Le terme d’Opposition mérite des explications et des précisions. Il a été utilisé souvent sans grande précision quant à son contenus. Il a ainsi varié selon les périodes. Bien évidemment il sera question ici de l’histoire de la Troisième Internationale et de ses partis communistes.
Nous nous permettons un court retour dans la deuxième Internationale. Au sein de la deuxième International, il est plutôt question de courants de gauche ou d’ailes gauches opposés au révisionnisme. Toutefois, certains historiens parlent de Pannekoek comme étant le “mentor de l’Opposition de gauche au sein de la social-démocratie, par ses attaques contre la bureaucratie politique et syndicale et par l’importance qu’il commençait à donner à l’auto-organisation des masses ouvrières.” On connaît des fractions dans le parti ainsi au Pays-Bas, Pannekoek avec ses camarades créent la revue Die Tribune (les tribunistes), organe de la gauche à l’intérieur de la social-démocratie. De même l’organisation de Brême du SPD (son aile gauche) connut de son côté une évolution semblable. Cependant, une fois exclus, en 1909, la tendance radicale des Pays-Bas De Tribune quitte le SDAP et créent le Sociaal-Democratische Partij (SDP). Le SDP se trouve hors du parti social-démocrate mais reste membre de la Deuxième Internationale. En Italie, c’est un autre scénario, au congrès socialiste de 1912, Mussolini apparaît comme le chef de l’aile intransigeante de gauche ; il provoque l’expulsion de l’aile réformiste. Hostile à l’entrée en guerre de l’Italie en 1914, Mussolini change rapidement d’attitude et fonde Il Popolo d’Italia, journal socialiste favorable à la guerre, qui provoque son exclusion du parti. Pour la Bulgarie, à partir de 1903, dans la foulée de la rupture définitive entre les “Large” et les “Étroits”, c’est la bagarre pour être membre de l’Internationale. Une lettre de N. Harlakov (à l’époque, ce dernier appartenait encore à la fraction de gauche de la social-démocratie bulgare) donne le ton dès le 8 mai 1903. Ja. Sakăzov et ses partisans y sont accusés d’opportunisme petit-bourgeois et leurs “manœuvres démagogiques” y font l’objet d’une charge en règle. Nous ne retraçons pas ici l’histoire du POSDR (russe) qui voit se constituer deux fractions : bolcheviks et mencheviks.
Retournons à notre sujet et à la Troisième Internationale (IC), quant on parle d’opposition, il peut être question des différentes oppositions russes comme des oppositions à l’intérieur des différents PC. Dans ce cas, il s’agit de fractions politiques à l’intérieur du parti afin de défendre une orientation politique. Mais, en fonction de l’évolution de la situation et de la dégénérescence de l’IC, il est maintenant question d’une fraction qui se trouve exclue du parti ou de l’Internationale, c’est le cas des Oppositions après 1924. C’est le cas par exemple de l’Opposition de gauche de l’IC.
De façon générale, cette courte introduction prouve qu’il existe toujours des divergences politiques dans toute organisation politique. C’est la vie puisqu’elle est foisonnante et diverse. C’est pourquoi, les partis ouvriers et internationalistes sont vivants tant qu’ils sont révolutionnaires (leur être et fonction profondes), quand ils meurent, ils se transforment en leur contraire, ainsi la vie se transporte en dehors d’eux.
En règle général, on y trouve toujours au moins une droite et une gauche. Comme nous venons de l’esquisser, ce fut le cas dans la Deuxième Internationale entre les réformistes et les internationalistes, ce sera le cas à nouveau le cas dans la Troisième Internationale puis dans les différents partis communistes. Dans la Troisième Internationale, les différentes tendances prirent le nom d’Oppositions dans et hors des partis.
I — La préhistoire des Oppositions en Russie : liberté des courants et tendances
1 — Premières Oppositions.
Le terme opposition est utilisé pour la première fois en octobre-novembre 1918 par les communistes de gauche avec la création de l’Opposition militaire [1] pour le 8ème congrès du Parti [2]. Ces militants bolcheviks proviennent pour la plupart de la fraction de gauche du PCUS qui avaient publié en mars-avril 1918 la revue Kommunist au moment de la signature du traité de Paix de Brest-Litovsk. On les retrouve en mars 1919 avec la création du Groupe du Centralisme démocratique (ou Décistes) pour le 8ème Congrès du PCUS. Les plus connus du groupe sont les “Vieux bolchéviks” : Valerian Ossinsky, Vladimir Smirnov, Timofei Sapronov, V. N. Maximovsky, M. S. Boguslavsky, A. Z. Kamensky et Raphail. [3] Ce courant du parti bolchevik se bat depuis 1918 et ensuite régulièrement dans les différents débats du parti pour une plus grande place à l’implication des organes de base contre la discipline dans les usines, puis dans l’armée contre les specy (spécialistes dans les usines et puis dans l’armée) et enfin dans le parti contre sa trop forte centralisation.
