Les réseaux sociaux sont énormément utilisés en Turquie. Mais ils sont investis aussi par les pro régime AKP, les Aktrolls. Cependant, malgré les censures régulières, la surveillance, l’opposition, avec toutes ses tendances, les utilise avec entêtement.
Les habitants lambda, militants, journalistes, politiques, artistes et intellectuels, continuent à l’ouvrir sous pseudo ou identité en clair, en déjouant les censures, les ralentissements et coupures, les suppressions de comptes. Les groupes s’organisent pour des attaques et contre attaques, à la fois sur le plan technique, ou en agissant par signalements aux « gestionnaires » des réseaux sociaux .
Les trolls du régime aussi, sont donc à la besogne. On les appelle en turc des aktrolls, faisant allusion à l’AKP, « Ak Parti ». C’est une guerre épuisante, qui va croissant, et des campagnes de calomnies prennent pour cibles des opposants de toutes sortes, des injures et de la haine se déversent, l’info et l’intox se mêlent, des listes s’établissent.
Il existe depuis longtemps des thèses qui disent que les aktrolls seraient bien plus organisés que ce qu’on imagine, même grassement rémunérés, pour le service, ce qui va au delà du militantisme ou du fanatisme.
C’est fort possible, car le pouvoir AKP, a des habitudes bien établies qui ont fait leurs preuves, comme l’achat de groupes de médias entiers, avec des sommes importantes « tombées dans une piscine », une cagnotte, par coups de pots de vin. Pourquoi ne pas rémunérer ces bons et loyaux services virtuels qui font preuve d’efficacité ? Et pourquoi éventuellement ne pas les récompenser d’un poste de fonctionnaire, pour les plus brillants ?
Les questionnements sur ce sujet, qui bourdonnent depuis belle lurette ont été portés jusqu’à l’Assemblée Nationale. Le député d’Istanbul du CHP, Sezgin Tanrıkulu a posé une question au Premier Ministre Ahmet Davutoğlu.
Voilà les questionnements de Sezgin Tanrıkulu :
- Est-il vrai que des comptes troll qui insultent, calomnient, fichent les concitoyens sur les réseaux, sont salariés ?
- La thèse sur la mise en place d’une cagnotte (havuz, littéralement piscine en turc, pool) afin de rémunérer les utilisateurs des comptes entre 800 et 4000 livres turques, est-elle vraie ?
- Des ordres seraient-ils donnés à ces utilisateurs, pour faire systématiquement et délibérément, des campagnes de calomnie à l’encontre de concitoyens de toutes franges de la société, comme pour le personnel administratif et les membres de partis d’opposition considérés « opposants » au gouvernement ? Si oui, cet ordre a été donné par qui ?
- Est-il vrai que dans la dernière année, les détenteurs de compte troll, seraient rémunérés en primes, selon la performance qu’ils montreraient dans les campagnes qu’ils mènent sur les réseaux sociaux ?
- Une enquête, est-elle ou sera-t-elle ouverte sur ces comptes de réseaux sociaux, qui insultent les personnes considérées comme « opposantes » au gouvernement, et qui préparent des listes de garde à vue pour les journalistes opposants ?
- Dans le pays, combien de comptes de réseaux sociaux en total, ont-ils été fermés pour menace, chantage, calomnie, accusation ?
Le dernier exemple était Füsun Demirel. La comédienne, plusieurs fois primée, avait répondu dans un reportage de Cumhuriyet qui la questionnait sur un rôle qu’elle n’a jamais tenu et qu’elle aurait aimé jouer : « J’aurais voulu jouer les combattantes guérillas à la montagne, mais maintenant je ne peux jouer que leur mère ou leur grand mère » avait-elle dit. Elle a été littéralement lynchée sur les réseaux sociaux et les médias alliés l’ont portée sur leurs manchettes en la qualifiant de « terroriste de PKK ». Dans un premier temps, l’entreprise productrice de la série dans laquelle elle jouait a déclaré que la série était retirée du programme cette semaine, ensuite son licenciement a été annoncé.
Le soutien de nombreux artistes et organisations de société civile progressistes n’y pouvait plus rien faire… Les explications, les précisions de Füsun, sur sa sensibilité pour les luttes des femmes, son inspiration des femmes de caractère, des femmes fortes ne servaient plus à rien.
Ahmet Davutoğlu répondra-t-il aux questions ? Sans doute sur twitter, avec les petit coeurs mis par les aktrolls…
Les aktrolls sévissent-ils aussi aussi à l’encontre des publications sur les réseaux en Europe ?
Il n’est pas nouveau qu’une coopération exista entre les ministères de l’Intérieur des Etats Européens et les services turcs, pour exercer une surveillance à l’encontre des opposants de la diaspora, en particulier kurde. Liste internationale du « terrorisme » exige, puisque le PKK y figure toujours en bonne place.
Ces coopérations policières ont été récemment renforcées, avec rencontres à la clé, à Bruxelles ou Ankara. La France, dans le domaine, a pris quelque avance.
Et, en Grande Bretagne, en France, et sans doute ailleurs, nous voyons se renforcer les tracasseries à l’encontre des « activistes » kurdes sur les réseaux sociaux. Les mêmes signalements de masse ont lieu, les mêmes tracas se produisent sur les publications, les pages dédiées, qui ont même conduit récemment des groupes à publier une « lettre ouverte à Facebook ».
On nous a signalé des fermetures de comptes faisant la promotion de ventes d’e-commerce kurde… Amusant de voir jusqu’où porte le zèle des aktrolls !
Nous n’échappons pas à ces pressions à Kedistan.
Nous n’avions pas réouvert les commentaires, et nous nous en réjouissons à postériori.
Pour les réseaux sociaux, pour le moment, la situation reste celle d’une guérilla virtuelle et d’une guerre des nerfs avec Facebook, pour les partages des articles, via la page Kedistan, et les comptes des « chats » sur le réseau social. Nous pressentons une détérioration rapide de la situation. Déjà, la page Facebook, alors qu’elle touche en moyenne 40 000 personne sur le réseau, a vu sa portée réelle réduite en « visibilité », par le truchement des algorithmes du gestionnaire. Et nous ne sommes pas les seuls.
Nous vous incitons donc à vous abonner plus que jamais à la Newsletter du site, en prévision des mauvais jours.
Avis aux amatrices et amateurs, Erdogan embauche. Postes disponibles en Europe, sans visa depuis l’accord de Bruxelles. Logement fourni en France. Possibilité de promotion, sous état d’urgence.
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