂ©bat politique en la matiĂšre (on est passĂ© en quinze ans de la question des signes religieux Ă lâĂ©cole Ă celle du « grand remplacement»âŠ), mais si tu dis ça dans le dĂ©bat public aujourdâhui en France, tu as toutes les chances dâĂȘtre taxĂ© dâ«islamogauchiste», de soutien du « sĂ©paratisme», dâalimenter le terrorisme, donc dâĂȘtre disqualifiĂ© dâemblĂ©e et une fois pour toutes.
La Dispute â Vous avez utilisĂ© plusieurs fois des termes quâil serait utile de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment: racialisation, racisme dâĂtat, racisme structurel, mais aussi fascisation, fascisme, nĂ©o-fascisme⊠Pouvez-vous les expliquer et interroger leurs rapports ?
Ugo Palheta â Commençons peut-ĂȘtre par dĂ©finir rapidement le fascisme, qui dĂ©signe essentiellement un certain type de projet ou dâidĂ©ologie, qui peut se concrĂ©tiser ou non dans des organisations (dont les formes varient selon les contextes historiques et nationaux) et un certain type dâĂtat (un pouvoir dictatorial dont je ne dĂ©velopperai pas les caractĂ©ristiques spĂ©cifiques ici, ça nous emmĂšnerait trop loin). Le projet fasciste consiste Ă prĂ©tendre rĂ©gĂ©nĂ©rer une communautĂ© imaginaire (en gĂ©nĂ©ral la « nation», mais potentiellement aussi la « civilisation» ou la « race») par une vaste opĂ©ration de « purification», dâ« Ă©puration» ou de « nettoyage » : purification ethnoraciale (ciblant les minoritĂ©s ethno-raciales, religieuses, etc., lesquelles empĂȘcheraient la nation dâĂȘtre elle-mĂȘme, fidĂšle Ă son passĂ© ancestral, Ă ses racines profondes, Ă son identitĂ© quasi Ă©ternelle et glorieuse, etc.) et purification politique (ciblant les mouvements accusĂ©s de diviser la nation et donc de lâaffaiblir : ceux qui pratiquent la lutte des classes, les fĂ©ministes, les antiracistes, etc.). Il va sans dire quâun tel projet repose sur une vision complĂštement fantasmatique de la nation (essentialisĂ©e, Ă©ternisĂ©e, fĂ©tichisĂ©e) et sur une conception mythologique de son passĂ©âŠ
Dans notre livre Face Ă la menace fasciste, Ă©crit avec Ludivine Bantigny, on a cherchĂ© Ă dĂ©velopper une approche en termes de fascisation. Dâabord, lâidĂ©e principale, câest que le fascisme nâadvient pas du jour au lendemain, mais quâil y a, en quelque sorte, tout un processus qui intervient en amont et en aval de la conquĂȘte du pouvoir politique par les fascistes. Le fascisme, en tant que rĂ©gime, en tant que pouvoir fasciste, fondĂ© sur lâĂ©crasement de toute forme de contestation sociale, syndicale, politique, artistique, etc., ne peut advenir sans toute une phase historique dâimprĂ©gnation Ă la fois idĂ©ologique et matĂ©rielle, sans une sĂ©rie de transformations qui vont Ă la fois modifier les Ă©quilibres internes Ă lâĂtat au profit des appareils de rĂ©pression (en particulier la police), dĂ©multipliant sa capacitĂ© dâintervention autonome (donc arbitraire), et justifier idĂ©ologiquement, lĂ©gitimer, cette vaste entreprise de « purification» dont je viens de parler. Le concept de fascisation sert justement Ă dĂ©signer cette phase de prĂ©paration idĂ©ologique et matĂ©rielle. Une des idĂ©es que lâon dĂ©veloppe ensuite, câest quâil y a deux Ă©tapes de fascisation: la premiĂšre qui prĂ©cĂšde lâarrivĂ©e au pouvoir des fascistes (et je pense que câest dans ce type de phase quâon se situe en France) ; la seconde qui succĂšde Ă la conquĂȘte du pouvoir politique (câest Ă ce stade que se situe par exemple le BrĂ©sil de Bolsonaro ou lâInde de Modi).
