La prétendue versatilité de G. Sorel, en matière politique ou de doctrine, ne saurait lui être imputée valablement à grief. Il déclarait qu’on ne doit pas, en tout, penser de même au début et à la fin d’une existence de recherche et de méditation. A quoi servirait l’étude consciencieuse des faits et des choses, si elle n’autorisait à rectifier des erreurs de jugement ? Il n’avait rien à dissimuler des variations de sa pensée, ayant toujours apporté une entière bonne foi dans ses recherches.
En fait, il accueillait toute idée et tout événement, d’où qu’ils vinssent, pour les soumettre au feu de la critique ; et s’il retirait du creuset quelque notion juste en faveur de l’adversaire, il l’exposait impartialement.
Les uns avec satisfaction, les autres avec reproche, lui ont attribué une influence notable sur deux grands conducteurs de peuples ; et l’un d’eux l’aurait confirmé. Mais G. Sorel eût-il inspiré des vocations, il ne les a pas dirigées. On sait d’ailleurs à quels écarts de doctrine se livrent les hommes d’action, à tort ou à raison, quand les circonstances commandent ; ils renient aussi bien leur formation intellectuelle que leur origine sociale, ou bien ils s’en attribuent d’empruntées.
Ni Lénine, ni Mussolini, en tout cas, pour avoir lu G. Sorel et pour l’avoir traité, l’un de brouillon, l’autre de maître, ne peuvent être tenus pour ses disciples authentiques. Il voyait plus juste en expliquant qu’à une même époque, en présence des faits, les mêmes idées peuvent surgir en des esprits attachés aux mêmes problèmes.
Source: Monde-nouveau.net