Ensuite, le terme opposition est utilisé par l’Opposition ouvrière en novembre 1920. A la Conférence de l’organisation provinciale du PCR de Moscou. Les groupes d’opposition à l’intérieur du parti se renforcent rapidement. Ils sont représentés par l’Opposition Ouvrière, récemment formée, les Centralistes-Démocratiques et le groupe Ignatov (une fraction locale de Moscou, proche de l’Opposition Ouvrière, qui plus tard fusionnera avec elle). Ces groupes représentent 124 délégués à la Conférence, contre 154 partisans du Comité Central.
L’Opposition ouvrière s’implique dans le débat sur les syndicats. A la suite du 8e congrès pan-russe des soviets (décembre 1920), trois positions principales se dégagent. Trotsky défend la subordination des syndicats à l’État. La plate-forme de Lénine est plus souple. Il semble vouloir que ces derniers demeurent autonomes par rapport au parti. La plate-forme de l’Opposition ouvrière est centré autour du contrôle ouvrier de la production exercé par les syndicats dans lesquels les comités d’usine étaient encore intégrés. Elle s’oppose à l’emploi de spécialistes bourgeois et de managers dans l’industrie, demande l’égalisation des rations et la fin des concessions aux capitalistes russes et étrangers. De plus, les syndicats devaient rester indépendants de l’État soviétique.
2 — Différences de nature et de fonction entre les 2 premières oppositions.
L’opposition militaire consiste en un regroupement temporaire pour défendre la question de l’organisation de l’Armée. Elle était contre son organisation hiérarchique et le retour à une discipline militaire proche de l’ancienne armée tsariste. De même, les Centralistes démocratiques pourraient être comparés à l’Opposition ouvrière du fait de son existence depuis 1919 jusque dans les isolateurs dans les années 30. Mais en distinguant la nature de opposition ouvrière nous voulons signifier qu’entre des dirigeants du parti comme le sont les Centralistes démocratiques, nous nous trouvons aussi devant une réaction ouvrière. Nombre de soviets dans tout le pays soutiennent cette opposition avant de soutenir le Groupe ouvrier du parti bolchevik.
De plus, l’Opposition ouvrière était une véritable fraction organisée avec des structures. Or, le 10ème congrès du PCR en 1921 pris des mesures limitant les droits des membres du Parti. Ainsi, le droit de fraction fut aboli. “Le congrès déclare dissous et ordonne de dissoudre immédiatement tous les groupes sans exception qui se sont constitués sur tel ou tel programme (groupes de l’”Opposition Ouvrière”, du “Centralisme démocratique”, etc.). La non-exécution de cette décision du congrès doit entraîner sans faute l’exclusion immédiate du parti”. (Lénine, “Avant-projet de résolution du Xème Congrès du P.C.R. sur l’unité du Parti”, Œuvres Choisies, vol. 3, p. 694 ; et Dixième Congrès…, Résolutions, I, p. 527-530.)
Dès lors il sera très difficile de créer une fraction dans le parti.
II — Nouvelles Oppositions : Cours nouveau.
En 1923, la situation de l’URSS devient catastrophique. La question est de savoir si la NEP doit être intégralement maintenue ou corrigée par une aide à l’industrie pour faire face à la “crise des ciseaux” [4]. Mais, au sein du Bureau politique la majorité souhaite, en fait, garder le statut quo contre les vieux bolcheviks et Trotsky. De fait, la lutte contre Trotsky au sein du parti se met en place petit à petit entre ceux qui veulent aller de l’avant et les “conservateurs” estimant dans les grandes lignes et de notre point de vue qu’il s’agit d’une question russe et technique et pas d’une question de nature politique générale et internationale [5] : Zinoviev, Kamenev, Staline. Les membres de l’Internationale ignorent ces désaccords naissants. Il existait d’autres désaccords déjà pointés dans la période précédente comme la bureaucratisation de l’État et le manque de démocratie dans le parti ou la question de la révolution en Allemagne. Mais tout cela est resté enfermé dans le secret du PCUS. Il y a très peu de fuites à l’extérieur. Ceux qui les feront, seront sanctionnés comme le fut Souvarine.
Et, dans le Parti, pour en revenir à la question des oppositions.
“Mais, comme le montrent l’expérience et le bon sens politique, il va de soi qu’à elle seule, cette interdiction (l’interdiction des fractions du 10ème Congrès) ne renfermait aucune garantie absolue ni même sérieuse contre l’apparition de nouveaux groupements idéologiques et organiques.” [6]
Effectivement, l’on arrête jamais la vie qui pour nous est une lutte, par des mesures administratives. Naturellement, les Oppositions devaient renaître en Russie du fait de la crise du parti qui avait aussi poussé Lénine à écrire un article sur le sujet [7]. Mais la crise était plus profonde encore car il s’agissait aussi d’une crise de régime entraînant sa bureaucratisation [8] avant son passage à la contre révolution stalinienne.
C’est ainsi que le 15 octobre 1923 survint la Déclaration des quarante-six vieux bolcheviks au bureau politique du Comité central du PCUS [9] qui attaquent clairement la fraction dirigeante qui est “le régime de la dictature d’une fraction au sein du parti” et “nous avons vu la formation des groupements illégaux [10] qui entraînent les membres du parti en dehors...”. Les 46 s’élèvent contre la crise économique, sa gestion par la fraction dirigeante et contre la dictature de cette même fraction dans le parti.