Sur la prĂ©paration idĂ©ologique, on le voit de mille maniĂšres et Ă partir de mille indices en consultant les mĂ©dias dominants et en observant le dĂ©bat politique actuellement en France ; je ne mây attarde pas parce que câest lâaspect le plus visible. Sur la prĂ©paration matĂ©rielle, câest le fait que les gouvernements ont construit tout un arsenal juridique et toute une base institutionnelle qui permettraient Ă un pouvoir dâextrĂȘme droite dâĂ©craser toute forme dâopposition sans avoir Ă sortir de la « lĂ©galitĂ© rĂ©publicaine ». Lâexemple de la dissolution du CCIF est trĂšs significatif de ce point de vue. On a une organisation essentiellement constituĂ©e de juristes, qui faisait Ă la fois un travail de recensement statistique dâactes et de discours islamophobes, et un travail juridique de dĂ©fense des musulman·e·s. Cette organisation se retrouve dissoute du jour au lendemain, sans aucun motif sĂ©rieux. VoilĂ quelque chose de proprement ahurissant et qui devrait paraĂźtre scandaleux Ă toute personne un tant soit peu attachĂ©e aux libertĂ©s publiques, mais qui nâa pas suscitĂ© de mobilisation dâampleur.
La seconde phase de fascisation, câest la transformation de lâĂtat dans le sens du passage dâune dĂ©mocratie capitaliste au sens traditionnel (rĂŽle important du Parlement, respect des libertĂ©s publiques, etc.) ou dâune forme trĂšs dĂ©gradĂ©e de dĂ©mocratie capitaliste (« dĂ©mocrature», « dĂ©mocratie autoritaire», « dĂ©mocratie illibĂ©rale», etc.) Ă un Ătat fasciste. On sâimagine parfois que dĂ©tenir le pouvoir politique, câest dĂ©tenir le pouvoir et avoir la capacitĂ© dâen faire ce quâon veut, mais cette idĂ©e a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement dĂ©mentie parce que les dĂ©tenteurs du pouvoir politique peuvent ĂȘtre confrontĂ©s Ă des secteurs de lâĂtat hostiles, au pouvoir Ă©conomique (le capital ou certaines fractions du capital), mais aussi Ă©videmment aux luttes populaires. Par exemple, Trump ou Bolsonaro arrivant au pouvoir respectivement aux Ătats-Unis et au BrĂ©sil nâont pas pu faire exactement ce quâils voulaient. Donc il y a une seconde Ă©tape de fascisation, qui peut ĂȘtre victorieuse pour les fascistes ou aboutir Ă leur dĂ©faite. Si lâon prend lâexemple du fascisme historique, Mussolini ne parvient rĂ©ellement Ă fasciser lâĂtat que trois ou quatre ans aprĂšs son arrivĂ©e au pouvoir (Hitler ira quant Ă lui beaucoup plus vite dans le cadre de ce que les nazis eux-mĂȘmes ont nommĂ© la « Gleichschaltung », câest-Ă -dire la « mise au pas»). Pendant trois ou quatre ans en Italie, il y a encore des oppositions politiques, y compris au Parlement (le dirigeant communiste Antonio Gramsci est mĂȘme dĂ©putĂ© jusquâĂ son arrestation en novembre 1926), il y a des mouvements sociaux, des grĂšves, qui sont Ă©videmment rĂ©primĂ©s plus durement que dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente, mais on ne se situe pas encore dans le cadre de lâĂtat fasciste tel quâil sâimpose Ă la fin des annĂ©es 1920.
Effectivement, comme Omar lâa soulignĂ©, la fascisation procĂšde de maniĂšre diffĂ©rente selon la position dans la sociĂ©tĂ© et notamment selon lâappartenance ou non aux minoritĂ©s religieuses et ethnoraciales qui sont en gĂ©nĂ©ral la cible principale non seulement des fascistes, mais aussi de lâĂtat en phase de fascisation: toutes ces personnes quâon peut perquisitionner sans motif rĂ©el ; toutes ces personnes dont on peut dissoudre les organisations; toutes ces personnes quâon peut contrĂŽler dans la rue, palper, violenter, humilier, etc. Câest pourquoi nous disons avec Ludivine Bantigny que le fascisme est Ă la fois lĂ et pas lĂ : il nâest pas lĂ au sens oĂč il nây a pas Ă proprement parler dâĂtat fasciste, sinon il nây aurait pas de mĂ©dias indĂ©pendants ou de syndicats indĂ©pendants de lâĂtat, les organisations fĂ©ministes, antiracistes et antifascistes ne survivraient sans doute pas trĂšs longtemps, la gauche radicale non plus⊠Mais le fascisme est lĂ au sens oĂč il y a des Ă©lĂ©ments et des processus de fascisation qui sont Ă lâĆuvre et qui touchent en particulier les minoritĂ©s, les Rrom·e·s, privé·e·s par exemple de leur droit de scolarisation dans certaines communes, les migrant·e·s Ă©videmment (sans cesse pourchassé·e·s et violenté·e·s), les musulman·e·s, les habitant·e·s des quartiers populaires et dâimmigration, etc.
