Fut un temps oĂč ça luttait sec dans certains journaux dâAlsace. Câest ce que rappelle une sĂ©rie de fascicules qui retracent la riche histoire des mĂ©dias « indĂ© » entre Rhin et Vosges.
Sur la « carte de la presse pas pareille1 », la plantureuse Alsace fait grise mine. Ă cĂŽtĂ© des sites Internet LâAlterpresse 68 et Rue89 Strasbourg2, cĂŽtĂ© papier la chair est triste. Pourtant, le pays de la choucroute a longtemps Ă©tĂ© pionnier dans le monde des mĂ©dias alternatifs. Animateur de lâĂ©mission « Les Autres voix de la presse » sur Radio MNE, Jocelyn Peyret retrace lâhistoire de la presse indĂ©pendante alsacienne dans une sĂ©rie de fascicules : « Les cahiers dâAlter3 ».
Klap â de dĂ©but
PremiĂšre Ă©tape, le Mulhousien Klapperstei 68, fondĂ© dĂ©but 1972. Rien moins que le premier canard indĂ©pendant dâinformation locale en France â et le premier Ă mettre lâĂ©cologie au premier plan, avant mĂȘme la mythique Gueule ouverte. Dans ce domaine, la rĂ©gion est Ă lâavant-garde, le pouvoir gaulliste ayant implantĂ© sa premiĂšre centrale nuclĂ©aire Ă Fessenheim, sur la frontiĂšre â en pleine zone sismique. Le Klapâ naĂźt prĂ©cisĂ©ment en rĂ©action aux mensonges de la presse locale sur lâĂ©norme mouvement anti-Fessenheim â qui trouvera un nouveau souffle avec les proto-Zad victorieuses de Marckolsheim et de Wyhl (Allemagne) en 1974-1975. Pas question de sâauto-ghettoĂŻser : le Klapâ adopte le format et la maquette de la presse locale et dĂ©fend ardemment la langue et la culture alsaciennes, ultra-majoritaires Ă lâĂ©poque. Ăa marche du tonnerre : trĂšs vite, le journal fait pĂ©ter les 8 000 abonnĂ©s et dĂ©busque quelques liĂšvres qui lui valent une ribambelle de procĂšs â tout en continuant Ă couvrir les mouvements sociaux. FĂ©ministe, antiraciste et pacifiste, il ouvre une voie, dans une sociĂ©tĂ© encore conservatrice.
TrĂšs vite arrive son cousin strasbourgeois Ussâm Follik, plus impliquĂ© dans les luttes syndicales â comme le sera aussi Le Cri de la vallĂ©e, fondĂ© avec LibĂ©ration dans lâindustrielle Haute-Bruche oĂč les usines ferment les unes aprĂšs les autres. Dâautres titres paraissent dans la Lorraine voisine (Ă Metz, Nancy ou Ăpinal), aux destins trĂšs variĂ©s â avant le grand reflux des annĂ©es 1980, lâarrivĂ©e de la « gauche » au pouvoir et lâinstitutionnalisation des radios libres qui absorbent un grand nombre de journalistes. Reste une histoire qui annonce la ribambelle de canards « alter » nĂ©s dans les vingt derniĂšres annĂ©es. En Alsace, il ne reste que Pumpernickel, qui pĂ©tarade depuis 1995 ses enquĂȘtes et vitupĂ©rations dans les ruelles endormies de la bourgeoise Wissembourg. Puisse-t-il faire des petits !
Laurent Perez
1 Consultable sur le site de LâĂge de faire.
2 Auxquels il faut ajouter la franc-tireuse Feuille de chou.
3 Deux volumes parus Ă ce jour, disponibles sur le site de LâAlterpresse 68.
Source: Cqfd-journal.org