
Le thĂšme de lâeffondrement systĂ©mique occupe aujourdâhui dans lâespace public, notamment dans le milieu Ă©cologiste militant, une place centrale. Ses spĂ©cialistes â collapsologues en tĂȘte â sont invitĂ©s dans bon nombre de dĂ©bats et de confĂ©rences qui jalonnent la cause climatique. Si le coeur de la problĂ©matique exposĂ©e par les thĂšses de lâeffondrement est dâune extrĂȘme gravitĂ© et se rapporte non pas exclusivement Ă un « climaticide » mais bien Ă un Ă©cocide en marche, ce genre de discours et plus particuliĂšrement les solutions quâil prĂ©conise, semblent trĂšs Ă©loignĂ©es dâun projet politique oĂč lâĂ©cologie serait au coeur dâune protection sociale solidaire et gĂ©nĂ©ralisĂ©e qui mettrait fin au capitalisme et son fonctionnement Ă©cocidaire.
Il est proposĂ© ici de mettre en contraste quelques unes des conditions dâexistence matĂ©rielles des classes moyennes et populaires avec quelques points notables du discours sur lâeffondrement systĂ©mique ; afin dâen montrer paradoxalement le caractĂšre inclusif quand il sâagit dâexpliquer la responsabilitĂ© soi-disant collective de ce dĂ©sastre Ă©cologique en cours et Ă la fois exclusif quand il sâagit dâaborder des solutions qui convergent vers lâĂ©dification de communautĂ©s rĂ©silientes. OĂč la Permaculture entre autres serait un constituant parmi dâautres de ce nouveau monde que nous promettent les collapsologues, nĂ© des cendres de lâancien monde, celui du capitalisme fossile.
Une rĂ©cente enquĂȘte journalistique et sociologique auprĂšs « des classes populaires : femmes de mĂ©nage, puĂ©ricultrices, ouvrier.e Ă la chaine, plombier, carreleur… » rĂ©vĂšle que lâessentiel de leurs prĂ©occupations sâarrime au quotidien. « Leur colĂšre porte sur [les prix] de la vie courante, sur lâangoisse du porte-monnaie quâon ouvre tous les jours en constatant quâil se vide de plus en plus vite. » Leur revendication Ă minima consiste en « un encadrement strict des prix des produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© » afin de « pouvoir remplir le frigo sans y penser, pour ainsi dire, sans comparer, sans traquer lâĂ©tiquette, sans dâĂ©puisantes heures de recherche sur Internet [1]. »
On voit bien que subsiste et sâaccentue ici en France, une insĂ©curitĂ© sociale qui se cristallise dans notre rapport Ă la nature des choses issues du mode de production capitaliste, Ce sont ainsi pour bon nombre dâentre nous, dans une sociĂ©tĂ© pourtant saturĂ©e dâobjets industriels superflus, des corps psychiques et physiques qui souffrent de pĂ©nuries matĂ©rielles rĂ©currentes. LâĂ©crivain-ouvrier Joseph Pontus tĂ©moignait lui aussi dans son premier et unique livre « Ă la ligne â Feuillets dâusine » de lâimpossibilitĂ© dâassouvir des dĂ©sirs matĂ©riels simples comme celui de rejoindre en voiture ses amis pour aller manifester Ă la ZAD de Notre-Dame des Landes : « Et moi/Petit intĂ©rimaire/Petit anarchiste de godille/Je choisis le boulot/Je nâai pas les sous suffisants pour partir une semaine Ă mĂȘme pas deux heures de bagnole ».
Un rapport matĂ©riel Ă la nature qui nâa strictement rien Ă voir avec le matĂ©rialisme hĂ©doniste des classes dominantes mais que condamnent le plus souvent sans nuance les discours sur lâeffondrement systĂ©mique. Les propos du collaposlogue Yves Cochet [2] sont justement sans nuance Ă lâaune de ce quâil annonce comme futur et destinĂ©e anthropologiques [3]. Il sâest fait le chantre dâun catalogue prospectif de dĂ©sastres imminents â parmi lesquels la disparition de la moitiĂ© de la population dâEurope dâci 5 Ă 10 ans. Raison invoquĂ©e : lâAnthropocĂšne, câest Ă dire toutes les activitĂ© humaines Ă lâĂšre industrielle qui sont les grandes responsables de cet effondrement qui vient. Certes, un argument scientifique aujourdâhui peu rĂ©futable mais peut-ĂȘtre mal nommĂ© [4] au regard du niveau de responsabilitĂ© des sociĂ©tĂ©s et des individus qui les composent et qui nâinfluent pas toutes avec la mĂȘme intensitĂ© dans lâavĂšnement non pas dâun effondrement systĂ©mique tel que lâentend ce collapsologue mais dâun Ă©cocide dĂ©jĂ bien entamĂ©.