Câest pourquoi il est difficile de trouver les termes adĂ©quats pour dĂ©finir le rĂ©gime politique dans lequel nous nous trouvons actuellement. Est-ce que câest une dĂ©mocratie? On voit bien que si lâon prend les mots au sĂ©rieux, câest-Ă -dire la dĂ©mocratie comme pouvoir populaire (au sens Ă©tymologique du terme), ça semble difficile de prĂ©tendre que nous serions en dĂ©mocratie. Est-ce quâon est dans une dictature? Non. Avec Ludivine, nous avons voulu mettre des mots derriĂšre cette situation qui nous semble intermĂ©diaire, dans un entre-deux, entre une dĂ©mocratie capitaliste classique (disposant dâinstitutions politiques relevant du libĂ©ralisme au sens classique) et une dictature de type fasciste. Une des hypothĂšses liĂ©es Ă lâidĂ©e de fascisation, câest que le nĂ©olibĂ©ralisme autoritaire, que Macron incarne parfaitement, nâest pas le stade ultime de ce processus parce quâil constitue un mode de domination politique structurellement instable. Ce pourrait nâĂȘtre quâune Ă©tape vers la construction dâun autre type de pouvoir, une maniĂšre dâouvrir la voie Ă un pouvoir de type fasciste, si du moins le processus nâest pas enrayĂ©âŠ
Omar Slaouti â Ou alors il y aura peut-ĂȘtre une transformation interne de lâĂtat, qui sâaccĂ©lĂšre avec un pouvoir nĂ©olibĂ©ral des plus classiques et qui va accentuer encore la fascisation, selon les rapports de forces avec les mouvements sociaux, ce dont on a dĂ©jĂ discutĂ© au dĂ©but de lâentretien. Ă mon sens, câest un premier point. Le deuxiĂšme, câest quâil y a un Ă©cueil Ă Ă©viter et qui consisterait Ă sâinterroger sur le moment de la croisĂ©e des chemins pour dĂ©terminer si « on y va ou on nây va pas » pour en dĂ©coudre avec ce systĂšme. Notre prĂ©occupation du moment, câest quâon a une tendance fascisante contre laquelle il faut dĂšs maintenant Ă©videmment sâopposer. Je dis ça parce que certains disent : « On nâest quand mĂȘme pas en pĂ©riode fasciste, il nây a pas obligatoirement urgence dans la pĂ©riode. » Câest trĂšs dangereux parce que ça a des consĂ©quences extrĂȘmement graves dĂšs maintenant, pour les migrant·e·s, pour tous les racisé·e·s et pour toutes nos libertĂ©s syndicales, politiques et associatives. Mais câest aussi dangereux car la fascisation prĂ©pare le fascisme si rien ne sây oppose. Lâautre Ă©cueil Ă Ă©viter, je crois, câest quâon ne doit pas ĂȘtre prisonnier de lâhistoire, câest-Ă -dire quâon ne gagnerait rien Ă apprĂ©hender les temps prĂ©sents en essayant de faire un copier-coller avec les scĂ©narios historiques hĂ©ritĂ©s du passĂ©. Les fascistes ont une capacitĂ© dâadaptation face aux nouvelles configurations du moment, y compris par rapport Ă ce qui existait hier. Leurs discours et leurs pratiques ne peuvent pas ĂȘtre les mĂȘmes: câest la raison pour laquelle le FN, fasciste par nature, adapte son discours. Bien sĂ»r, il existe des constantes. Lâune des constantes des pĂ©riodes fascistes ou fascisantes, câest que la bourgeoisie puisse continuer Ă faire ce quâelle doit faire, câest-Ă -dire dĂ©gager de la plus-value dans le rapport capital-travail et financiariser davantage lâĂ©conomie Ă partir des dividendes. Une autre constante est que la fascisation ne peut sâappuyer que sur une construction essentialisĂ©e et stigmatisĂ©e de ceux qui reprĂ©senteront le « eux», opposĂ© Ă un « nous» moderne, pur et civilisĂ©. Câest pourquoi le racisme institutionnel est si important, car il prĂ©pare un terreau favorable Ă ce processus total et totalitaire.
