Samedi matin
10 Ă 15 000 personnes se retrouvent pour le grand baroud altermondialiste sur le port dâHendaye, on semble faire un grand bond en arriĂšre dans le temps, Ă lâĂ©poque des grands sommets qui avaient quand mĂȘme un peu plus de gueule… Comme on pouvait sây attendre, le seul rendez-vous officiel annoncĂ© par la plate-forme est le moment oĂč toutes les organisations et associations, du PCF Ă la ConfĂ©dĂ©ration Paysanne, sont prĂ©sentes, mais Ă©trangement le nombre de personnes nâest pas aussi important que lâon pouvait lâespĂ©rer⊠Câest poussif, et malgrĂ© la mobilisation et lâĂ©nergie sincĂšre dâune partie du cortĂšge, on nâarrive pas Ă ressentir une dĂ©termination Ă la hauteur des enjeux. Un service de « mĂ©diation » bien fourni composĂ© notamment de membres dâAlternatiba et Bizi se positionne devant le commissariat et tire des banderoles devant les vitrines et les distributeurs de banque pour les protĂ©ger des vilain.es casseur.euses.
Le dĂ©filĂ© se termine par des prises de paroles convenues devant le centre des congrĂšs, aprĂšs le passage de la frontiĂšre. Les forces de police, discrĂštes pendant la manifestation â malgrĂ© la prĂ©sence dâun drone et de deux hĂ©licoptĂšres â-, se sont redĂ©ployĂ©es immĂ©diatement pour quadriller le centre ville dâHendaye. Le spectacle est tellement triste que les personnes qui cherchaient autre chose quâune simple opĂ©ration mĂ©diatique se sont donnĂ©es rendez-vous Ă Bayonne lâaprĂšs-midi.
Arrivée à Bayonne vers 15h
La ville est transfigurĂ©e, fantomatique. Seuls la peuplent des zombies en uniformes et quelques militant.es qui se croisent du regard tout en cherchant un point de convergence pour se rassembler. La quasi totalitĂ© des commerces sont fermĂ©s, claquemurĂ©s, il rĂšgne une ambiance post dĂ©sastre qui prend aux tripes. Le dispositif mĂ©ritrait lâusage de tous les superlatifs. Câest du jamais vu.
Le rendez-vous en pĂ©riphĂ©rie de Bayonne pour le convoi en provenance du camp, ne semble pas avoir fonctionnĂ©. Le parking du Castorama est rempli de vĂ©hicules de flics en tout genre. Quelques personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es, celle-eux qui ont pu Ă©chapper aux mailles serrĂ©es refluent vers le centre-ville oĂč les contrĂŽles de sacs et dâidentitĂ© sont incessants â certaines personnes se feront contrĂŽler plusieurs dizaine de fois, parfois Ă moins de 20 mĂštres de distance entre deux fouilles.
Contre tout pronostic, un cortĂšge de quelques centaines de personnes parvient tout de mĂȘme Ă se former. Il tourne en rond dans le petit Bayonne de lâautre cĂŽtĂ© de la rive qui le sĂ©pare du centre ville oĂč nous rĂ©ussissons Ă nous regrouper. Il est dĂ©jĂ 19h. Se met en place un vague jeu de miroir avec deux cortĂšges de chaque cĂŽtĂ© de la Nive. On chante en canon, on scande des slogans, on se rĂ©pond de part et dâautre de lâeau, on arrive Ă sentir un peu de joie dâavoir, maigre consolation, rĂ©ussi Ă former un petit cortĂšge face Ă une telle armĂ©e.