De son côté, le 8 octobre 1923, Trotsky a envoyé une lettre au Comité central et à la Commission centrale de contrôle qui dénonce le manque de démocratie interne dans le Parti.
Les quarante-six vieux bolcheviks rejoignent le diagnostic de Trotsky dans sa lettre et dans Cours nouveau écrit dans cette période puis dans ce qu’il appelle la “crise des ciseaux”. C’est-à-dire qu’il faut diminuer l’écart entre les prix de la production urbaine de ceux de la production rurale (refermer les ciseaux), et accorder les conditions de fabrication avec les besoins du marché.
C’est ce que l’on appellera plus tard l’Opposition de 1923. Il ne s’agit pas uniquement d’une déclaration de bolcheviks qui appartiendront ultérieurement pour certains à l’Opposition de gauche. L’oppositionnel Varlam Chalamov dira d’ailleurs quand il parle de son adhésion à l’opposition, qu’elle n’était : “pas à (celle de) Trotsky, car la plupart des opposants ne manifestaient pas une grande sympathie pour lui” [11]. (in Cahiers du mouvement ouvrier n°21, septembre 2003).
1 — L’Opposition de gauche.
A partir de 1924 les oppositionnels vont commencer à se regrouper. Ils sont connus sous le nom d’Opposition de gauche. Elle regroupe les Centralistes démocratiques, certains membres de l’Opposition ouvrière, des communistes de gauche et les amis de Trotsky. Comme nous l’avons vu et contrairement à ce qui est souvent souligné, cette opposition n’est pas uniquement trotskiste [12]. Mais comme le dit Pierre Broué “l’historiographie stalinienne voit des trotskistes” partout même avant que cette espèce existe.” [13] Selon Ivan Vratchev, il s’agissait de vieux bolcheviks inquiets de la situation [14].
Au début Trotsky est contre la création d’une fraction, il est plutôt question de tendance. Il choisit par conséquent la prudence. Victor Serge dans ses Mémoires d’un révolutionnaire (Seuil, 1951) indique que Trotsky recommandait en 1924 comme en 1925 d’attendre et voir. “En ce moment, ne rien faire, ne point nous manifester, maintenir nos liaisons, garder nos cadres de 1923, laisser Zinoviev s’user.”
L’Opposition se manifeste publiquement en décembre 1924 pour le XIIIe Congrès du Parti bolchevique où la troïka l’emporte. Elle est battue par fraude. Sa défaite est réaffirmée au congrès de juin 1924.
2 — L’Opposition Unifiée (juillet 1926).
Trotski marginalisé, Kamenev et Zinoviev devinrent la nouvelle cible de Staline début 1925. Ils formèrent la Nouvelle Opposition, défaite par Staline lors du Congrès de décembre 1925 et ce avec l’appui de Boukharine et Rykov. Les perdants s’allièrent alors avec l’Opposition de gauche pour former l’Opposition unifiée [15]
“Mais la question (de l’unification) a été vite réglée par la visite de Kamenev a Trotsky au lendemain du plenum d’avril 1926 du comité central. C’est ce jour-la qu’il dit que la partie serait gagnée quand Zinoviev et lui paraîtraient sur la même tribune que Trotsky, et ce dernier en rit franchement. Mais les concessions des zinoviévistes étaient importantes et Trotsky se prononça pour 1’accord avec eux” [16]
Encore une fois on voit les membres du groupe du Centralisme démocratique à la manœuvre [17] de façon déterminante. Les réunions communes des différents groupes oppositionnels ont été mises sous la présidence de Sapronov car “il a beaucoup travaillé pour qu’ils s’unifient et qui devient ainsi l’architecte de l’unification de l’opposition”. (Pierre Broué, Op. Cit.). C’est au cours de ces réunions que Zinoviev et Kamenev reconnaissant avoir inventé le “trotskisme” avec Staline.
Nous renvoyons aux Cahiers Léon Trotsky pour l’organisation de la fraction après 1926.
“Ivan Yakovlevitch (Vratchev) décide enfin de nous parler de la structure de l’Opposition. Cette dernière a été dirigée en 1926-1927 par un “centre” de l’Opposition unifiée regroupant les dirigeants de chaque courant associe dans l’unification.” (Op.cit.)
(…) “La partie trotskyste du “Centre” de l’Opposition unifiée se réunissait régulièrement dans l’appartement de Smilga, au deuxième étage à l’angle du boulevard Karl Marx et de l’avenue Kalinine (ancien Hôtel national).” (voir la suite).
En 1927, les Centralistes démocratiques quittent l’Opposition unitaire au profit d’une nouvelle orientation politique, vers la création d’“un nouveau parti”. Il ne s’agit plus d’opposition à l’intérieur du parti. Ils rédigent une nouvelle Plate-forme dite du Groupe des quinze [18].
On va retrouver ce débat dans l’Opposition de Gauche Internationale au sein de tous les groupes Oppositionnels dans le monde à partir de 1927-28. [19]
III — Les Oppositions au niveau International : Oppositions ou deuxième parti.