Si le racisme institutionnel, lui, relĂšve finalement de la non-intentionnalitĂ©, au sens oĂč il ne sâagit pas, pour les institutions, dâĂ©crire noir sur blanc ou de dire ouvertement quâil faut discriminer les gens Ă partir dâune couleur de peau, dâune religion supposĂ©e ou rĂ©elle (mĂȘme si, dans les faits, ces institutions vont discriminer: ça câest factuel et largement documentĂ© par de nombreux sociologues, juristes, syndicalistes et y compris par des structures trĂšs centre droit), le racisme par lâĂtat est quant Ă lui ouvertement assumĂ© par les propos et lâarsenal juridique. Bien sĂ»r, ces modalitĂ©s dâexpression du racisme peuvent tout Ă fait se croiser et sâenrichir mutuellement. Au point oĂč, par exemple, les musulman·e·s en France sont plus discriminé·e·s Ă lâemploi que ne le sont les Noir·e·s aux Ătats-Unis, ou encore que la quatriĂšme gĂ©nĂ©ration hĂ©ritiĂšre des immigrations postcoloniales reste elle aussi victime du racisme. Le racisme Ă©tatique dans sa triple dimension â racisme dans lâĂtat (racisme institutionnel), racisme dâĂtat (racisme propre Ă la crĂ©ation de lâĂtat-nation), racisme par lâĂtat (ensemble des propos et textes de lois racistes) â incarne, finalement, ce quâune grande partie de la gauche nâa cessĂ© de nier, Ă chaque fois quâelle a rabattu la question du racisme sur la dimension individuelle, en psychologisant et donc en dĂ©naturant cette oppression structurelle et systĂ©mique.
La Dispute â Dans le prolongement des dĂ©finitions que vous venez de proposer, une derniĂšre question dâordre gĂ©nĂ©ral : comment voyez-vous le rapport entre luttes antifascistes et antiracistes ?
Ugo Palheta â Une dimension souvent mĂ©connue de nombreuses luttes antifascistes historiques, câest la participation centrale des minoritĂ©s. Et ça renvoie bien Ă ce que tu disais, Omar, sur lâoccultation des luttes des populations minorisĂ©es, racialisĂ©es, dâailleurs que ce soient les juif·ve·s dans le contexte europĂ©en ou les Africain·e·s-AmĂ©ricain·e·s aux Ătats-Unis ou Ă©videmment les immigré·e·s postcoloniaux dans le contexte français. Dans lâentre-deux-guerres, effectivement, le mouvement ouvrier prenait en charge lâantifascisme Ă une Ă©chelle de masse, avec par ailleurs en son sein de nombreux travailleurs immigrĂ©s (quâon pense par exemple au rĂŽle, dans la rĂ©sistance au nazisme et Ă la collaboration vichyste, des Francs-tireurs et partisans â main-dâĆuvre immigrĂ©e, FTP-MOI). Mais si tu prends une mobilisation antifasciste aussi importante historiquement en Angleterre que la bataille de Cable Street, en 1936, quand les quartiers de lâEst londonien mettent dehors les fascistes et empĂȘchent leur dĂ©monstration de force, cette victoire est inconcevable sans la mobilisation des juif·ve·s de ces quartiers (organisĂ©s notamment dans le cadre du Jewish Peopleâs Council Against Fascism and Antisemitism), en alliance avec des dockers irlandais (qui ont aidĂ© Ă construire des barricades) et avec des groupes plus liĂ©s au mouvement ouvrier, Ă la gauche du Labour. Ce qui a permis cette mobilisation et cette victoire, qui a eu un rĂŽle important dans le recul de la British Union of Fascists de Mosley, câest donc lâalliance entre la gauche du mouvement ouvrier et les minoritĂ©s.
