Le 15 dĂ©cembre 1969, vers minuit, Giuseppe Pinelli, cheminot anarchiste, injustement suspectĂ© dans une stratĂ©gie de la tension dâĂȘtre impliquĂ© dans lâattentat de Piazza Fontana (Milan), commis par lâextrĂȘme-droite le 12, fait une chute mortelle du 4° Ă©tage du commissariat oĂč il Ă©tait illĂ©galement retenu.
Exposition au Palazzo reale de Milan annulĂ©e suite Ă lâassassinat le matin de lâinauguration, le 17 mai 1972, par Lotta Continua, du commissaire Calabresi, enquĂȘteur en charge de lâattentat de Piazza Fontana, relaxĂ© pour son implication dans lâassassinat de Pinelli. RĂ©alisĂ©e 40 ans aprĂšs. Projet dâexposition permanente au Museo del Novecento (lâĆuvre est propriĂ©tĂ© de la galerie Marconi, Ă qui Baj la vendit au profit de la veuve et les enfants de Pinelli).
Enrico Baj reprĂ©sente lâavant (dĂ©fenestration), le pendant (chute) et lâaprĂšs (deuil) en une scĂšne en mouvement. Mise en relief de la tragĂ©die familiale avec les silhouettes dĂ©tachĂ©es, TĂ©moins impuissants de la tragĂ©die politique, de Licia, femme de Pinelli, qui hurle, terrassĂ©e par la douleur ; de ses enfants exprimant lâinsoutenable (Silvia se cache le visage) et lâinĂ©luctable (Claudia tend les bras en vain pour rattraper le corps). La victime se dĂ©tache au centre. Le cri de sa bouche, dĂ©doublĂ©e Ă la Picasso dont le Guernica est une source dâinspiration dĂ©clarĂ©e de Baj, nie la thĂšse du suicide. Son torse nu Ă©voque la torture. Les yeux des forces de lâordre, automates transmettant ou exĂ©cutant les ordres, sont des rouages. Ils montrent les dents. Brandissant fusil, matraque, couteau, ils sont le bras armĂ© de lâĂtat et ne se distinguent que hiĂ©rarchiquement, mĂ©dailles et jalons. Les anarchistes leur font face, bien individualisĂ©.e.s (Ăąge, vĂȘtements, sexe, position), manifestant ensemble, sans armes, en pleurs. Proclamant leurs idĂ©aux, drapeau rouge et noir de lâanarcho-syndicalisme, noir de lâanarchie. Un couple se donne la main, un homme tourne le dos Ă la tragĂ©die pour Ă©pargner un enfant. Une main dĂ©nonce, un poing se tend. Rien Ă voir avec les mains dĂ©formĂ©es par la haine, dĂ©fenestrant Pinelli. Son corps ne heurtera pas le sol, couvert de fleurs Ă la mĂ©moire des victimes de la violence Ă©tatique.
OĂč Enrico Baj parle de son art, de son oeuvre et de Pinelli.
“Je pense que lâart moderne lui-mĂȘme naĂźt dâune pulsion anarchiste, depuis cette cĂ©lĂšbre phrase de Dante parlant de Virgile dans le Purgatoire (Chant II) : “Il est Ă la recherche de la libertĂ©, qui lui est si chĂšre…”
“La rĂ©alitĂ© et la vie et la mort de Pino se substituaient dans mon esprit au souvenir de mes lectures, des hĂ©ros du passĂ©, du futurisme et du dadaĂŻsme que jâai tant aimĂ©s, rĂ©clamant au lieu dâune reconstitution parodique et littĂ©raire, la mĂ©moire dâune tragĂ©die familiale et politique, qui devait ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e, en peinture Ă©galement…”
“… afin quâun tĂ©moignage des faits demeure, de lui, des violences subies, de la douleur de Licia, de Claudia et de Silvia”.
Grain de celle anarchiste et pataphysique
Lâanarchisme Ă©tant Ă la politique ce que la pataphysique est Ă la science, lâanarchie est la politique des solutions imaginaires.
Saluti libertari, Giuseppe Pinelli, se brĂ»lant les ailes comme Icare pour avoir librement volĂ© vers le soleil, comme le typographe anarchiste, dĂ©fenestrĂ© du 14° Ă©tage oĂč il Ă©tait dĂ©tenu illĂ©galement par le FBI (3 mai 1920, New York) [note] .
Saluti libertari, Enrico Baj, Imperatore Analogico de lâInstitutum Pataphysicum Mediolanense, dont le collage est encore au purgatoire pour avoir librement volĂ© au secours de lâanarchiste Pinelli. DĂ©fenestration et dĂ©collage.
Je cite Lichtenberg dans ses Aphorismes : ” Ce qui caractĂ©rise le mieux la vraie libertĂ© est son juste usage et lâabus que lâon en fait”. Ou encore “Logica palaestrica, Mepaphysica terminologico-vionaria“. Mais “cela doit apparaĂźtre autrement aux barbus”.
Source: Monde-libertaire.fr