Comme chaque 17 janvier depuis lâabandon de lâaĂ©roport, nous avons invitĂ© des camarades de luttes ayant fini par lâemporter dans lâannĂ©e face Ă dâautres projets destructeurs. Lors du lever de la charpente des tritons, accompagnĂ©es par un accordĂ©on, deux voix poignantes se sont Ă©levĂ©es avec ces quelques mots-Ă©tincelles pour nous raconter leurs annĂ©es de barrages contre le center parc de Roybon et la vie da
ns cette forĂȘt :
17 janvier 2020, ZAD NDDL.
Et paf la Bulle ! – prise de parole dâex-occupant.es de ROYBON le 17 JANVIER 2020 sur la zad nddl
Il Ă©tait une fois une forĂȘt, ses arbres, ses champignons, ses hĂŽtes, quelque part entre le Vercors et les plaines du Bas DauphinĂ©. On la dit forĂȘt des « Chambarans », ce qui pourrait vouloir dire quelque chose comme : les champs bons Ă rien. Une terre humide, froide, et vallonnĂ©e.
Une forĂȘt comme tant dâautres, dont certains ont voulu pousser lâhistoire vers le bling bling de lâargent qui rentre dans les caisses et du soleil qui tape sur les parois de verre dâune piscine sous serre tropicale. La fameuse bulle tropicale des Center Parcs de Pierre et Vacances.
Un centre de loisirs parmi tant dâautres. Et pourtant celui-ci ne se fera pas. On a fait voler en Ă©clat cette bulle qui voulait nous en mettre plein la vue. EnvolĂ©s, les rĂȘves de billets verts, tandis que coule, rattrapĂ© par les marĂ©cages dans lequel il sâest embourbĂ©, ce projet verdĂątre dâhypocrisie.
Juillet 2020 : Pierre & Vacances abandonne son projet. La compagnie jette la pierre aux zadistes et aux associations de recours juridiques. Un pavĂ© pour tous ceux quâon a jetĂ©s en pensant Ă eux !
On lâa balayĂ©e, leur bubulle artificielle, par la force dâun souffle qui a tant gonflĂ© nos poumons quâil a menacĂ© de les faire Ă©clater, eux aussi.
Ce souffle, humide et frais comme la terre de lĂ -bas, ce souffle un souffle qui nous a tant portĂ©s quâon sâest senti pousser des ailes. Un souffle en bout de course aujourdâhui, que nous sommes nombreuses et nombreux Ă regretter.
Cette bulle, petite bulle, toute petite poche dâair emprisonnĂ© Ă la surface dâun ocĂ©an mondial de remous incontrĂŽlĂ©s. Et pourtant, grande histoire, majestueuse et douloureuse Ă©popĂ©e quotidienne de volontĂ©s agglutinĂ©es autour dâune mĂȘme idĂ©e : bloquer, empĂȘcher. RĂ©sister.
Et encore. Ăa nâest pas si simple Ă dire. Aucun dĂ©nominateur commun ne tombe sous le sens quand il sâagit de raconter cette abstraction, ce « nous » impossible Ă dĂ©finir, celles et ceux qui ont vĂ©cu lĂ -bas ou y sont passĂ©s, un grand soir, un petit matin, quelques mois, Ă jamais de cĆur et dâenvie. Dire « nous » a Ă©tĂ© comme un pari, une chance que lâon saisit, jamais acquise. Souvent source de conflits. Mais peu importe.
Peu importe, parce quâon ne pourra nous ĂŽter lâenvie de faire sens avec cette histoire qui a Ă©tĂ© et est encore la nĂŽtre. On ne nous ĂŽtera ni lâenvie de fĂȘter le retour de cette forĂȘt dans le rĂšgne du vĂ©gĂ©tal et de lâanimal ni celle de cĂ©lĂ©brer les amitiĂ©s que tout ceci a créé.
Et cette histoire qui nâest peut-ĂȘtre quâun dĂ©but ! Que valent nos quelques annĂ©es de lutte dans la vie dâune forĂȘt ? Elles ont tout signifiĂ©, tout condensĂ©, et pourtant aujourdâhui câest comme si tout Ă©tait seulement sur le point de commencer. Car certes cette forĂȘt est restĂ©e une forĂȘt. Mais nous pouvons essayer de lui offrir mieux que ça. Nous pouvons veiller Ă ce quâelle devienne une forĂȘt mature, diversifiĂ©e, vivante et intimement liĂ©e Ă celles et ceux qui ont luttĂ© pour elle, celles et ceux qui voudront construire avec son bois, celles et ceux qui sây promĂšneront, qui expliqueront sa nature, ses dĂ©tours, ses recoins.
Maintenant, il va sâagir de se mettre au tempo de la forĂȘt, de tenter de la suivre et de vivre longtemps, aussi longtemps que possible, avec elle. DĂ©fi difficile Ă relever pour nos intelligences et temporalitĂ©s humaines limitĂ©es et nos histoires collectives en vagues et en ressac. Mais ça peut ĂȘtre une bien belle suite Ă cette aventure… Cette suite, on lâĂ©crit ensemble.
Nos forces, comme muselĂ©es pour lâinstant, Ă©touffĂ©es derriĂšre des masques sanitaires, forcĂ©es de rentrer sâabriter dans nos gorges et nos poumons, ressortiront, et crieront demain comme hier, Ă pleins poumons, la folie de ce monde et lâenvie de vivre et survivre. En attendant, crions, chantons et dansons, ici, Ă nos victoires, passĂ©es, prĂ©sentes et futures, et Ă tout ce quâelles crĂ©ent Ă chaque instant.
Source: Zad.nadir.org