En France, lâantifascisme est souvent perçu comme un mouvement essentiellement blanc, mais lâantifascisme aux Ătats-Unis, dans les annĂ©es 1960-1970, est en grande partie un antifascisme noir. Câest le moment oĂč le Black Panther Party (BPP)[6] dit explicitement quâil y a une dimension fasciste dans lâĂtat amĂ©ricain dans la mesure oĂč celui-ci rĂ©prime trĂšs brutalement lâessentiel des mouvements militants afro-amĂ©ricains, allant parfois jusquâau massacre. Les militant·e·s du BPP proposent ainsi lâidĂ©e quâil y aurait des Ă©lĂ©ments de fascisme prĂ©sents au sein de lâĂtat, dans une sociĂ©tĂ© structurĂ©e par lâesclavage puis lâapartheid (lois Jim Crow). Ce que nâa pas rĂ©ussi historiquement le mouvement antifasciste dans pas mal de pays, câest la connexion nĂ©cessaire avec celles et ceux qui subissent en premier lieu lâautoritarisme et la rĂ©pression dâĂtat, qui sont la cible principale des extrĂȘmes droites, et qui sont, de maniĂšre disproportionnĂ©e, les membres des minoritĂ©s ethno-raciales. Que ce soit les juif·ve·s dans les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes de lâentre-deux-guerres, avec un antisĂ©mitisme absolument central et endĂ©mique dans la culture politique de ces sociĂ©tĂ©s, en particulier dans les Ă©lites dâailleurs mais avec une imprĂ©gnation de lâensemble des populations, les Noir·e·s aux Ătats-Unis, et les musulman·e·s aujourdâhui en Europe de lâOuest notamment.
Il nây aura pas de renforcement de lâantifascisme, en France en particulier, sâil nây a pas une connexion qui se crĂ©e, organique, avec les collectifs antiracistes, les collectifs de familles contre les violences policiĂšres, ou les fronts contre lâislamophobie, etc. Et dâailleurs certains groupes antifascistes se donnent aujourdâhui cet objectif avec raison. Pendant trĂšs longtemps, on a dit : « Le FN est le pire ennemi des travailleurs.» Ce nâest pas faux, mais ce nâest quâune partie de lâhistoire. La premiĂšre cible des fascistes actuels, ceux et celles quâils pointent comme leur « ennemi principal », ce sont les migrant·e·s, les musulman·e·s, les Rrom·e·s, et câest en les attaquant de maniĂšre systĂ©matique (verbalement et parfois physiquement) quâils bĂątissent leur rĂ©cit de la nation menacĂ©e, submergĂ©e, assiĂ©gĂ©e, en phase de dĂ©litement, etc. Si on rate ça, et si on nâest pas capable de pointer lâarticulation avec le racisme systĂ©mique, de mettre en Ă©vidence le rĂŽle de lâĂtat, on ne peut pas combattre sĂ©rieusement le fascisme, on ne peut pas sâadresser Ă celles et ceux qui sont ciblé·e·s par lâextrĂȘme droite, et on ne peut pas non plus sâattendre Ă ce quâils et elles se sentent mobilisé·e·s par le danger que reprĂ©sente le fascisme.
Omar Slaouti â Ce que jâentends souvent de la part de celles et ceux qui sont victimes du racisme en continu, câest : « Moi, le FN/RN ne mâa rien fait dans mon quotidien. Ce que je vis en continu, câest ce racisme dans telle ou telle institution, câest lâislamophobie dans les mĂ©dias, dans la bouche, les actes, les dĂ©crets et les lois, ce sont les violences policiĂšres, etc. Câest cela qui me plombe, et toutes les inĂ©galitĂ©s produites par ce systĂšme qui me prĂ©carise, mâinsĂ©curise socialement, casse lâĂ©cole de mes enfants et ruine notre santĂ©. » Et rĂ©guliĂšrement, elles et ils sont amené·e·s Ă sâopposer Ă cette logique du systĂšme. Câest le cas de la lutte des femmes de lâhĂŽtel Ibis Batignolles: bien sĂ»r quâil y a une dimension de classe, mais, Ă©videmment, il y a aussi une dimension de genre et de race. Et elles tiennent tous les bouts de la lutte, ces femmes racisĂ©es, et pas de maniĂšre mĂ©canique! Câest ça la force de lâintersectionnalitĂ© : il nây a pas de curseurs préétablis du type oĂč commence la race, oĂč commence la classe et oĂč commence le genre, il y a une interpĂ©nĂ©tration dynamique de toutes ces oppressions jusquâĂ en faire des singularitĂ©s nouvelles. Celles et ceux qui se vivent dans une lutte de confrontation avec la fascisation de lâĂtat, mĂȘme si ce nâest pas les termes utilisĂ©s, ce sont en premier celles et ceux qui luttent aujourdâhui dans les quartiers populaires.
Les rĂ©sistances des mouvements des sans-papiers, extrĂȘmement fortes, ont contraint les syndicats Ă devoir les suivre, et câest une bonne nouvelle. De mĂȘme, les collectifs de lutte contre les violences policiĂšres ont mis en exergue le racisme structurel dans la police, et câest ce qui a permis aux Gilets jaunes de libĂ©rer la parole sur cette violence institutionnelle : ce sont lĂ des cadres de rencontres et dâarticulations prometteurs.