1 — Premiers oppositionnels hors de la Russie (1923-1924)
Le premier “oppositionnel” est Souvarine [20]. Ayant participé aux travaux de l’Internationale à Moscou depuis 1921, Souvarine connaît parfaitement tous les grands révolutionnaires russes, il sait parfaitement que les dissensions en Russie vont finir par rejaillir sur tous les partis de l’Internationale. Il choisit de préparer les communistes français aux probables bouleversements de l’IC. Souvarine décide de publier tous les documents en discussion dans l’IC dès 1924. Le Bulletin communiste devient ainsi une mine d’information pour comprendre ce qui se joue dans l’Internationale.
Souvarine est confronté à trois problèmes : le débat “russe”, le pouvoir dictatorial d’Albert Treint en France (secrétaire du PCF) et la réorganisation du parti sur la base de cellules d’usine qu’il refuse. Mais la question russe est la plus lourde de conséquence.
Dès février 1924, le Bulletin commence va être incriminé pour sa “partialité” sur la question russe. En guise de réponse, Souvarine dresse l’inventaire de ce qu’il a publié : 22 textes pour la majorité du parti bolchevik, contre 5 à l’opposition dont 4 de Trotsky. (“Nos crimes” in Bulletin Communiste, numéro 10 du 7 mars 1924).
Et qu’en est-il du parti communiste d’Italie encore dirigé par la Gauche ?
En mai 1924 encore à la Conférence de Côme la tendance de gauche du parti (toujours majoritaire dans le parti) soulève le problème de l’Opposition russe. Et, en juin 1924 au V° Congrès, Bordiga et Trotsky se rencontrent ; ce dernier conseille d’approuver la motion du 13ème congrès du PCUS qui condamne l’Opposition car le moment pour créer une opposition internationale n’est pas encore venu. Bordiga se trouve sur la même ligne politique [21].
2 — Rupture de la Troïka en Russie (mi-1925). Réaction des zinoviévistes.
Dans le KPD (PC allemand), qui est la section la plus importante de l’IC après le parti russe, l’ancienne direction “zinoviéviste ” autour de Ruth Fisher, Hugo Urbahns et Arkadi Maslow est écartée. Dès 1926, ces derniers créent une tendance oppositionnelle dénonçant la ligne politique suivie par le PC d’URSS et l’IC. Avec la participation de militants de l’opposition russe travaillant à Berlin, ils publient et diffusent les textes de l’Opposition unifiée à l’échelle internationale. Lors de la première conférence de l’opposition internationale, en octobre 1927, 500 délégués votent pour la plate-forme de l’opposition russe. Après les expulsions du parti et la capitulation de Zinoviev, Urbahns forme le Leninbund en tant que “fraction publique” du KPD en avril 1928. Il revendique 6 000 membres et jusqu’à 100 000 sympathisants encore dans le parti. Il publie un quotidien, Der Volkswille.
Dans le PCF, la “discussion russe “, provoque également toute une série de réactions. La direction, tout en condamnant l’attitude de l’opposition russe, se contente d’appeler à une large discussion dans les rangs du parti [22].
Dès lors la discussion s’internationalise et touche tous les PC. Une Opposition se développe ainsi dans tous les pays. Au sein des Oppositions, la discussion se focalise sur la question de la création d’une Opposition dans les PC ou celle d’un nouveau parti.
3 — Opposition Internationale de gauche : “La nouvelle étape [23] ” – décembre 1927.
L’année 1928, avec les vagues d’expulsion de militants des PC, voit apparaître un peu partout des groupes d’opposition se réclamant d’une résistance à la politique stalinienne. L’Opposition russe ayant été décapitée, celle des pays européens et américains prend la relève : en Allemagne (le “Leninbund”), en Belgique (autour de Van Overstraeten et Hennaut exclus en mars 1928 [24]), aux États-Unis (la “Communist league of América”) [25], en Espagne, etc. Mais, c’est surtout en France que l’Opposition internationale va puiser ses principales forces.
L’opposition avait voulu s’organiser internationalement en dehors de la Russie. Ainsi, le Leninbund a tenté d’organiser une rencontre dès le mois de décembre 1928. Elle se tint effectivement à Aix-le-Chapelle le 17 février 1929. Les critères pour y participer étaient très ouverts, Elle était présentée comme une “Conférence de défense des bolcheviks bannis”. Elle aboutit à la création d’un Secours Trotsky [26].
A partir du deuxième semestre de cette année, le mouvement s’accélère et se crée, de facto, l’Opposition de gauche internationale (OGI). En France, le 15 août, paraît le premier numéro de La Vérité de la Ligue communiste (opposition de gauche) qui vient de se créer autour de Naville et Rosmer et qui se présente comme le véritable porte-parole de toute l’Opposition française.
IV- Les Oppositions en France
La France est l’exemple classique du positionnement des différents groupes oppositionnels internationalement à partir de l’expulsion de Trotsky d’URSS en février 1929. Une nouvelle décantation s’effectue entre l’Opposition de gauche internationale (OGI) et les autres groupes qui poussent à “aller plus loin” et à rompre avec les PC. (voir divergences de l’Opposition russe avec le Centralisme démocratique [27]).