Pour lâancien ministre de lâAmĂ©nagement du territoire et de lâenvironnement, la transition Ă©cologique pilotĂ©e par nos Ă©lites est une « monstrueuse foutaise ». On sera sĂ»rement dâaccord avec cette impĂ©ritie soulignĂ©e par Cochet. Par consĂ©quent politiquement, tout est foutu. Exit toutes les thĂšses, analyses et rĂ©flexions sur lâĂ©cologie politique et son histoire. Mieux vaut donc anticiper, se prĂ©parer et sâadapter au choc de lâeffondrement. Dans ce quâil liste comme stratĂ©gies et moyens dâadaptation, quâil a mis en place et en pratique chez lui, on est plongĂ© dans le manuel illustrĂ© et pratique du Permaculteur : redondance des ressources en bois, en eau ; dĂ©multiplication des espaces vivriers â potager agroĂ©cologique et jardin-forĂȘt,, production dâĂ©nergie et moyens de transport low-tech, entraide avec ses voisins « mĂȘme sâils sont du Rassemblement National (sic) » etc.
On retrouve la mĂȘme teneur dĂ©faitiste et apocalyptique dans les discours et les livres de Pablo Servigne. Face Ă la certitude de ce bouleversement civilisationnel, pour ce « Jevoniste » convaincu, il faut construire dĂšs Ă prĂ©sent le monde de demain en Ă©difiant des sociĂ©tĂ©s parallĂšles comme elles se font dĂ©jĂ : en gros, des Ă©covillages peuplĂ©s de petites communautĂ©s qui seront les rescapĂ©s de demain oĂč Permaculture, agroĂ©cologie et gouvernance locale seraient les mamelles de cet idĂ©al de vie sans heurts et sans conflits.
Servigne comme Cochet nâont pas lâair de bien se rendre compte de la violence symbolique dâune telle proposition : celle qui porte lâexclusion sociale Ă son acmĂ©. Un rappel au discernement sâimpose. Certains philosophes et chercheurs comme Pierre Charbonnier fort heureusement sâen chargent : « la vie dans les ruines nâa pas la meÌme saveur pour tous : quand elle se manifeste aÌ la plupart sous la forme de la preÌcariteÌ eÌnergeÌtique et de lâexclusion des biens communs (eau, air sain, transports), seule une petite minoriteÌ peut convertir cette preÌcariteÌ et ces exclusions en opportuniteÌs [5]. »
Cet imaginaire pro-rabhiste et « colibriesque » qui Ă©dulcore une autre fin du â ou de ce – monde possible est trĂšs prĂ©gnant dans les discours de Servigne. Mais il ne sâinscrit nullement dans « une rĂ©orientation des luttes sociales vers un rapport de force avec les intĂ©rĂȘts attachĂ©s au rĂšgne de lâaccumulation et de la production [6]. » Par consĂ©quent, imaginer et construire un systĂšme politique populaire et dĂ©mocratique qui sâorienterait vers dâautres modes de production possibles et qui rĂ©pondraient aux besoins essentiels et nĂ©cessaires des populations nâest pas Ă lâordre du jour chez ce thurifĂ©raire de lâĂ©dification dâun monde parallĂšle rĂ©silient.
Puisque lĂ aussi comme son collĂšgue Cochet, câest pliĂ©. Comme le montre Jean-Baptiste Malet [7], chez Servigne, on passe de « la peur » à « la joie » une fois la certitude de cet effondrement conscientisĂ©. On semble flotter par moment dans une pathĂ©tique mais non moins sĂ©rieuse mystique « Bisounours ».