Ces rĂ©sistances se retrouvent y compris dans les solidaritĂ©s alimentaires mises en place durant le couvre-feu. On a Ă©tĂ© obligĂ© de construire des solidaritĂ©s actives, communautaires, Ă lâĂ©chelle dâun quartier, dâun arrondissement ou mĂȘme dâune ville comme Marseille, avec cette lutte exemplaire de lâAprĂšs M oĂč la lutte des travailleurs dâun McDo a donnĂ© lieu Ă la rĂ©quisition du restaurant pour en faire un espace solidaire. Donc ces solidaritĂ©s vivantes, Ă©videmment, font peur, et ce dâautant plus lorsquâelles sont teintĂ©es de religion musulmane, pour les raisons historiques Ă©voquĂ©es prĂ©cĂ©demment.
Je ne veux pas faire des habitant.e·s des quartiers populaires des sujets rĂ©volutionnaires par nature ou par essence, mais objectivement, parce quâelles et ils sont au carrefour dâune exploitation capitaliste violente et en mĂȘme temps dâun autoritarisme raciste indĂ©niable, elles et ils ont toutes les raisons dâen dĂ©coudre avec ce systĂšme nĂ©olibĂ©ral en cours de fascisation. Si les quartiers populaires en France, peuplĂ©s de gens du Sud global, sont les premiĂšres victimes du nĂ©olibĂ©ralisme, ce nâest pas sans lien avec cette histoire mondiale. Le pays qui a servi de laboratoire au nĂ©olibĂ©ralisme, câest le Chili sous Pinochet dans les annĂ©es 1970. En 1975, câest lĂ oĂč on en expĂ©rimente les grandes lignes, ce qui montre, pour celles et ceux qui en douteraient encore, que lâĂtat nĂ©olibĂ©ral capitaliste, probourgeois, et lâĂtat fasciste, tortionnaire, dictatorial et militaire, ça se marie trĂšs bien ensemble. Rien dâĂ©tonnant Ă ce que le potentiel de rĂ©sistances puisse se rĂ©vĂ©ler et exploser aux confins du monde blanc. Et en effet, ce nâest pas Ă©tonnant que, dans lâhistoire, on ait des groupes racisĂ©s dâen bas de la hiĂ©rarchie raciale, qui se retrouvent aux avant-postes de la lutte antifasciste.
On peut dire sans risque que les Noir·e·s, les Arabes, les Tsiganes opĂšrent dĂ©jĂ des luttes antifascistes, mĂȘme si elles et ils nây accolent pas forcĂ©ment le nom, car ils sâopposent dans tous leurs combats Ă la police et Ă lâarmĂ©e dâun Ătat fascisant. Restent les articulations quâil faut construire avec toutes les rĂ©sistances en cours ici, dans les Outre-mer colonisĂ©s et ailleurs dans le monde du Sud global, et qui sont si nĂ©cessaires Ă la perspective dâun monde dĂ©racialisĂ© et conjuguant toutes les Ă©galitĂ©s.
Notes
[1] SaĂŻd Bouamama, Des classes dangereuses Ă lâennemi intĂ©rieur, Syllepse, Paris, 2021.
[2] Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels». ReprĂ©sentations de lâislam et politiques musulmanes en France Ă lâ Ă©poque coloniale, La DĂ©couverte, Paris, 2019.
[3] Sur Oriana Fallaci, voir Bruno Cousin et Tommaso Vitale, « Les intellectuels italiens et lâislamophobie», Contretemps, fĂ©vrier 2012, URL: https://www.contretemps.eu/intellectuels-italiens-islamophobie/.
[4] Pierre TĂ©vanian, Le Voile mĂ©diatique, un faux dĂ©bat : « Lâaffaire du foulard islamique », Raisons dâagir, Paris, 2005.
[5] Pierre Bourdieu, « Un problĂšme peut en cacher un autre. RĂ©flexions sur les affaires de voile islamique», in Interventions, 1961- 2001. Science sociale & action politique, Ăditions Agone, Marseille, 2002.
[6] Parti révolutionnaire noir fondé en 1966 à Oakland (Californie), notamment par Bobby Seale et Huey P. Newton.
Illustration: Syfotag Celiwe, 2016
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Source: Contretemps.eu