1 – Les oppositionnels dans les années 20
Le contexte.
Indépendamment de ce que nous avons dit ci-dessus, il faut aussi mentionner comme point fondamental la lutte contre la politique de bolchevisation lancée par l’IC dès le lendemain de la mort de Lénine. C’est contre les conséquences de cette bolchevisation que Souvarine est exclu (puisqu’il s’insurgeait contre un centralisme excessif et le “bureaucratisme” incarné par Treint.
Ainsi, Le Bulletin Communiste s’affirme comme l’un des organes de “l’Opposition communiste française” car il ne s’agit pas pour Souvarine d’effectuer un retour au syndicalisme révolutionnaire d’avant 1914 comme le suggère la démarche de La Révolution prolétarienne, mais de défendre les acquis de la révolution russe contre la “bolchevisation”. Il écrit :
“L’issue de la tentative menée sous le nom de “bolchevisation” et en vertu d’un prétendu “léninisme” fabriqué après la mort de Lénine ne fait pas le moindre doute : elle sera — elle est déjà — un désastre. Le bolchevisme russe, invaincu sous les attaques de l’univers capitaliste, amoindri seulement par ses dernières luttes intestines, a renoncé à temps aux exagérations les plus nocives des méthodes instaurées après la mort de Lénine.
(….)
Et l’issue du travail entrepris par les redresseurs du mouvement communiste dévié n’est pas davantage douteuse. Mais le succès ne couronnera nos efforts qu’à une condition : celle de rester fidèles aux conceptions éprouvées qui ont fait la grandeur du communisme contemporain. L’assimilation des connaissances et de l’expérience acquise au cours des dix dernières années de guerres et de révolutions est indispensable à la progression de l’idée communiste. Les traditions originales du prolétariat de chaque pays y sont incorporées. Mais le retour à de vieilles notions évincées par la science de la révolution en marche serait une véritable régression, quelques révolutionnaires que ces notions aient pu être en leur temps. Il s’agit de savoir si l’organe de nos compagnons de lutte pour le redressement du mouvement révolutionnaire dévoyé, La Révolution prolétarienne, en arborant l’étiquette “syndicaliste-communiste”, fait un pas en avant ou un pas en arrière.” (“Exclus, mais communistes”) [28].
Il en est de même pour Rosmer et Monatte. Il faut exclure les militants capable s d’avoir une pensée indépendante. Ils quittent le bateau.
Le 30 novembre 1924 [29], le Ier Rayon se réunit. Le délégué du Bureau fédéral de la Seine demande exclusion pour indiscipline de Rosmer, Monatte, Delagarde. Elle est votée par 130 présents. Le 5 décembre à la Conférence nationale, Monatte répond durement à Treint en affirmant qu’en quittant le Parti, il s’en va retrouver les “meilleurs communistes”.
Les Trois exclus publie ensuite une Lettre aux membres du PC. Ils affirment que leur but n’est pas de provoquer des démissions car ils pensent que c’est à l’intérieur du Parti qu’il faut se battre pour redresser sa politique, pour faire vivre les cellules d’entreprise et leur éviter la faillite qu’ont connue les commissions syndicales. Les exclus n’ont pas l’intention de fonder un nouveau Parti ; ils veulent rester dans la grande masse des communistes qui sont hors du Parti et attendent pour y rentrer que celui-ci soit véritablement communiste. Ils veulent travailler à hâter cette transformation.
Voilà les méfaits de la bolchevisation et de la discipline. Il ne reste plus aux oppositionnels qu’à se regrouper et de lutter pour la transformation des PC.
a) les historiques.
Une mention spéciale doit être faite pour Souvarine difficilement classable, du fait de sa participation immédiate directement dans les organes de l’IC à Moscou. On pourrait avoir le même jugement pour Monatte qui était déjà une forte personnalité du syndicalisme révolutionnaire. Il faut préciser que Monatte, malgré sa participation à la vie du PCF et à la rédaction de L’Humanité reste imprégnée par le syndicalisme révolutionnaire, alors que Souvarine est un politique, dès avant la fondation du PC il est totalement dévoué à l’IC.
Il n’en va pas de même pour le “capitaine” Treint d’abord bien occupé à défendre la patrie et qui a connu toutes les luttes de fraction avant de créer le Redressement communiste, de ce fait il demeurera un homme d’appareil.Nous allons les retrouver dans toute la période qui vient.
Ces deux premiers oppositionnels représentent le courant révolutionnaire qui a pris forme au cours de la guerre impérialiste de 14-18 et la lutte contre la guerre pour la révolution. Ils ont soutenu les conférences de Zimmerwald (1915) et de Kienthal (1916). Ils participent ou apportent [30] un soutien actif au Comité pour la Reprise des Relations Internationales (CRRI), fondé en août 1915, qui s’oppose aux votes des crédits de guerre, au ministérialisme et prône le retour à des discussions internationales pour la paix. Puis, un certain nombre de camarades de ce courant notamment Souvarine milite pour l’adhésion de la SFIO à l’IC dès sa création (dépôt d’une motion en ce sens par Loriot au congrès de la SFIO d’avril 1919.) Au mois le 8 mai 1919, le CRRI se transforme en section française de la nouvelle internationale et prend le nom de Comité de la 3ème Internationale. Puis, Souvarine fonde le Bulletin communiste (premier numéro mars 1920) comme organe pour soutenir la constitution d’une tendance au sein de la SFIO pour créer un parti communiste..
