Samedi, a Ă©tĂ© publiĂ© un dĂ©cret qui autorise les gendarmes Ă utiliser sur leur tablette lâapplication Gendnotes.
Cette application existe et est utilisĂ©e depuis plusieurs annĂ©es sans cadre juridique : elle remplace la prise de note sur papier (qui devait ĂȘtre copiĂ©e sur ordinateur une fois rentrĂ© Ă la gendarmerie) par une prise de note directement informatique rĂ©alisĂ©e depuis le terrain.
Le dĂ©cret prĂ©cise dĂ©sormais que, avec Gendnotes, les gendarmes peuvent prendre en photo nâimporte quelle personne quâils suspectent dâavoir commis une infraction. Ils peuvent aussi enregistrer des informations sur leur religion, politique, sexualitĂ© ou prĂ©tendue origine raciale, Ă la simple condition que de telles informations soient « absolument nĂ©cessaires » aux fichiers de police judiciaire (pour lutter contre les crimes, dĂ©lits, et certaines contraventions, telles que le « trouble Ă la sĂ©curitĂ© » ou « lâatteinte Ă lâautoritĂ© de lâĂtat ») ou de police administrative (les fiches des services de renseignement, doit-on redouter). Cette absolue nĂ©cessitĂ© nâest, en pratique, jamais vĂ©rifiĂ©e. La CNIL prĂ©cise aussi « que lâenregistrement du code PIN ou du code PUK pourra ĂȘtre rĂ©alisĂ© dans le cadre dâenquĂȘtes afin de dĂ©verrouiller lâappareil », sans quâil nâapparaisse clairement si cet enregistrement est toujours prĂ©vu ou non dans le dĂ©cret.
Comme lâexplique la CNIL, ces photos et informations sont au moins transmises au LRPGN (le logiciel de rĂ©daction des PV de la gendarmerie) [1], qui les transmet Ă son tour au TAJ (traitement des antĂ©cĂ©dents judiciaires) si les gendarmes dĂ©cident dâouvrir une procĂ©dure [2]. Dans ce cas, les informations seront conservĂ©es dans le TAJ pendant 20 ans, accessibles par toute la police et la gendarmerie et les photos pourront ĂȘtre utilisĂ©es ultĂ©rieurement par un systĂšme de reconnaissance faciale pour identifier des personnes (si lâapplication Gendnotes nâintĂšgre pas de logiciel de reconnaissance faciale, elle facilite le transfert des photos vers le TAJ qui, lui, lâorganise).
Par exemple, lors dâune manifestation ou dâun contrĂŽle routier, les gendarmes pourront, lors dâune fouille, dâun contrĂŽle dâidentitĂ© ou autre interaction avec une personne quâils jugent suspecte, inscrire une identitĂ© et/ou une photo, avec si besoin plus dâinformations, au sein de cette application. Si les gendarmes dĂ©cident ensuite dâouvrir une procĂ©dure, ces informations seront inscrites au TAJ.
Le dĂ©cret semble au moins illĂ©gal en ce quâil Ă©choue Ă dĂ©finir sa finalitĂ© ou en quoi il serait absolument nĂ©cessaire au travail des gendarmes. Il indique que le but de Gendnotes est de faciliter la transmission des donnĂ©es enregistrĂ©es vers « dâautres traitements de donnĂ©es », sans dĂ©finir ni limiter ces autres traitements (ce que la CNIL lui avait pourtant demandĂ© de faire). On peut redouter que Gendnotes vienne nourrir une infinitĂ© de fichiers, des services de renseignements par exemple, et soit dĂ©voyĂ© Ă des fins de surveillance politique.
Les consĂ©quences dâun tel dĂ©voiement sont considĂ©rablement aggravĂ©es par lâautomatisation des ces enregistrement et Ă©changes dâinformations. Jusquâalors, le risque de surveillance politique Ă©tait mĂ©caniquement limitĂ© par la dĂ©pendance au papier. Cette limite matĂ©rielle disparaĂźt aujourdâhui. Les fichiers se multiplient et on automatise les facilitĂ©s dâĂ©changes entre ces diffĂ©rents fichiers en dĂ©multipliant Ă chaque fois les possibilitĂ©s dâabus. Encore une fois ce ne sont pas les dĂ©crets qui encadrent les pratiques policiĂšres, mais les pratiques de la police qui font loi.
Source: Mars-infos.org