
BERNARD, 10 ANS PLUS TARD
En 2010, sortait en salle le film documentaire Bernard, ni dieu ni chaussettes, qui dressait le portrait de Bernard Gainier, un des derniers diseux en patois beauceron des textes du poĂšte Gaston CoutĂ©. Mais quelques annĂ©es plus tard, aux salles de cinĂ©ma succĂ©dĂšrent les salles dâhĂŽpital. Ce gardien de la mĂ©moire paysanne perdait la sienne. Lâhistoire aurait pu sâarrĂȘter là ⊠Mais câest sans compter sur les mystĂšres du cerveau et son dĂ©sir inĂ©branlable de libertĂ©, le ciel peut attendre !
En 2007, quand jâai demandĂ© Ă Bernard Gainier si je pouvais le filmer dans son quotidien il mâa rĂ©torquĂ© que jâavais vraiment du temps Ă perdre, ça tombait bien câest ce que je cherchais Ă filmer justement⊠le temps perdu. « Pourquoi filmer un pĂ©san comâmouĂ© ? » me demandait-il souvent, quand il ne mâenvoyait pas bouler avec ma camĂ©ra. Je me suis armĂ© de patience, le tournage a durĂ© trois ans.
Câest Ă la sortie du film au cinĂ©ma en 2010 quâil a commencĂ© Ă comprendre mon obstination⊠Il Ă©tait « en haut de lâaffiche » et les rĂ©actions du public furent tout de suite chaleureuses et enthousiastes. Bernard devenait un hĂ©ros de cinĂ©ma. Sâil nâa que faire des honneurs, lâhomme est tout de mĂȘme fier de cette reconnaissance tardive. Lui, le gardien dâune mĂ©moire paysanne, le passeur dâune poĂ©sie populaire, et dâune langue, le patois beauceron, qui disparaitra avec ceux de sa gĂ©nĂ©ration. Bernard est un « diseux » restĂ© fidĂšle Ă une tradition libertaire et humaniste qui a marquĂ© sa ville de Meung-sur-Loire. Rabelais y Ă©crivit son Pantagruel, François Villon fut jetĂ© dans les geĂŽles de son chĂąteau, et câest lĂ que grandit le poĂšte Gaston CoĂ»tĂ©, « Le Rimbaud de la Beauce » qui connut son heure de gloire dans le Montmartre de la Belle Ăpoque.
Source: Demainlegrandsoir.org