Les organes de presse sont :
— Le Bulletin communiste (reparution en 1925 après l’exclusion de Souvarine du PCF, puis arrêt et reprise en janvier 1926)
— La Révolution prolétarienne en janvier 1925 de Monatte, etc…
— L’Unité léniniste le 15 décembre 1927 (Suzanne Girault, puis Treint en 1928)
b) les nouveaux dans la “Nouvelle étape” (1927)
* Sous l’impulsion de Trotsky et de l’Opposition de gauche, une nouvelle décantation s’effectue contre ceux qui prônent un deuxième parti comme :
— Le Réveil communiste — novembre 1927 (en provenance de la Gauche italienne et évoluant sur des positions korchiste)
— L’Ouvrier communiste — août 1929
* Dans l’Opposition de gauche, on trouve :
— Le redressement communiste en 1928 (Treint, etc.)
— Contre le Courant (novembre 1927)
— La lutte de classes (1928)
2 – Après 1929 jusqu’en 1931.
La première tentative de regroupement par Contre le Courant a été un échec. La “Lettre ouverte aux Communistes d’Opposition” du 2 juin 1928 [31] est une invitation à tous les groupes répertoriés ci-dessus auxquels il faut rajouter le groupe lyonnais d’opposition (dit groupe Souzi), la fraction de gauche du PC italien, Marcel Body et aux oppositionnels de Limoges, au Réveil communiste et à Rosmer et ses camarades de la RP.
Le refus fut quasi général avec des arguments différents pour chacun d’eux.
Nous renvoyons aux lettres et documents les plus caractéristiques ;
* Pour bien comprendre le positionnement politique du Bulletin communiste, il faut se rapporter à la lettre de réponse à Contre le Courant. Il fait deux critiques. D’une part, il ne peut pas être d’accord avec des bolchevisateurs (allusion certainement au groupe de Treint). D’autre part, il estime que l’on trouve dans ces groupes dans une période défavorable des éléments dépourvus de tradition révolutionnaire.
Ainsi on trouve dans la réponse du Bulletin communiste et du Cercle Communiste Marx Lénine, les passages suivants :
“Vous reconnaissez, dans les bolchevisateurs de 1924, des communistes avec vous “d’accord sur des principes essentiels “. Nous voyons eux les produits les plus malfaisants de l’asservissement, de la crétinisation, de la corruption des partis communistes. Improvisés après la guerre dans une période défavorable à leur sélection, forts et faibles d’une masse flottante de mécontents de toutes classes, privés de cadres éprouvés, dépourvus de tradition révolutionnaire, nés et développés sous l’influence et la tutelle d’un grand parti de guerre civile en action dans un pays profondément différent du nôtre, nos partis communistes n’ont pu acquérir leur personnalité propre et sont tombés sous l’étroite dépendance matérielle et spirituelle de l’autocratie soviétique : ils en ont reçu, avec tout le reste, un personnel dirigeant qu’ils n’ont pas élu, étranger au mouvement historique de la classe ouvrière et dont les luttes intestines ne relèvent pas de la critique sociale Entre ces gens-là et nous, l’incompatibilité irréductible ne saurait revêtir de caractère politique, pour l’excellente raison que les uns et les autres ne sont pas sur un même plan. Or, vous avez fait alliance avec un groupe de ces bolchevisateurs et vous persistez dans une volonté d’action commune ses débris. Libre à vous, mais renoncez à nous y mêler. Nous ne sommes pas de ceux qui., par tactique, contreviennent à leurs principes. En notre conscience, nous n’avons rien à retrancher de nos idées de quatre années de crise : c’est assez dire que vous n’avez aucune chance de nous gagner à un rapprochement quelconque avec vos alliés et que vous perdez temps précieux à organiser des conférences où des communistes conscients ne participeront jamais .” (Réponse du Cercle Communiste Marx-Lénine à Contre le Courant, numéro 12 du 11 juin 1928).
Toutefois, en lisant les documents publiés dans ce même numéro 12, pages 11 et 12, et la réponse de Contre le Courant, on peut constater que Souvarine dès 1925 et après son retour de Russie cherchait à être le leader des oppositionnels et à mener une politique personnelle en s’organisant en dehors des Oppositionnels du PCF qui fonderont ensuite cette revue et ce groupe. Des questions demeurent sur la sincérité des arguments du groupe.
* La lutte de classes qui possède une autre orientation politique a un autre positionnement. Dans un premier temps, le groupe note, comme le Cercle qu’“aucune collaboration n’est possible avec Albert Treint”. Ensuite il soutient les “Cinq points de Bordiga” C’est pourquoi il attend les conclusions du 6ème congrès car “il ne faut pas vouloir la scission des Partis et de l’IC. Il faut laisser s’accomplir l’expérience de la discipline artificielle et mécanique, la suivre dans ses absurdes procédures jusqu’où il sera possible, sans jamais se solidariser avec les courants prévalents.” (Bordiga). Peut être, dans une nouvelle période, les conditions pour un regroupement pourront évoluer.