Des grenades lacrymogĂšnes pleuvent de lâautre cĂŽtĂ©, oĂč le cortĂšge est plus offensif. Certaines rebonsissent sur les murs, les balcons et les toits des immeubles du Petit Bayonne, la plupart finissent Ă la flotte. Quelques cailloux atteignent les fourgons sous les hourras. A une centaine, cĂŽtĂ© vieille ville, nous sommes repoussĂ©.es et emmenĂ©.es dans un entonnoir de CRS bretons qui nous ramĂšne du mĂȘme cĂŽtĂ© que la manif sauvage qui semble sâĂȘtre dispersĂ©e entre temps. Entre dĂ©sespoir et fatigue, le retour au camp sâimpose, qui en vĂ©lo, Ă pied, en stop, ou en voiture en essayant dâĂ©viter les contrĂŽles sur les quelques dizaines de kilomĂštres que constituent lâagglomĂ©ration de Biarritz, Bayonne et Anglet. Sur lâautoroute du retour, nous sommes constamment dĂ©passĂ©s, encerclĂ©s par des camions de CRS ou des dizaines de voltigeurs qui conduisent en horde.
Barricades et sit-in avorté
Au camp, une AG compliquĂ©e dĂ©marre Ă 21h. Les membres de la plate-forme prennent la parole pour annoncer que la seule action encore vaguement dĂ©fendue par elle consiste Ă organiser un sit-in de midi Ă 14h sur une plage Ă proximitĂ© de Biarritz, alors quâinitialement sept points de rassemblement avaient Ă©tĂ© imaginĂ©s. Avant mĂȘme que leur proposition puisse ĂȘtre discutĂ©e, iels se retirent dans leur bulle vitrĂ©e pour discuter entre elles et eux. Les quelques centaines de personnes prĂ©sentes sur le camp essayent tant bien que mal de poursuivre, sans information, interrompues par des prises de parole portant sur des objets perdus. On est au bord de la crise de nerf.
Alors que le G7 a dĂ©jĂ commencĂ©, nous essayons de prĂ©parer une action de masse du jour pour le lendemain, sans que les organisateur.ices du contre-sommet ne soient prĂ©sent.es pour rĂ©pondre aux interrogations. Dâautres personnes proposent un rassemblement devant le CRA dâHendaye rĂ©quisitionnĂ© pour enfermer les personnes interpellĂ©es pendant le contre sommet ; des gilets jaunes proposent une marche sur Biarritz depuis Bidart. Tout semble improvisĂ©, dans une confusion croissante.
La situation change encore au cours de la nuit. Des rumeurs de prĂ©sence policiĂšre aux abords immĂ©diats du camp amĂšnent quelques personnes Ă monter des barricades Ă toutes les issues, et jusquâĂ la route menant Ă la corniche. Des feux sont allumĂ©s. Depuis le camp, on entend des bruits de pĂ©tards et on perçoit des tirs sporadiques de gaz lacrymogĂšne. La situation semble absurde. Un scĂ©nario devenu banal est en train de se rejouer : quelques personnes recherchent lâaffrontement avec les flics, faisant peser une menace sur le camp quâelles prĂ©tendent protĂ©ger ; et les flics alimentent la tension pendant une partie de la nuit.
DâaprĂšs des membres de la plateforme, qui reviennent sur les Ă©vĂ©nements de la nuit pendant lâAG du dimanche matin, lâun des organisateurs du rassemblement a Ă©tĂ© contrĂŽlĂ© en revenant dâun repĂ©rage ; comme il faisait lâobjet dâune interdiction de territoire français, il a Ă©tĂ© expulsĂ© immĂ©diatement vers le Pays basque sud. En consĂ©quence, la plateforme a dĂ©cidĂ© de « repousser » le sit-in prĂ©vu, sans pour autant annoncer de date de report… DâaprĂšs nos informations, la prĂ©fecture a menacĂ© dâintervenir sur le camp sâil nâĂ©tait pas vidĂ© lundi Ă 12h. On est trĂšs loin du « succĂšs » revendiquĂ© par G7-EZ et Alternative G7 dans un communiquĂ© commun publiĂ© samedi soir.
Au cours de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, la legal team a dĂ©noncĂ© les pratiques du bĂątonnier de Bayonne, qui sâest opposĂ© Ă ce que les avocat-es de la dĂ©fense collective se substituent aux avocats commis dâoffice [1]. Un nouvel exemple de collusion de la justice et de la police.
Source: Larotative.info