Petite route de la France rurale comme on en voit sur les cartes postales, Stanislas fonce.
Stanislas a toujours foncĂ©. Stanislas est un fonceur. Le malus Ă©cologique de son monstre sur gommes ? Vite compensĂ© par le sentiment de supĂ©rioritĂ© que lui confĂšre la possession de 300 bourrins suralimentĂ©s. Petite glissade vite rattrapĂ©e, ABS pour Ă©viter un couple de gallinacĂ©es imprudentes⊠Stanislas ralentit toujours pour les poules, pas envie de retrouver des plumes dans un Ă©trier de freinâŠ
Stanislas revient dâun sĂ©minaire pour jeunes requins aux dents longues. Stanislas est vĂ©nĂšre : Jean-Ba, de lâantenne de Grenoble, qui sâest cru obligĂ© de dĂ©barquer au volant dâune allemande de la pointure dâen dessus. Frimeur !…
Devant, une voiture de « sans dents » qui doit jouer Ă cache-cache avec les contrĂŽles techniques. Vite doublĂ©e, vite oubliĂ©e⊠Stanislas fonce. Stanislas est un gagnant, Stanislas est un battant, Stanislas a choisi MacronâŠ
Au séminaire, on a beaucoup parlé investissements à faire sur tel ou tel candidat.
Faire attention, petite descente au revĂȘtement suspect.
Les Ponts et ChaussĂ©es, un corps mis en place au temps de Louis XV. Devaient sâoccuper des ponts et des routes, normal.
Au 19e siĂšcle, le 21 mai 1836 plus prĂ©cisĂ©ment, une loi organique leur enlĂšve un peu de leur monopole en donnant aux communes lâentretien des chemins vicinaux grĂące Ă des recettes fiscales et aux dĂ©partements les chemins vicinaux de grande communication, reliant plusieurs communes (ancĂȘtres des dĂ©partementales).
Il faudra attendre 1937 et le gouvernement de Léon Blum pour voir naßtre une Direction des routes.
Ensuite ? Les DDE sont créées en 1967 et remplacent les Ponts et ChaussĂ©es. Et aprĂšs, la dĂ©centralisation de 1982 avec le passage des DDE sous la tutelle des Conseils GĂ©nĂ©raux (bien que les DDE et leur personnel restent sous statut dâĂtat) qui devront â avec les communes concernĂ©es – financer les travaux.
Ensuite ? Petit Ă petit, lâĂtat va retirer ses pions pour les 375 000 km de routes nationales dâintĂ©rĂȘt local (RNIL) qui sont refilĂ©es aux dĂ©partements alors que les Nationales importantes sont confiĂ©es Ă des Directions InterdĂ©partementales des routes.
Ensuite ? EN 2011, la France « cocoriconne » en tĂȘte devant 139 autres pays pour la qualitĂ© de ses routes. En 2015, en six ans, elle Ă©tait tombĂ©e Ă la 7e place malgrĂ© le lobbying des transporteurs routiers qui ne sont pas prĂȘts Ă se mettre au ferroutageâŠ
Stanislas lâaime pourtant bien, cette France profonde avec ses⊠il les appelait comment dĂ©jĂ , Nicolas ?…
DĂ©jeuner avec la rĂ©daction de lâAgence France-Presse, le mardi 18 octobre : “Mon Ă©lectorat est populaire, ce sont des ploucs.“
Stanislas est un urbain gavĂ© aux particules fines, il ne supporte pas lâodeur du fumier malgrĂ© le milieu quâil frĂ©quente. Vite, fenĂȘtres fermĂ©es. Dans son bolide, Stanislas est Ă lâabri de tout ou presqueâŠ
Sur le siĂšge passager, une liasse dâenveloppes au logo de sa firme, de sa frime. On ne se fait pas de pactole sans casser des emplois : convocations individuelles en vue dâun licenciement Ă©conomique.
Sur ce coup, Stanislas a battu Jean-Ba : 77 Ă 43⊠Stanislas fĂȘterait bien cela dâune rasade de whisky mais il y a encore trop de gendarmes.
Par contre, pour ses enveloppes Ă poster, pas le moindre bureau Ă lâenseigne jaune dans le secteurâŠ
« Ăa eut postĂ©, mais ça poste plus ! » dirait un dĂ©cideur de la Poste Ă la Fernand RaynaudâŠLe volume du courrier a diminuĂ© de 31 % depuis 2008. La Poste rĂ©flĂ©chit Ă supprimer plusieurs milliers de ses implantations dans des villes moyennes, dâici Ă 2020 : 7 000 des 17 000 points de contact actuels pourraient fermer.