DĂšs lors, les discours de Cochet et Servigne, trĂšs engagĂ©s non pas dans la voie de la sobriĂ©tĂ© productiviste et consumĂ©riste â il est trop tard â mais bien dans lâĂ©conomie du survivalisme petit-bourgeois et individualiste avec une inclinaison idĂ©ologique millĂ©nariste, achoppent de maniĂšre flagrante avec les tĂ©moignages plĂ©thoriques du « frigo vide le 15 du mois. » Ils rĂ©vĂšlent une terrible dissonance discursive. En creux, se dessine ainsi un puissant antagonisme de classe qui renvoie les prĂ©occupations vitales des uns et des autres dos Ă dos.
Antagonisme qui vire parfois jusquâau mĂ©pris de classe quâon peut remarquer aisĂ©ment dans les exposĂ©s, entretiens et confĂ©rences de Jean-Marc Jancovici, autre expert, non pas de lâeffondrement mais de la sobriĂ©tĂ© Ă©nergĂ©tique. Ce polytechnicien, aussi visible dans les mĂ©dias mainstream quâalternatifs est la figure autoritaire et omnisciente des problĂ©matiques Ă©nergĂ©tiques face au changement climatique. Il ne sâagit pas de remettre en cause tout son discours vulgarisateur Ă propos du diagnostic et des analyses quâil propose sur lâĂ©puisement des Ă©nergies fossiles et les Ă©missions de Gaz Ă Effet de Serre (GES). Il est dans les grandes lignes relativement Ă©loquent.
Sa particularitĂ© est quâil est totalement dĂ©pouillĂ© des diffĂ©renciations sociales qui existent entre les les groupes et les individus qui composent le corps social. La sociologie nâĂ©tant manifestement pas son fort, il prend ce corps social comme un bloc monolithique. Il le rend responsable et coupable face au dĂ©rĂšglement climatique comme un continuum qui fait preuve dâaveuglement productiviste et consumĂ©riste. Pire encore, quand il sâagit de forcer le trait pour Ă©tayer cet amalgame un peu facile, il nâhĂ©site pas Ă stigmatiser les plus vulnĂ©rables socialement. En effet, dans ses nombreuses interventions disponibles sur le web, cet entrepreneur-consultant de lâĂ©conomie dĂ©carbonĂ©e a maintes fois dĂ©clarĂ© devant un arĂ©opage dâĂ©lites ou de futurs Ă©lites â son public de prĂ©dilection pourrait-on ajouter – que le smicard ou la personne au RSA, dans un pays industriel comme le notre, « vit comme un nabab (sic) ». Et que ça ne pourra pas durer compte tenu de lâurgence climatique.
Ce qui ne pourra pas durer non plus, pourrait-on objecter Ă Jancovici, pourtant spĂ©cialiste des ordres de grandeur, câest cette asymĂ©trie totalement dĂ©lirante et disproportionnĂ©e qui existe pourtant entre le niveau de vie dâune infime partie de la population – lâoligarchie industrielle et financiĂšre â et celles prĂ©carisĂ©es de plus en plus durement â classes moyennes comprises et dont je me sens totalement appartenir. Que ce technocrate considĂšre insistons lĂ -dessus « comme des nababs ». Ă y regarder de plus prĂšs, la maniĂšre dont ces classes trĂšs privilĂ©giĂ©es produisent et consomment – puisque ce sont elles qui dĂ©tiennent en grande partie les moyens de production â ne laisse aucun doute quant Ă leur culpabilitĂ© et leur cupiditĂ© destructrice.
Le dernier rapport dâOxfam et Greenpeace intitulĂ© « Les milliardaires français font flamber la planĂšte et lâĂtat regarde ailleurs » rĂ©vĂšle quâavec « au moins 152 millions de tonnes de CO2 en une annĂ©e, le patrimoine financier de 63 milliardaires français Ă©met autant que celui de 49,4 % des mĂ©nages français. » Et mieux encore sur le plan de relance du quoiquâil en coĂ»te des entreprises du CAC 40, durant la crise sanitaire : « ReÌsultat, selon le Haut Conseil pour le climat, 70 % des sommes deÌgageÌes par le plan de relance pourraient avoir âun effet significatif aÌ la hausse sur les eÌmissionsâ de CO2. » En Ă©tant un poil « grattouilleur », on pourrait aussi demander Ă Jancovici si lui et son collĂšgue lâĂ©conomiste Alain Grandjean par le truchement de leur sociĂ©tĂ© de conseil Carbone 4 pensent sĂ©rieusement sauver la planĂšte en faisant migrer ce pharaonique patrimoine financier vers « le coeur de la finance bas carbone [8] » ?