“En ce qui concerne la gauche italienne, nous serons plus précis. Nous considérons la position de Bordiga telle qu’elle est définie dans les cinq points (novembre 1926) comme juste et analogue à celle que nous adoptons nous-mêmes, en tenant compte de l’expérience des deux années qui ont suivi et particulièrement propres au mouvements italien qui influe parfois sur l’expression de Bordiga, comme des particularités propres à notre mouvement français.” (Réponse du 6 juin, Contre le Courant, numéro 12 du 11 juin 1928).
* La fraction de Gauche du PCI répond le 8 juillet 1928.
“Il y a beaucoup d’oppositions. C’est un mal, mais il n’y a pas d’autres remède que la confrontation de leurs idéologies…. Si l’on met la charrue avant les bœufs, on enfreint et dévie l’effort intérieur que les groupes d’opposition doivent faire, on en reproduit la confusion dont les résultats ont été lamentables…. Notre mot d’ordre c’est d’aller en profondeur dans notre effort sans nous laisser guider par la suggestion d’un résultat qui serait en réalité un nouvel insuccès. Nous pensons qu’il est indispensable de se connaître réellement avant d’en arriver à affirmer tel ou tel groupe fait une véritable critique de gauche….
Des plates-formes d’abord, et pas de semblables à celle de Treint-Girault il y a quelques mois ! La notre vous le saurez, a été présentée au III° Congrès du Parti italien et au Congrès de Lille du Parti français…
Voilà les raisons pour lesquelles nous devons refuser votre invitation tout en nous réservant d’étudier votre plate-forme pour formuler notre avis.” (Contre le Courant numéro 13 du 5 août 1928, pages 7 et 8.)
* Pour Le Redressement communiste, c’est un accord pour la Conférence mais sans la participation du groupe de Souvarine et de celui de La lutte de classes.
* Pour le Réveil communiste, la position défendue est celle pour un second parti, la troisième internationale n’est plus redressable. “Il est connu que le groupe Paz (Contre le Courant) représente la pensée léniniste de Trotsky…. Il est regrettable de remarquer que Trotsky qui est parfois si bon théoricien, est toujours un mauvais praticien soit tombé en France justement sur une congrégation d’ouailles petites-bourgeoisies. Ensuite l’article se porte sur la critique de Delfosse du numéro 24 de Contre le Courant portant sur le Rapport de Boukharine pour montrer qu’il est un piètre théoricien puisqu’il n’a pas compris le texte de Trotsky “Projet de programme de l’IC” dans le numéro 20-21 de la même revue. En effet, il est un très mauvais défenseur de Trotsky ; il ne va pas dans le même sens que son chef ! [32]
Deuxième tentative : l’action volontariste de Trotsky que ce soit au niveau international ou national.
En février 1929 Trotsky est expulsé d’URSS, il définit “Les tâches de l’Opposition” (Contre le Courant n°29-30 du 6 mai 1929). ” Il est nécessaire d’élaborer, en même temps que les plates-formes nationales, une plate-forme internationale de l’Opposition […] qui servira de pont au programme futur de l’Internationale communiste.”
Au niveau international Trotsky suggère dans une lettre circulaire du 13 octobre 1929 de créer un Bureau International avec : un membre de l’Opposition russe, un membre de La Vérité : Rosmer et un membre de l’Opposition belge : Van Overstraeten.
Puis, le groupe de La Vérité est à la manœuvre. La revue lance un appel “Pour une liaison internationale de l’Opposition” le 21 février 1930 [33]. Trotsky voulant faire de l’Opposition de gauche son organisation, va rompre avec tous les courants importants au niveau international : d’abord avec Landau et l’Opposition allemande, avec la Ligue des communistes internationalistes de Belgique, puis avec la Fraction italienne du PCd’I et enfin avec la Gauche communiste d’Espagne (Nin).
De même en France, La Vérité va reprendre la méthode proposé par Trotsky dans la lettre du 31 mars 1929 et le texte de Jean-Jacques [34] du 16 mai 1929, Ce long document définit les groupes en fonction des critères d’adhésion à l’Opposition de gauche. Ces critères ont déjà été esquissés dans Le Redressement communiste numéro 3 de janvier 1929. Ce sont les critères suivants :
- Le Comité Anglo-russe (politiques des communistes envers la social-démocratie anglaise ;
- La révolution chinoise ;
- La politique économique de l’URSS en liaison avec la construction du socialisme dans un seul pays.
Mais rapidement, la Ligue communiste créée en avril 1930 au tour de La Vérité entre en crise sur la question syndicale avec le départ de Rosmer puis du groupe qui fonde le Bulletin de la gauche communiste puis le Communiste en 1931. L’adhésion de Treint et des membres du Redressement communiste à la Conférence de la Ligue les 2, 3 et 4 octobre 1931 va quelques temps retarder le délitement de l’Opposition de gauche en France.