Câest en 1830 que dĂ©bute la distribution du courrier dans toute la France par les facteurs ruraux. Dans un premier temps, tous les deux jours, elle devient quotidienne dĂšs 1832.
En 1848, le mĂȘme tarif est appliquĂ© sur toute la mĂ©tropole⊠Service public !…
1879, crĂ©ation du MinistĂšre des Postes rĂ©unissant les Postes et les TĂ©lĂ©graphes⊠En associant ainsi – au sein dâune mĂȘme structure – le courrier papier Ă acheminement physique coĂ»teux au courrier tĂ©lĂ©graphiĂ© moins onĂ©reux puis au tĂ©lĂ©phone encore plus rentable ; le service public « PTT » sâen sortait sans trop de soucis.
AprÚs la deuxiÚme boucherie, les PTT traßnent les pieds face à une modernisation semble-t-il nécessaire.
DĂ©but des annĂ©es 70, câest le dĂ©but de lâautomatisation du tri du courrier. La poste a besoin de fric⊠De son cĂŽtĂ©, le tĂ©lĂ©phone a besoin de sortir du « 22 Ă AsniĂšres » avec ses standardistes. LĂ aussi, modernisation est synonyme de gros besoins financiersâŠLe service public lorgne vers les fonds privĂ©sâŠ
1990, 2e cohabitation, les PTT se scindent en deux entreprises distinctes donc concurrentes : La Poste et France TĂ©lĂ©com. Le courrier papier va commencer Ă souffrir sachant que lâacheminement dâune lettre revient effectivement Ă 4 fois le prix du timbreâŠ
1991 La Poste devient un exploitant autonome de droit public.
Fin 2004, lâĂtat retire une partie de ses pions de France TĂ©lĂ©com, histoire de passer en dessous des 50%. France TĂ©lĂ©com devient alors une entreprise privĂ©e. Adieu le service publicâŠ
La route Ă©tire ses mĂ©andres au milieu des prĂ©s et des fermes. Stanislas fonce. Stanislas a toujours foncĂ©. Stanislas est un fonceurâŠ
Sur le tableau de bord de son monstre, un voyant indique une chute de pression du pneu arriÚre gauche. Stanislas jure. Changer un pneu sur une route nappée de bouses et de lisier. Maudits paysans !
Justement, un gaâs du coin est lĂ , sur le talus. La vue du jeune en costard qui fait des pointes pour Ă©viter de trop salir ses escarpins de luxe le fait sourire.
« Ăa crĂšve aussi ces pompes Ă fric ? »
Stanislas ne répond pas et continue à danser sur la route.
« Bon, manifestement vous ĂȘtes dans la merde⊠»
Toujours savoureux de voir un jeune loup dans la panadeâŠ
« Allez, arrĂȘtez de stresser, on va sâoccuper de votre carrosse⊠Servispublix ! »
Ni une ni deux et surtout pas trois, arrive un petit cochon en couinant joyeusement.
« Servispublix. Va tâoccuper de la voiture du seigneur! »
Le goret dĂ©vale le talus en tressautant. Pas simple de courir avec une jambe de bois Ă la place de la patte arriĂšreâŠ
Stanislas nâa rien dâautre Ă faire que de⊠Pas de rĂ©seau. Zone blancheâŠ
Servispublix desserre les boulons avec les dents, file chercher le cric, joue de la manivelle, enlĂšve la roue souffreteuse vite remplacĂ©e par sa collĂšgue de secoursâŠ
« Tu vas la laver dans lâabreuvoir avant de la remettre en place⊠»
Le petit porcin file en claudiquant, fait faire trempette Ă la roue, se dĂ©brouille pour la porter sur sa tronche puis revient « tap, tap, tap toc ! » jusquâau coffre, y range la roue, file laver le cric, le range Ă son tour et tout ça en poussant des petits couinements joyeux.
« Tap, tap, tap, toc, crouic, crouic ! »
Stanislas regarde la petite queue en tire-bouchon qui sâĂ©loigne.
Un cochon avec une jambe de boisâŠ
« Il est fabuleux votre cochon, super bien dressé⊠La jambe de bois, un accident ? »
Le gaâs descend enfin de son talus histoire de voir le monstre mĂ©canique de plus prĂšsâŠ
« Ben⊠Il est tellement utile ce pauvre Servispublix⊠On va pas le manger en une fois⊠»
(NDLA) Le cochon est un animal trĂšs sympathique. Il nâest absolument pas question, dans cet article, de me moquer des services publics, bien au contraire.
Source: Monde-libertaire.fr