Pour finir avec ce panorama hexagonal du discours effondriste, Arthur Keller se prĂ©sente comme « consultant, spĂ©cialiste des risques systĂ©miques et des stratĂ©gies dâanticipation et dâorganisation collectives [9]. » Dans ses nombreuses confĂ©rences, Keller expose une sĂ©rie de processus et dâĂ©vĂ©nements liĂ©s aux activitĂ©s humaines quâon peut qualifier sans ambiguĂŻtĂ© dâĂ©cocide. Il pourrait selon lui engendrer un possible effondrement Ă Ă©chĂ©ance indĂ©terminĂ©e. Ce qui sous-entend quâil reste des marges de manĆuvre possibles et en cela le distingue des collapsologues prĂŽnant la rĂ©signation dĂ©faitiste et attentiste de lâimminence catastrophiste.
Il a lui aussi clairement un discours inclusif et sans nuance concernant le degrĂ© de responsabilitĂ© historique entre dominĂ©s et dominants. MĂȘme sâil se veut critique envers les Ă©lites politiques et Ă©conomiques [10] Keller affirme « [sâen] foutre Ă la rigueur de qui est coupable. » Et dâajouter « nous le sommes tous et nous le sommes aussi face au futur. » Ce laconisme culpabilisant fait lâimpasse sur qui porte rĂ©ellement la responsabilitĂ© majeure dâun tel dĂ©sastre.
Il finit donc par mettre tout le monde dans le mĂȘme sac. Et laisse supposer quâil nây aurait plus le temps pour mettre en exergue lâhistoricitĂ© dâun systĂšme politique et Ă©conomique coupable dâun Ă©cocide, en lâoccurence toujours et encore le capitalisme qui ne sera jamais au bout de sa prĂ©dation sur la nature. Puisque sa raison dâĂȘtre est bien de croitre en la pillant. Rappel qui serait nĂ©cessaire Ă la comprĂ©hension de ce qui nous arrive.
Les solutions que Keller prĂ©conise convergent avec celles de Servigne. On est encore une fois dans un « agir » urgentiste. Il faut aller vite en besogne et donc Ă©difier « une sociĂ©tĂ© parallĂšle » oĂč la Permaculture et lâagroĂ©cologie seraient lâalpha et lâomĂ©ga pour former la civilisation rĂ©siliente de demain Ă lâĂ©chelle locale. Toujours et encore paradoxalement dans les structures existantes du capitalisme nonobstant ce parallĂ©lisme illusoire souhaitĂ©.
On voit bien apparaĂźtre dans les propos de ces experts de lâeffondrement une divergence de fond qui sâobjective par la temporalitĂ© et le fatalisme accordĂ©s (ou non) Ă lâeffondrement lui-mĂȘme â imminent et inĂ©luctable versus probable Ă Ă©chĂ©ance indĂ©terminĂ©e si on ne fait rien. Avec dans les solutions proposĂ©es un point commun et de taille : celui de mener lâinjustice sociale Ă son paroxysme en oubliant ce que sont les conditions matĂ©rielles prĂ©sentes dâun trĂšs grand nombre de gens.
Pour Jancovici, câest donc la rĂ©duction de lâempreinte carbone de maniĂšre totalisante et inclusive. Ce sont les politiques industrielles par secteur mais aussi les individus sans distinction de classe et leur mode de vie quâil faut tirer vers la production et la consommation bas carbone [11]. Comme on lâa vu, elle est difficilement envisageable et entendable dans une telle disproportion sociale dans la mesure oĂč câest lâoligarchie financiĂšre et Ă©conomique qui explose les compteurs de lâempreinte carbone. Pour Keller, Cochet et Servigne, leurs solutions se basent sur une organisation de lâentre-soi et une ingĂ©nierie de la survie grĂące un soi-disant matelas de rĂ©silience qui amortira le choc.
Se prĂ©parer au choc dĂšs maintenant relĂšve en rĂ©alitĂ© dâune Ă©cologie pratique exclusive et Ă©litiste de par les moyens et les dispositions sociales quâelle requiert si on les met en perspective avec les conditions matĂ©rielles dâexistence du plus grand nombre. Il faut ĂȘtre de surcroit dans une dynamique psychique empreint dâune positivitĂ© trĂšs avancĂ©e, en somme ĂȘtre un virtuose de lâadaptabilitĂ© et de la rĂ©silience.