3 — Vers le regroupement autour de l’Union communiste (1932-1933)
La rupture de Treint et de Marc Chirik (la Fraction de gauche de la Ligue car elle se considère toujours comme une fraction de la Ligue exclue bureaucratiquement [35]) et leur départ de la Commission exécutive de la Ligue communiste au printemps 1932, puis celle des 35 exclus de ce même groupe [36], est un désastre [37].
Nous avons donc maintenant les groupes suivants qui s’organisent et publient. Ils vont être les acteurs de la Conférence d’unification de l’Opposition de gauche. Ils excluent les groupes et les militants qui défendent la nature Capitaliste d’État de la Russie [38].
— La Vérité (Ligue communiste)
— L’Étincelle de la Fraction de gauche
— Le Communiste (la Gauche communiste)
— Le Bulletin de l’Opposition de gauche de la banlieue ouest (ex-XVème Rayon du PCF – groupe qui va s’avérer essentiel pour la constitution de l’Union communiste).
Les 3 derniers groupes cités plus les 35 exclus de la Ligue communiste créent après la Conférence d’unification de l’Opposition de gauche de 1933, L’Union communiste qui publiera le journal L’Internationale de 1933 à 1939 (jusqu’à la veille de la deuxième guerre impérialiste) [39]. Les quelques militants trotskistes survivants en France s’auto-excluent de la conférence. Très certainement cet échec de l’Opposition de gauche (d’orientation uniquement trotskiste n’ayant pu aboutir) a poussé Trotsky à fonder la IVème Internationale (1938).
L’existence et la richesse politique de cette revue est à signaler. Contrairement à ce qui est souvent colporté notamment de façon malhonnête à la suite de Jean Rabaut [40] L’Internationale de l’Union communiste est publié après 1936 jusqu’en 1939. Nous savons que cette erreur a été sciemment commise car Jean Rabaut a demandé les numéros de L’Internationale dans un courrier à Henry Chazé [41]. Il n’en a pas tenu compte car la position internationaliste de l’Union communiste pendant la guerre d’Espagne (il était membre de la Gauche socialiste et du PSOP soutien du front populaire avec les staliniens) puis pendant la deuxième guerre mondiale (résistant parmi les FFI avec ces mêmes staliniens) et ensuite enfin en rejoignant la SFIO, le gênait.
Par contre, l’Union communiste est saluée par la Gauche communiste italienne. Elle avait même anticipé la création d’un Bureau international d’information entre l’Opposition Unifiée Française et la Gauche Communiste allemande.
“Nous publions ci-dessous un projet pour la constitution d’un “Bureau international d’information”. Ce projet fut élaboré en mai 1933. La dispersion des forces révolutionnaires nous a mis dans l’impossibilité de le soumettre à une discussion internationale régulière. [42]“
Ce bureau ne verra pas le jour, du fait de la défection de la Gauche communiste allemande (Landau). Cependant, des liens très forts existèrent entre l’Union communiste et la Fraction de gauche du PCI de 1933 à 1936. Les positions divergent ensuite entre ces deux groupes sur l’Espagne et les ont ensuite éloignés. L’Union communiste se rapprochant également de plus en plus du conseillisme, a continué à les éloigner.
Un peu de théorie.
Nous avons distingué au début de cette présentation les options politiques entre opposition et deuxième parti. L’opposition était comprise comme une fraction dans le même parti car on croyait pouvoir encore le récupérer. Par contre, la création d’un deuxième partie était avancé par ceux qui voulaient montrer que les PC et l’Internationale n’étaient plus récupérable pour la classe ouvrière. Ils avaient déjà trahis.
La Fraction de gauche du PCd’I défendait une tout autre notion entre fraction et opposition. Tout en étant très près de la notion d’opposition de la Gauche russe, elle développait une vision de fraction plus particulière. Pour elle, il y avait un processus historique en cours à tenir en compte pour l’évolution d’une fraction. Au départ dans les années 20, la fraction pensait pouvoir récupérer le parti mais alors en en prenant la direction contre la fraction opportuniste et droitière. Ultérieurement, s’il devait y avoir perte de l’ancien parti, la création du nouveau ne pouvait arriver qu’à travers un certain nombre d’événements bien précis et, dans ce cas, uniquement qu’à travers la fraction. Et, par exemple, le PCF a trahi sur la question de l’internationalisme prolétarien quand, à la suite de Staline déclarant comprendre la politique de défense de la France en 1935 [43], il décide de “lutter avec Blum et Herriot (radical) pour un 14 juillet’républicain’”. Il en est de même pour le PCd’I. Et dès lors, pour souligner le changement de période et de fonction de la fraction, la fraction italienne change de nom : de fraction italienne du PCd’I, elle devient fraction italienne de la Gauche communiste.
* * *
Nous n’avons pas rendu compte de l’existence d’autres groupes oppositionnels après 1930 comme :
— La Critique sociale de Souvarine (1931-1934)
— La Bataille socialiste de Treint.
— Lutte ouvrière de Pierre Naville en 1935
— La Commune des “Groupes d’Action Révolutionnaire” (GAR) de Molinier et Frank.
Nous y reviendrons en présentant la Critique sociale. Pour les deux derniers groupes, nous renvoyons au site RaDAR.
Source: Archivesautonomies.org