Il ne sâagit pas de rejeter en bloc toutes les idĂ©es et les alternatives qui surgissent dans le cadre dâune remise en cause de nos modes de vie. Je sais de quoi je parle pour avoir fait partie de ces communautĂ©s dites Ă©cologiquement rĂ©silientes dont Pablo Servigne ou Arthur Keller disent le plus grand bien. Une vie faite de collectif, dâĂ©covillage, de Permaculture et de tant dâautres choses expĂ©rimentĂ©es pendant plus de dix annĂ©es ; faite de rencontres aussi avec dâautres collectifs existants ou en construction, Ă©parpillĂ©s ici ou lĂ et vivant selon des principes similaires oĂč indĂ©niablement la pratique Ă©cologique est centrale.
Si sur un plan strictement personnel, ce choix de vie peut constituer un genre dâĂ©mancipation peu ou prou satisfaisant, il nâen reste pas moins trĂšs marginal. Parce que pour la plupart, ce mode de vie est matĂ©riellement impossible, du moins dans les structures politiques, Ă©conomiques et sociales du systĂšme capitaliste. Penser le contraire est une chimĂšre.
Ces initiatives Ă©cologiques et communautaires ne sont dans les faits pas rĂ©silientes. La plupart dĂ©pendent encore et toujours matĂ©riellement de la division du travail internationale et du mode de production capitaliste mondialisĂ© ainsi que de ses flux dâapprovisionnement. La somme de ces alternatives ne peut constituer en soi un vĂ©ritable projet politique qui sâĂ©manciperait de la domination dâun tel systĂšme et de la servitude aux marchĂ©s en remettant les compteurs Ă zĂ©ro. Le discours sur lâeffondrement fortement dĂ©politisĂ© et qui trouve une rĂ©sonance avĂ©rĂ©e chez ceux qui ont franchi le pas ou dĂ©sirent le franchir, tend Ă faire croire le contraire.
La politique nâest rien sans lâĂ©cologie. Il a fallu plus de deux siĂšcles pour sâen rendre compte. LâĂ©cologie politique prend tout son sens quand elle en appelle Ă une rĂ©volution Ă©conomique et sociale qui garde le cap sur le progrĂšs de nos conditions dâexistence Ă tous. Et nous sensibilise au fait que ces conditions sont irrĂ©mĂ©diablement liĂ©es aux limites de la nature elle-mĂȘme. Le mode de production capitaliste tente de faire croire quâil est aujourdâhui un bon Ă©lĂšve et quâil a compris la leçon. Il sâhabille dâun vert high-tech rutilant pour sa communication Ă flux tendus…et continue ainsi Ă se goinfrer en tout impunitĂ©. En saccageant lâespace vital de tous les ĂȘtres vivants.
La rĂ©silience quant Ă elle est un leurre et ce nâest pas faire de la politique. Câest au contraire son cache-misĂšre quand il semble ne plus y avoir dâespoir. Câest se rĂ©signer. Câest accepter lâinacceptable. « La rĂ©silience est devenue la nouvelle religion dâĂtat. » comme le dit si bien Thierry Ribault. Elle est aussi lâalliĂ© indĂ©fectible et pernicieux du discours des collapsologues qui en rajoutent une couche â et une sacrĂ©e ! – sur notre impuissance dâagir.
Ce nâest sĂ»rement pas sur les ruines de lâĂ©conomie fossile que naitra un nouveau monde absout et lavĂ© de ses pĂ©chĂ©s Ă©cocidaires et dont il faudrait se rĂ©jouir, en laissant crever une bonne partie de lâhumanitĂ©. LâHistoire est faite de ruptures certes mais aussi de continuitĂ©s et de similitudes parfois troublantes.
Antonio Gramsci, une des tĂȘtes pensantes du communisme italien, disait Ă lâheure de la montĂ©e des fascismes dans lâEurope des annĂ©es 1920, la chose suivante : « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde Ă venir et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » LâHistoire a aussi montrĂ© quâĂ la mĂȘme Ă©poque Fascisme et Ecologie pouvaient faire bon mĂ©nage. De quoi peut-ĂȘtre calmer la joie post-catastrophe des adeptes de la spiritualitĂ© et du dĂ©faitisme effondristes.
Daniel Vivas
Source: Lundi.am